Entretien réalisé par Romane Taveau
Comment en êtes-vous venue à écrire du théâtre ?
J’ai toujours voulu écrire. Quand j’étais plus jeune, je me projetais plutôt dans l’écriture de roman. Puis c’est le côté concret et efficient de la littérature théâtrale qui m’a séduite. Après une classe préparatoire littéraire, je me suis retrouvée en faculté de lettres et j’avais envie d’un rapport très concret entre la littérature et la vie. Je faisais déjà un peu de théâtre à l’université, je proposais à des ami·es de faire des lectures dans la rue. Je me suis rendu compte que le théâtre permettait ce rapport très direct au présent, que l’on rencontrait des spectateurs et spectatrices. J’ai donc fait mon mémoire de maîtrise sur le théâtre de Dario Fo et Franca Rame, un théâtre politique qui a quitté les institutions dans les années soixante-dix pour aller sur les places publiques, dans les maisons du peuple, les usines occupées. Il y avait déjà quelque chose qui me séduisait là-dedans. Le théâtre politique donc, comme façon d’agir sur le monde, de rencontrer des gens. Ce théâtre m’attire également pour la question du format : il existe une grande variété de formats, longs ou courts, ce sont des pièces rapides et percutantes qui peuvent s’installer partout. Tout cela permet pour moi un rapport concret à la littérature. Enfin, j’adore le théâtre parce qu’après avoir écrit, on est obligé de rencontrer des interprètes qui incarneront cette parole.
Ne reste-t-il pas quelque chose de votre goût pour le genre romanesque dans votre travail ? Je pense à votre pièce Le Fils par exemple[1].
En fait, ce qui me plaît aussi dans le théâtre, c’est que c’est un endroit qui peut accueillir tous les genres littéraires. Effectivement, dans Le Fils, on est proche de l’écriture d’une nouvelle ou d’un récit, tout de même retravaillé par la rythmique et la nécessité d’une adresse à un public. Mais oui, dans le théâtre, il est possible de faire du dialogue, du récit, de la poésie, de la philosophie, de l’essai. J’aime ce côté multiforme du théâtre où tous les genres littéraires peuvent figurer, je trouve ça assez excitant.
Est-ce qu’aujourd’hui vous vivez de votre travail d’autrice dramatique ?
Aujourd’hui, je ne vis pas du métier d’autrice seulement, mais de celui d’autrice et de metteuse en scène parce que je suis intermittente du spectacle. Je travaille au sein du collectif Lumière d’août, un collectif de plusieurs auteur·rices et metteur·ses en scène que nous avons fondé il y a plus de dix-sept ans à Rennes[2]. Nous avons créé notre compagnie, notre outil de travail, qui est non seulement une coopérative de production – un endroit où l’on mutualise nos moyens de production –, mais aussi un espace d’amitié littéraire et artistique. Nous nous faisons beaucoup de retours critiques sur nos textes en cours, nous assistons aux répétitions des autres. Aujourd’hui, je vis, d’une part, de l’écriture et de la mise en scène et, d’autre part, de la transmission puisque j’anime beaucoup d’ateliers. Et puis c’est aussi un métier où il faut aller chercher l’argent. Il faut vendre, prospecter pour ses futurs projets. Au début de ma carrière, j’étais à mi-chemin entre le théâtre et l’université, puisque j’étais inscrite en thèse et que je donnais des cours. J’ai aussi enseigné deux ans en lycée. Aujourd’hui, j’ai également des commandes et du travail qui viennent d’autres compagnies.
Considérez-vous qu’il existe certains obstacles institutionnels qui vous empêchent de faire exactement ce que vous souhaitez faire ou bien des formes d’autocensure qui font que vous ne vous sentez pas autorisée à faire certaines choses ? En somme, y a-t-il une différence entre être autrice de théâtre et être auteur ?
Je pense que les choses sont intriquées. Oser s’affirmer comme autrice est un chemin difficile puisque l’on a dans notre éducation et dans notre socialisation de femme cette instabilité qui fait que l’on doute tout le temps de soi-même, que l’on ne se sent pas légitime. Beaucoup de choses se mettent en place dans la socialisation consciente et inconsciente, rendant plus compliqué le fait de s’affirmer en tant qu’autrice. Pour ma part, au début des années 2000, j’ai rencontré Roland Fichet, auteur et directeur du Théâtre de Folle Pensée à Saint Brieuc. À l’époque, il a constitué un groupe de jeunes auteurs et autrices et m’a proposé d’en faire partie. Cette proposition m’a aidée à affirmer ma vocation d’autrice : tout à coup, quelqu’un me disait d’écrire, alors il fallait que j’ose. Sans ça, j’aurais pu devenir enseignante à plein temps parce que c’était quelque chose d’attendu par mes parents ou parce qu’il fallait que je gagne ma vie, alors qu’écrire me trottait dans la tête depuis toute petite. Ces quelques événements m’ont donc permis de choisir mais je vois bien cette part d’autocensure. Quand j’étais plus jeune, je commençais chacun de mes rendez-vous professionnels en me sabotant, en me dévalorisant ou en m’excusant de faire ce que je faisais. Aujourd’hui, ça va mieux parce que j’ai rencontré le féminisme, qui m’a aidée à déconstruire mes angoisses et mes dévalorisations. Donc oui, il y a les doutes et les affres propres à l’écriture que l’on a en tant qu’auteur en général – que l’on soit un homme ou une femme – mais ils sont peut-être plus forts encore lorsque l’on est une femme, car c’est plus dur de s’autoriser à écrire. Par ailleurs, je ne sais pas si c’est un véritable choix, mais la décision de ne pas faire d’enfant et donc de ne pas avoir à assumer la charge d’une vie familiale, c’est autant de liberté et de temps gagné sur des choses qui entravent souvent un peu les carrières. Il y aurait beaucoup à dire sur les obstacles sociologiques et psychosociologiques intégrés, mais j’ose espérer que c’est en train de se transformer.
