Introduction
« Imagine. At the end of the writing process, all of us will become both narrators and characters of the Make it Work’s play. And who knows, maybe could it even be played again, something like a theatrical replay of an experimental foreplay of climate negotiations played in a more realistic way than the actual real ones? »
Extrait de la pièce A Theatre of Negotiations
de Clémence Hallé et Anne-Sophie Milon
(sur une idée de Margaux Le Donné)
2015
Du 26 au 31 mai 2015, au Théâtre Nanterre-Amandiers, deux cents étudiants du monde entier se sont réunis pour une expérience théâtrale et politique singulière : jouer une conférence internationale sur le climat six mois avant la Conférence de Paris de décembre 2015. Ni spectacle, ni pièce de théâtre, mais usage spéculatif du lieu théâtral, Le Théâtre des négociations / Make it Work (nous reviendrons sur ce double titre) se situait au croisement de l’expérimentation politique, artistique et scientifique. La question principale posée par cette expérience était la suivante : comment composer un monde commun dans un contexte de ressources limitées, d’intérêts divergents ? Si la crise écologique nous oblige à repenser les notions de collectif, d’espace public, de ressources, quel rôle le théâtre peut-il jouer dans cet effort de repolitisation des communs ? Le projet était fondé sur deux hypothèses principales. Et si (c’est le « als ob » de l’expérience de pensée) on ouvrait la boîte noire des négociations, afin de rendre visible, public, partageable, un processus généralement fermé ? « Théâtre des négociations » : j’ai proposé ce titre en référence au sens classique du mot « théâtre » – le lieu d’où l’on voit. Il s’agissait en effet de faire du théâtre un lieu de visibilité, l’inverse d’une négociation internationale à huis clos. La seconde hypothèse, proposée par Bruno Latour, consistait à inclure dans les négociations climatiques les entités directement concernées par la question du réchauffement climatique : peuples autochtones, jeunes, forêts, océans, animaux en voie de disparition, territoires en danger – mais n’ayant aucun moyen de faire entendre leur voix (parce qu’ils ne parlent pas, comme les non-humains, ou parce qu’ils sont mal ou non représentés dans les négociations, comme les jeunes et les peuples autochtones). Ce carnet de création propose de documenter cette expérience dans laquelle le théâtre est conçu moins comme espace spectaculaire que comme dispositif heuristique et spéculatif, comme lieu de production de fictions actives.