Le Théâtre des négociations,
un laboratoire à ciel ouvert

Conclusion


 

Comment nommer, finalement, ce « théâtre des négociations » ? Parmi les qualificatifs utilisés par les participants et les spectateurs, on a pu parler d’une expérience de pensée dans l’espace, d’un laboratoire, d’une machine collective, d’une manipulation, d’une exposition d’art contemporain (Les Inrockuptibles), d’un spectacle, d’un pre-enactment, d’une expérience artistique, d’un entraînement pour la reproduction des élites, d’une performance (Le Monde), d’un exercice pédagogique (Sciences Po), d’une fiction politique. Ce trouble des catégories a caractérisé tout le processus, avant, pendant et après la simulation. Car chaque collectif ayant participé à la simulation avait son propre « agenda », comme on dit en diplomatie, ses propres objectifs, qui ne coïncidaient pas forcément. Ils étaient même souvent contradictoires. C’est dans ces tensions, me semble-t-il, que réside en partie l’intérêt de l’expérience, portant souvent les institutions et les participants à la limite de leur fonctionnement habituel et de leur définition. Il n’y a donc pas une histoire unique à raconter : cette expérience conteste l’idée même d’une globalité, d’un point de vue unique et totalisant. D’où l’intérêt de multiplier les récits de ce genre d’expérience collective : un film, une pièce de théâtre, une vaste revue de presse (plus de 200 pages), des récits d’étudiants, de chercheurs. Les questions écologiques n’unifient pas mais divisent. Elles nous forcent à imaginer d’autres associations, d’autres collectifs, d’autres assemblées. Parce que le théâtre met au travail les assemblages, les alliances, il permet de jouer d’abord les lignes de fracture, de les donner à voir, de performer la politique dans les deux sens du terme : donner à voir le dissensus plutôt que le consensus, montrer non pas ce qu’il faut faire mais ce qui pourrait être inventé. Si notre souhait d’« ouvrir la boîte noire des négociations » ne s’est pas réellement accompli, il reste que le théâtre a offert un lieu particulièrement fructueux pour accueillir cette « fiction performative ». Entre modélisation scientifique et performance politique, le genre de la simulation permettait d’articuler de manière singulière le théâtre à la réalité qu’il voulait représenter, anticiper et tenter d’infléchir.

 

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