Et puis les obstacles institutionnels leur sont liés. L’accueil réservé par les professionnels à un projet écrit par un homme ou par une femme n’est pas identique. En travaillant dans une compagnie mixte, je me suis rendu compte de l’assurance et de la tranquillité de mes collègues masculins. Il y a des effets de reconnaissance entre programmateurs et auteurs au masculin ; et chez certaines programmatrices, il y a parfois plus de confiance envers un jeune homme qu’envers une jeune femme, qui pourrait la ramener à sa propre instabilité de femme. Ce sont autant de jeux inconscients. Mais là aussi, les choses sont en train de se transformer, même s’il y a un manque concret de solidarité féminine. En tant qu’autrice, je me rends compte que travailler sur des projets féministes me protège de certaines choses, même si le regard reste différent parce que je suis une femme. En définitive, c’est tout ce système patriarcal qui fait que l’on doute plus facilement des projets des femmes. Concrètement – et les chiffres du Syndeac (Syndicat National des Entreprises Artistiques et Culturelles) le montrent[3] –, cela se matérialise dans les moyens de production accordés.
Vous est-il déjà arrivé au cours de votre carrière de sentir que l’on traitait votre travail d’autrice différemment parce que vous êtes une femme ou parce que vous proposez un projet féministe, au niveau de la programmation ? De la publication ? De la critique ?
Oui, par exemple, il m’arrive régulièrement d’être programmée au moment du 8 mars[4], du 25 novembre[5] ou lors de festivals dédiés à des travaux de femmes. Je ne suis pas contre, mais je trouverais dommage d’être systématiquement cantonnée à cela. Par exemple, je suis très contente que « Les Intrépides » de la SACD m’aient demandé d’écrire un texte[6]. Mon œuvre s’est construite autour des questions féministes. Cela me semble donc normal de m’inscrire dans ces projets-là, même si je prétends à ce que mon travail excède ce cadre. Aujourd’hui, les choses sont différentes et mes travaux sont désormais programmés tout au long de l’année sans que cela fasse nécessairement référence à une date particulière. Et puis, il ne faut pas oublier que l’on est dans une société patriarcale et dans un milieu théâtral où il existe beaucoup de cooptation masculine. À titre d’exemple, les femmes lesbiennes n’ont pas du tout le même réseau que les hommes homosexuels dans ce milieu. Par ailleurs – et c’est un sujet délicat et urgent –, on constate beaucoup de harcèlement et de violence sexiste et sexuelle dans la culture parce que les zones de travail, d’amitié, d’affection, d’admiration sont parfois floues. Finalement, on tolère beaucoup de choses au nom de l’art. Par le passé, j’avais une vraie résistance ou prudence sur le fait d’être amie avec les programmateurs parce que ce sont des rapports professionnels certes, mais aussi des rapports de pouvoir et de domination.
Depuis que vous êtes entrée dans cette profession, considérez-vous que certaines aides ont été mises en place – notamment depuis le mouvement #metoo – pour aider les femmes à s’inscrire dans le monde du spectacle vivant à des postes de responsabilité (en tant qu’autrice, metteuse en scène, directrice…) ? Que les choses ont changé, que les regards ont bougé ? Ou au contraire que, malgré le mouvement, dans la réalité, les choses peinent à progresser ?
Grâce aux rapports de Reine Prat[7], je pense que les choses ont progressé dans la conscience des gens. Même si le premier rapport n’a pas été très bien accueilli, il y a eu depuis de nombreux comptages et il y en a encore aujourd’hui. Il reste désormais peu de gens qui refusent encore de regarder ces questions-là. En revanche, cela ne veut pas dire que les chiffres évoluent. Au contraire, ils progressent lentement parce qu’il n’y a pas nécessairement la volonté de faire changer les choses. Certains programmateurs tentent d’avoir une programmation égalitaire, mais la parité ne s’arrête pas là. Ce n’est pas seulement une programmation à 50/50, c’est aussi regarder les moyens de production, les salles attribuées aux projets de femmes, leurs jauges, les périodes de la saison. À titre d’exemple, être programmée entre avril et juin permet difficilement d’être reprogrammée la saison suivante.
Heureusement, il y a des gens qui veulent faire bouger les choses, je pense notamment au mouvement HF[8], dont je fais partie depuis longtemps maintenant. Ce sont des années de militance pour que le ministère de la Culture – jusqu’alors dans le déni sur ces questions – les prenne en charge, pour qu’il y ait, par exemple, des obligations ministérielles appliquées au niveau des subventions publiques. Curieusement, ceux qui accordent les subventions s’offusquent d’être sanctionnés lorsqu’ils ne font pas respecter la loi en terme d’égalité tandis qu’ils acceptent d’être gratifiés s’ils le font. En réalité, il s’agit simplement de faire respecter la loi : cet argent public doit être équitablement réparti. Il faut donc être conscient que si l’on ne fait rien, le système de domination se poursuit tandis que si l’on est attentif à cela, on participe à une dynamique de transformation égalitaire. Je ne peux pas nier que sur les questions de parité, d’anti-sexisme, de diversité, les choses aient bougé, mais il faut toujours surveiller les chiffres et ne pas se laisser avoir par les discours. Pour finir, en ce qui concerne l’articulation entre art et militance, il y aussi des stratégies à mettre en place. Il n’est pas toujours évident de demander une coproduction à un théâtre et d’espérer l’avoir si, en parallèle, on milite contre les programmations non paritaires de ce même théâtre. C’est compliqué de faire avancer sa carrière tout en faisant avancer la militance collective, mais ça vaut la peine de s’atteler à concilier les deux.
Pensez-vous que vous êtes trop régulièrement ramenée à votre position de femme engagée, par les programmateurs, les metteurs en scène, les directeurs de théâtre ?
Je ne peux pas dire que je refuse d’être considérée comme une femme ou comme une femme militante car c’est quelque chose qui me constitue, mais cela ne veut pas dire que je veux être réduite à cela. Je suis femme, je suis artiste, je suis féministe, je suis lesbienne, je suis franco-viêtnamienne, je suis tout cela, mais je ne suis pas que cela. Et cette idée existe aussi dans ma stratégie d’écriture et de mise en scène. Je veille à ce que mes spectacles s’adressent à tout le monde et soient universels ou pluriversels. Je sais qu’il y a des artistes femmes qui refusent d’être considérées comme des femmes, je n’ai jamais pensé comme ça. Je m’inscris dans une histoire du féminisme, des luttes des femmes, d’un théâtre qui assume son côté politique et militant. J’ai effectué mes recherches universitaires sur le théâtre politique et militant, le théâtre de transformation sociale, le théâtre de lutte marxiste et révolutionnaire, je suis dans cette filiation-là. Je suis donc pour les identités situées, car je crois que c’est à partir de ces identités situées que l’on peut être le plus ouvert et le plus universel. C’est une réelle revendication dans mon travail. Je pense même que si l’on sait d’où l’on parle, l’adresse peut être très précise. Il n’y a rien qui m’énerve plus que les artistes blancs qui ne savent pas d’où ils parlent et prétendent à une espèce d’objectivité qui n’est pas située.
À titre d’exemple – c’est moins en tant que femme qu’en tant qu’artiste racisée que je l’ai vécu –, j’ai remarqué une forme de soupçon, de doute de la part des programmateurs lorsque j’ai proposé Les Ombres et les lèvres, un spectacle sur le mouvement LGBT au Viêtnam[9]. Le projet avait été soutenu par Hors les murs et l’Institut français et pourtant je peinais à trouver des coproducteurs. Puis je me suis rendu compte que cette pièce se trouvait à l’intersection de deux questions liées à des minorités. Forcément, pour certains programmateurs, ces questions sont trop particulières, trop situées, ils s’imaginent donc que ça ne peut pas attirer leur public. De mon côté, je pense que le fait d’avoir écrit une pièce tout en étant consciente que je l’écrivais d’un point de vue situé, lui a donné une forme d’universalité accessible à tous. Finalement, lorsque la pièce a été programmée et jouée, l’accueil a été très beau. Beaucoup de personnes – sans pour autant qu’elles soient directement concernées par les questions abordées – ont été touchées, la pièce a résonné en elles. Donc oui, il y aussi cet enfermement et cette assignation contre lesquels il faut lutter. On précise souvent d’un spectacle qu’il est un spectacle de femme, mais on ne dit jamais « c’est un spectacle d’homme » à propos d’un spectacle écrit par un homme. Ce sont tous ces petits réflexes qu’il faut défaire. Aujourd’hui, il faut pouvoir revendiquer des identités minorisées ou minoritaires sans pour autant se laisser enfermer dedans.
Selon vous, comment se traduit le féminisme dans un geste théâtral et artistique ? Par quel moyen, par quelles esthétiques produit-on un écrit féministe au théâtre ?
Je ne peux pas répondre à cette question de façon générale. Je répondrai donc pour moi. En 2009, j’ai entamé un cycle d’écriture nommé Féministes ? dont le but était d’interroger les féminismes et de les réhabiliter – parce que l’on n’était pas encore dans la période actuelle, où le sujet est désormais plus commun. J’ai d’abord créé des lectures-spectacles mêlant des écrits féministes de différentes époques. À l’origine, j’avais le projet de faire un grand spectacle sur les différentes théories féministes, mais je n’ai pas réussi à le faire tout de suite. À cette période-là, je travaillais avec le théâtre La Paillette à Rennes situé sur les vestiges d’un ancien institut de rééducation pour filles dites de « mauvaise vie », qui a servi du XIXesiècle à quasiment la fin du XXe. Celles que l’on appelait ainsi étaient en fait des jeunes filles mineures, souvent victimes d’inceste, de viol ou de grossesse non désirée. J’ai travaillé à partir d’archives, de témoignages d’anciennes pensionnaires mais aussi d’anciennes éducatrices laïques ou religieuses de cette institution pour essayer de comprendre ce qui s’était joué là. Non seulement cela a été une matière de travail très concrète, mais cet événement a participé à une double prise de conscience de ma part : d’abord, les violences sexuelles sont omniprésentes dans la vie des femmes ; ensuite, la justice tend à inverser la culpabilité – et cela encore aujourd’hui – dans la mesure où on a protégé les hommes dans leur « droit » à user du corps des femmes en faisant des femmes des « tentatrices ». En ce sens, ce projet d’écriture m’a aussi permis de me rendre compte de l’hyper-prégnance du système patriarcal dans notre histoire.
Donc pour revenir au geste féministe, il y a d’abord la volonté de s’emparer de ces histoires qui ont été silenciées et de les mettre en lumière. Et puis pour symboliser ce geste, j’ai choisi de faire de la pièce une déambulation dans les espaces du parc. Concrètement, cela veut dire que l’on joue sur le lieu où certains des événements cités ont véritablement eu lieu. Je voulais faire retentir et exhumer ces histoires. Il y avait quelque chose de transgressif dans la volonté de les dire à voix haute dans cet espace précis, mais il y avait aussi quelque chose de réparateur. Et ce qui est beau, c’est qu’à l’issue de ce spectacle, certaines pensionnaires sont réapparues, m’ont écrit ou m’ont téléphoné. Histoires de femmes et de lessives[10] a donc été repris plusieurs années de suite, et nous avons organisé des débats avec les anciennes pensionnaires mais aussi avec certaines des anciennes éducatrices. Pour cette pièce, mon geste féministe, c’était aussi d’inscrire dans ces espaces imprégnés d’une culture patriarcale, une parole qui vient réparer et briser le silence. Histoires de femmes et de lessives a été une pièce vraiment formatrice pour moi. Après ça, j’ai continué sur ces questions avec « La femme, ce continent noir… »[11] qui est un seule-en-scène organisé comme une conférence-performance de trente minutes et qui part de la citation de Freud[12]. Forcément, ces sujets influencent aussi les formes que je choisis, j’aime les formes courtes, qui peuvent se déplacer, bouger, être jouées facilement. Et puis j’ai également utilisé le format de la lecture-spectacle avec Féminisme face au sexisme et au racisme[13]. Sur ce projet, j’ai travaillé avec des actrices, des militantes et des sociologues, non seulement dans le choix des textes mais aussi dans la lecture et au plateau. Ces formes plus légères qui mélangent professionnelles et militantes, permettent de déjouer les regards d’une autre façon. Et puis, toujours dans le cycle Féministes ?, il y a À la racine[14] qui est un spectacle de plateau, donc un plus gros projet. J’ai choisi cinq personnages que sont Angela, Sigmund, Jésus, Ève et Shéhérazade, inspirés de leurs identités historiques et mythiques respectives mais aussi des êtres humains d’aujourd’hui.
Ma façon de faire du féminisme au théâtre, c’est donc de réussir à créer des formes théâtrales qui touchent tout le monde tout en faisant résonner la complexité des débats et des idées féministes, mais aussi en transmettant des savoirs et en alimentant le débat d’idées. Ce qui m’intéresse, c’est le point de rencontre entre la réflexion, la pensée et l’émotion, mais aussi celui entre le privé et le politique, l’intime et le collectif : c’est une idée qui vient clairement du féminisme. Enfin, je crois que dans un geste féministe, il peut et il doit y avoir de l’humour. En effet, le militantisme féministe – tel qu’il a existé tout au long de l’histoire – a mis en lumière des questions très sérieuses et très graves au moyen de gestes forts. L’humour féministe se matérialise aussi dans les slogans, dans l’usage de la langue… J’essaie donc de cultiver cet humour féministe.
Il y a donc la matière documentaire d’abord, les archives, les témoignages, les personnages mythiques ou historiques qui viennent appuyer un propos théorique et militant et puis autour, il y a ma fiction prétexte qui permet de rendre le tout accessible à tous et à toutes, mais aussi de le rendre plus concret. Enfin, il y a la question de la direction d’acteur·rice car en tant que metteuse en scène, je ne suis pas à l’abri de reproduire certains schémas et stéréotypes. À titre d’exemple, dans À la racine, les personnages masculins sont assez drôles, contrairement aux personnages féminins, qui ont tendance à être plus graves. C’est une attention constante à avoir.
Histoires de femmes et de lessives
Vieille 3. – J’ai vu soudain toutes ces histoires, ces paroles jamais dites, centaines et milliers d’histoires de femmes, s’amasser au pied des murs de Saint Cyr, et devenir un tas de linge gigantesque, qui perce la pierre, la déborde.
Vieilles 1, 2, 3. (en alternance) – Des draps sales et remplis de silences, des chemises des collants des culottes déchirées des blouses pleines de merde, les pantalons les slips des hommes et des garçons violeurs, les maillots de corps des pères abusifs, les robes des juges, les uniformes des flics. Qu’on la voie la saleté où elle est. Que tout ça coule dans les eaux de la Vilaine, remonte à la surface, fasse son tumulte, vienne renvoyer sa crasse sa puanteur sous les fenêtres et les façades, explose à ciel ouvert, crève les yeux les oreilles de ceux qui ne veulent ni voir ni entendre, que ça arrange que cette violence soit tue, retranchée, repoussée derrière les murs.
Vieille 3. – Ce n’est sans doute pas un cimetière qu’il nous faut
Vieille 1. – Mais une grande lessive, publique.
Vieille 2. – Je suis restée plantée comme une idiote, presque en larmes, dans le petit cimetière. Les racines de notre monde étaient là, dépliées devant moi, comme de gros mots absurdes : judéochristianisme et patriarcat.
Vieille 1. – Ces racines tellement constitutives de nous qu’elles poussent, à l’extérieur comme à l’intérieur, dans nos corps et nos cerveaux, et que ce serait un effort monstrueux que de les extirper, que d’extirper ce qui nous constitue. Un terreau saturé, piégé, qu’on ingère et qu’on digère, de génération en génération.
Vieille 3. – Pendant des siècles le monde a été construit pour que les hommes soient à une certaine place, et les femmes à une autre. Et pour que les hommes puissent faire tout ce qu’ils veulent des femmes, à peu près impunément. Et petit à petit les femmes ont dit qu’elles voulaient changer de place, et exister autrement, faire autre chose, aller ailleurs. Mais le monde n’a pas été construit pour qu’elles changent de place comme ça.
Vieille 1. – Transformer le terreau sur lequel on pousse, extirper les racines qui nous constituent, c’est un travail long, extrême, radical. Parce que les racines résistent et perdurent, coriaces, invisibles.
Marine Bachelot Nguyen, Histoire de femmes et de lessives
Rennes, Éditions des Deux Corps, 2011
Votre écriture cherche à faire entendre les voix de celles et ceux que l’on n’entend pas, que l’on ne veut pas forcément entendre. Vous tentez de déplacer le regard. En ce sens, pensez-vous que la notion de female gaze[15] pourrait qualifier votre travail d’autrice et de metteuse en scène ?
Le fait de vouloir construire une œuvre féministe et intersectionnelle qui s’adresse à tous et à toutes est un horizon que je me donne. La question du female gaze joue dans mon projet d’écriture dans la mesure où j’essaie de ne pas reproduire un male gaze ou un regard dominant. C’est précisément la question de la représentation qui est en jeu. Et je me pose aussi beaucoup cette question au niveau des personnes racisées ou queer, car il y a des risques d’exotisme et d’exotisation, notamment dans Les Ombres et les lèvres. Il y a donc une vigilance à avoir sur la manière dont je représente et je dirige les acteur·rices parce que c’est finalement une façon de produire des représentations. Certains écueils sont à éviter. Aujourd’hui, je travaille souvent avec des équipes d’acteur·rices qui sont très informées sur ces sujets et, dans le travail au plateau, il arrive qu’il y ait des reformulations. Par exemple, sur Akila, le tissu d’Antigone[16], il y a eu des petites transformations. C’est aussi une façon pour les interprètes de prendre part à l’écriture de leur personnage et c’est important car ce sont eux·elles qui portent ces rôles. Comme je l’ai dit, ce n’est pas parce que l’on est une femme que l’on ne reproduit pas certaines représentations sexistes, donc j’essaie vraiment d’y faire attention.
Comment les sujets s’imposent à votre écriture ? Pour Akila, par exemple, qu’est-ce qui fait que vous ayez voulu aborder un sujet comme le port du voile ?
Pour commencer, je pense que j’ai toujours été féministe, mais je l’ai vraiment découvert entre 2007 et 2008. Pour la première fois, j’ai participé à des rencontres féministes non-mixtes – ce qui aurait été impossible auparavant pour moi parce que je considérais la non-mixité comme une mauvaise idée – et cette expérience a été très significative. Le fait de me retrouver entourée d’autres femmes m’a permis de discuter et d’échanger mais aussi de comprendre ce lien entre intime et politique. J’ai constaté la force de l’intelligence collective car à partir de vécus, d’expériences et d’endroits de pensée différents, nous avons réussi à nous rejoindre, à partager et à confronter nos idées. En parallèle de ces rencontres, j’ai beaucoup lu et cela m’a permis de me resituer au monde. Le fait de me nourrir d’écrits féministes a peu à peu mis de côté mes insécurités, mes sensations d’illégitimité face à mes collègues hommes, notamment sur les plans théorique et philosophique. Et puis, dans ces groupes féministes, j’ai aussi pris de l’assurance en termes de parole publique, ce que je n’arrivais pas à faire dans des assemblées mixtes. Je me suis d’ailleurs rendu compte que j’avais plus d’aisance que d’autres, donc il a fallu que j’apprenne à me taire pour que tout le monde puisse avoir la parole. Tout cela a été une grande transformation dans ma vie et il fallait que ça influence mon travail. Il y a donc eu le cycle Féministes ? qui a débuté en 2009 avec Histoires de femmes et de lessives et qui s’est développé avec « La femme, ce continent noir… » et À la racine. Il y aussi la question intersectionnelle qui s’est enracinée dans mon travail. Je crois que j’ai toujours aspiré à un théâtre féministe et intersectionnel. La lecture de Classer, dominer. Qui sont les « autres » ? de Christine Delphy[17] a été fondatrice, avant d’autres lectures, car elle établit très concrètement l’idée d’un entrecroisement de toutes les formes de domination.
Pour revenir à Akila, le tissu d’Antigone, je dois dire que la question du port du voile me travaille depuis longtemps. Je l’avais déjà abordé dans À la racine par exemple et, dans les années 2010, c’était un sujet qui questionnait beaucoup les milieux féministes. Sur le même sujet, j’ai également écrit MADAM#1 Est-ce que tu crois que je doive m’excuser quand il y a des attentats ?[18] qu’Hélène Soulié m’a commandé. La rencontre et les liens d’amitié avec des féministes musulmanes ont déplacé mes points de vue, les ont enrichis, ont creusé de la complexité dans mes représentations. Ces questions me nourrissent, alors j’ai envie de transmettre ces apports et réflexions. Je me dis peut-être que la société irait mieux si tout le monde se posait certaines questions. En général, ces sujets entrent dans mon travail parce qu’à l’origine, ils me travaillent en tant que personne et de cela découle une forme d’urgence à raconter et à mettre cela sur le plateau.
Dans certaines de vos pièces, on remarque que vous proposez souvent aux spectateurs et spectatrices d’entrer en empathie avec des figures qui nous paraissent pourtant antipathiques. Je pense à Cathy, la mère homophobe, dans Le Fils, au frère terroriste dans Akila ou encore à Karine dans La Place du chien[19], très insouciante face à la question coloniale. Comment ce geste d’écriture s’inscrit-il dans un théâtre politique ?
Ça, je crois que c’est mon goût de la contradiction et de la compréhension humaine. J’aime travailler sur les « ennemis » à divers degrés. Cependant, pour ne pas rentrer dans la fascination du mal, il faut qu’il y ait un point de vue politique extrêmement clair et une analyse des rapports de domination tout aussi précise. Ce sont deux choses auxquelles je tiens beaucoup car elles permettent de ne pas basculer dans la fascination vis-à-vis d’un personnage homophobe ou terroriste, ce qui serait malsain. Les lignes politiques doivent donc être très claires et tenir la pièce. Mais malgré tout, ces personnes qui représentent socialement le « mauvais » existent dans notre réalité et tout n’y est pas noir ou blanc. Aristote le dit déjà dans sa Poétique : un héros tragique n’est ni totalement bon, ni totalement mauvais et, selon moi, il faut conserver cette ambivalence. Un personnage peut donc être à la fois aimable et détestable sans qu’il y ait pour autant d’ambiguïté sur les positionnements politiques de la pièce.
Par ailleurs, quand je pense aux personnages de Karine ou de Cathy, il y a certaines choses qui peuvent nous ramener à nos propres contradictions. En faisant écho en nous, ces personnages nous font entrer en empathie, ce qui nous permet aussi de regarder nos propres mécanismes de pensée. Avec Akila, le tissu d’Antigone, les questions que l’on se pose sont les suivantes : peut-on avoir de l’empathie pour un terroriste ? Pour les familles de terroristes ? Je crois que pour avancer politiquement, on ne peut pas rejeter ces questions. Cela me fait penser à la pièce Rwanda 94 du Groupov, créé au printemps 2000 à Liège. La pièce est titrée ainsi : Rwanda 94 : une tentative de réparation symbolique envers les morts, à l’usage des vivants et fait écho à Peter Weiss sur la question de la dramaturgie documentaire qui ne doit pas prendre pour sujet son propre désespoir. Ce que Weiss dit dans ses « Notes sur le théâtre documentaire »[20], c’est que tout phénomène peut être expliqué. Ainsi, une dramaturgie qui prend pour sujet sa propre terreur ou son propre désespoir, s’inscrit dans un questionnement moral et non politique. Selon l’idée de Weiss, la réalité peut être expliquée dans ses moindres détails. Dire « le fasciste est un monstre » ne fait pas avancer les choses. En revanche, si l’on regarde comment le fascisme se construit politiquement, on regarde aussi comment le déconstruire. C’est donc la croyance que l’on peut comprendre, expliquer et désamorcer certaines questions et c’est ce qui m’intéresse. Finalement, j’évite de raisonner dans les catégories du bien et du mal et je leur privilégie celles du juste et de l’injuste.
À l’occasion de la commande de la SACD (sur le thème Basta) en 2018, et de l’écriture de MADAM (Manuel d’Auto-Défense À Méditer), vous avez pratiqué l’écriture en non-mixité de genre. Vous avez écrit, mis en scène et travaillé entre femmes. Qu’est-ce qui rend cette expérience d’écriture singulière ? Comment expliquez-vous sa nécessité ?
À la SACD, il y a une volonté militante, d’abord parce qu’ils ont fait des comptages de très bonne heure sur la parité, ensuite, parce qu’avec Les Intrépides, il y a la volonté de promouvoir des textes d’autrices. Donc ces commandes-là sont assez stimulantes, elles permettent de rencontrer d’autres autrices, ce qui crée une sororité, une solidarité entre autrices. L’année où j’y ai participé, nous avons vraiment formé un groupe et il s’est passé quelque chose de fort humainement. C’était à la fois intéressant de lire et d’apprécier le travail d’autres autrices, mais c’était aussi un beau moment de partage. Et puis pour nous, c’est un petit coup de projecteur. C’est important en tant qu’autrice de faire partie d’une anthologie féministe, comme c’est le cas pour ma pièce Les Ombres et les lèvres, qui a été traduite en allemand et qui fait désormais partie d’une anthologie queer. L’idée de MADAM m’a tout de suite enthousiasmée. Pour moi, c’est un projet qui a du sens. Mêler le texte d’une autrice à la conférence d’une femme spécialiste est un format habile[21]. Je suis admirative du geste d’Hélène Soulié dans sa globalité, en tant qu’œuvre mais aussi en tant que projet féministe.
Dans une perspective féministe et intersectionnelle, comment écrit-on du théâtre sans réduire les personnages qui appartiennent à une minorité au rang de victime ? Je pense par exemple au rôle de Sylvain dans La Place du chien.
Il faut d’abord s’interroger sur le statut de la victime. Selon moi, ce n’est pas un statut passif mais au contraire, c’est un statut actif. Bien sûr, être victime, c’est d’abord reconnaître qu’il y a une injustice mais, dans un second temps, c’est aussi un combat pour vivre et parfois survivre. En ce sens, une victime n’est pas vraiment passive, mais bien active et c’est ce que j’essaie de transmettre dans mes personnages. En parallèle, mon théâtre n’est pas du tout exempt de certains stéréotypes, au contraire même, je travaille souvent à partir de types ou de stéréotypes. C’est quelque chose que j’essaie toujours de désamorcer et cela crée de la matière puisque chaque personnage doit être un humain à part entière. Il doit donc posséder de la vitalité, mais aussi des contradictions. En complexifiant les stéréotypes, je fais aussi en sorte que mes personnages ne soient jamais écrasés par un statut de victime qui serait entièrement passif.
Akila, le tissu d’Antigone
Premier épisode, scène 4
Akila. – Maman tu pleures Amine, et tu ne pleures pas Salif ?
Le Père. – Ne parle pas comme ça à ta mère Akila ! C’est assez de souffrance. Et c’est quoi ce hijab, sur tes cheveux ?
La Mère. – Je pleure mes fils, ma fille. ll est enterré ici mon Amine, dans le carré musulman du cimetière. Maintenant j’ai perdu mes deux fils… Les deux garçons sortis de mon ventre. Demain les voisins et voisines sauront. Je devrai me recroqueviller de honte, supporter les regards, les voir se détourner de moi.
Imane. – Maman… Tout le monde sait que tu es une bonne mère. Que seul Salif a poussé comme une herbe mauvaise, une anomalie, un cafard…
Le Père. – Imane, tais-toi !
Imane. – Amine lui était un soleil, un sourire sur tout le quartier, un fils modèle, injustement assassiné…
Akila. – Tout le monde dans le quartier a déjà oublié Amine. Tout le monde a effacé Amine.
La Mère. – Un ange et un serpent ont poussé dans mon ventre… Ils diront que c’est notre faute, la faute de scélérats comme Salif, si tout le monde en veut aux musulmans, si la mosquée est attaquée, si la honte s’abat sur la cité. Et ils auront raison.
Le Père. – Nous survivrons à cette épreuve. Nous avons toujours été de bons musulmans, une famille digne et respectable. Nous… Mais il nous faut enterrer votre frère. Lui trouver un lieu de sépulture.
La Mère. – Personne n’acceptera qu’il soit enterré dans notre ville. C’est trop de honte. On ne peut pas le mettre avec Amine. C’est trop de honte…
Akila. – Il n’y a pas une loi ?
Le Père. – La loi dit que le mort doit être enterré dans sa commune de résidence. Mais le Maire de Chartres refuse. Il ne veut pas dans son cimetière de la dépouille d’un…
Akila. – Ce Maire est hors-la-loi ! Ils ne vont quand même pas laisser Salif pourrir à la morgue, hors-la-loi ?…
Le Père. – En tout dernier ressort, la loi dit que le mort peut être enterré sur le lieu de son décès.
Akila. – À Paris alors ?
Imane. – Au Trocadéro ?
Le Père. – Dans le cimetière le plus proche. S’il y a un carré musulman…
Akila. – On ira donc à Paris pour son enterrement…
Le Père. – Akila. Ta mère et moi avons parlé. (Un temps.) On n’ira pas.
Akila. – Quoi ?
Le Père. – Où qu’il soit enterré, on n’ira pas.
La Mère. – Il ne vaut mieux pas.
Le Père. – Tout le monde nous le déconseille. De l’imam à la police.
La Mère. – Tout le monde dit « discrétion ». Pas de vagues. Ne vous faites pas remarquer. C’est déjà trop douloureux, trop monstrueux. Ça vous portera tort.
Akila. – Et vous écoutez tout le monde ? Et vous acceptez ça ?
Le Père. – Akila ! Il n’est pas mort comme il se doit.
La Mère. – Un musulman ne se donne pas la mort.
Imane. – Ni ne tue son prochain.
Le Père. – Tu voudrais quoi ? Qu’on aille célébrer en grande pompe les funérailles d’un assassin ? D’un traître à son pays ? Tu crois que moi son père, j’ai envie d’honorer ce fils-là ?
Marine Bachelot Nguyen, Akila, le tissu d’Antigone
Manage, Lansman Éditeur, 2020
Par ailleurs, comment écrivez-vous là où finalement vous ne vous situez pas ? Vous posez déjà cette question dans le texte « Décoloniser son théâtre à tâtons »[22], mais vous n’apportez pas vraiment de réponse.
D’abord, c’est important de comprendre pourquoi on écrit sur un sujet, mais aussi pourquoi on s’autorise à le faire. Par exemple, pour Akila, le tissu d’Antigone, la première chose que je me dis, c’est que je ne suis pas musulmane et que je n’ai pas grandi dans un quartier populaire. Même si j’ai déjà travaillé avec des femmes féministes musulmanes, je me demande tout de même ce qui m’autorise à écrire sur le sujet. Dans un premier temps, il y a une matière documentaire importante. Je fais en sorte que mes projets soient toujours très documentés et c’est un garde-fou. C’est même une exigence minimale quand tu n’es pas premier concerné et que tu décides d’écrire sur un sujet. Dans un deuxième temps, je m’entoure d’une équipe qui légitime mon travail, je choisis des acteur·trices concerné·es. Et puis je fais relire mon travail par le collectif Lumière d’août, mais aussi par des personnes militantes et des personnes plus directement concernées pour m’assurer de ce que je fais. C’est une attention importante à avoir. Il faut travailler avec liberté mais aussi avec responsabilité.
Aujourd’hui, on est dans une période où tout devient susceptible à cet endroit-là. En réalité, je crois que tout le monde peut écrire sur tout mais pas n’importe comment. Il faut savoir d’où l’on parle, d’où l’on écrit, s’entourer de personnes concernées et se documenter. Bien sûr, je me pose des questions quand je vois des auteurs qui n’ont jamais écrit sur la place des femmes, se mettre à le faire maintenant. C’est la même chose pour des artistes blancs qui décident de faire une pièce sur le racisme alors que ça n’a jamais été un sujet prégnant dans leur travail. Il y a des effets d’opportunisme et certains en profitent lorsqu’ils ont le bon réseau. D’ailleurs, la plupart d’entre eux choisissent de parler des dominés plus que des dominants alors que la deuxième option me paraîtrait plus juste pour eux.
Et puis durant toute une partie de mon parcours, je n’étais pas assignée à cette identité asiatique, parce qu’avant, je m’appelais Marine Bachelot et qu’on ne m’identifiait pas forcément comme métisse. C’est une question que j’ai commencé à me poser quand mes aïeux sont décédés parce que j’ai eu besoin de renouer avec cette culture et cette histoire qui faisaient partie de moi. Les Ombres et les lèvres est d’ailleurs le premier spectacle que j’ai écrit depuis un point de vue totalement situé. Je me suis demandé comment m’autoriser à embrasser des choses qui me touchaient et me concernaient, tout en composant avec la pudeur. Il faut donc trouver les bons biais, les alchimies justes pour s’autoriser à faire un spectacle sur un certain sujet.
Vous avez travaillé avec des metteurs en scène et des metteuses en scène. Est-ce que lorsque votre travail est mis en scène par un homme, vous y voyez un risque pour votre œuvre, une différence de traitement ?
J’ai rarement eu des problèmes à ce niveau-là. J’ai eu un souci une fois avec un metteur en scène homme d’un certain âge qui m’a commandé un texte. Peut-être qu’il pensait faire effet en choisissant de travailler avec une jeune autrice engagée. Finalement, il a réécrit mon texte en une nuit, il en a fait un spectacle sexiste dans lequel il a gardé une partie de la pièce que j’avais écrite. Mais je m’étais déjà effacée du projet, donc je ne me suis pas battue pour les droits. La commande s’est mal passée et puis il a assumé seul son spectacle. A contrario, David Gauchard, qui m’a commandé Le Fils, est un metteur en scène en qui j’ai toute confiance. Nous avons candidaté ensemble à la direction d’un CDN à Rouen, et je ne crains pas de retravailler avec lui, c’est un ami, quelqu’un que je connais dans la vie. Du point de vue de la mise en scène et du travail qu’il produit, il en est de même, je me sens en confiance. Cela n’empêche pas certains désaccords quand nous travaillons ensemble, ce qui reste tout à fait normal entre collaborateurs.
Sur certaines commandes de metteurs en scène masculins, notamment quand il y a une dimension féministe, je reste assez vigilante sur la façon dont se passent les rapports et le dialogue. Un projet n’a hélas pas abouti, ou en tout cas reste en suspens, car il y avait trop de susceptibilité de part et d’autre. C’était laborieux, j’avais le soupçon d’être un peu instrumentalisée en tant qu’autrice féministe, le jeune metteur en scène souffrait aussi de mes doutes et de mon déficit de confiance. Nous avons toujours assumé un dialogue très franc, avons essayé de sauver le projet, mais cela devenait trop compliqué.
Vous avez écrit beaucoup de pièces qui ont été créées mais pas publiées. Comment cela s’explique-t-il ? C’est un choix de votre part ou de la part des maisons d’édition ?
Le fonctionnement de l’édition théâtrale est vraiment compliqué. Pendant des années, j’ai envoyé mes textes ici et là : soit je n’avais pas de réponses, soit j’avais des refus. Mais à l’époque, c’était plus important que mes pièces soient jouées plutôt qu’éditées. Il se trouve que lors du Festival d’Avignon de 2017, Émile Lansman est venu voir Le Fils, alors que j’avais reçu une lettre de refus de la maison deux mois auparavant. La même année, je présentais également La Place du chien qu’il a vu aussi. Très rapidement, il a décidé d’éditer Le Fils, et après ça, il est resté très fidèle. Il a édité Les Ombres et les lèvres, La Place du Chien, Akila, le tissu d’Antigone et même Circulations capitales joué en 2021 à Avignon[23]. Bien sûr, avant de prendre une décision, il fait lire les textes à son comité de lecture, mais il y a une vraie fidélité entre nous. Grâce à cela, je me suis rendu compte que lorsque mes textes étaient édités, cela leur permettait d’être sélectionnés pour des prix, comme c’est le cas pour Le Fils qui a obtenu le prix Sony Labou Tansi par exemple. En ce sens, l’édition favorise d’autres circulations que sur les plateaux de théâtre. Mais c’est vrai que la plupart de mes premières pièces ne sont pas éditées, ce que je trouve dommage, notamment pour Tabaski[24], car je suis certaine que ces pièces pourraient être saisies par d’autres metteur·ses en scène, des groupes amateurs ou de jeunes comédien·nes.
En définitive, il y a peu de maisons d’édition qui éditent du théâtre et c’est souvent une histoire de reconnaissance plus que de qualité des textes. Il y a des maisons qui n’éditent que lorsque le spectacle est joué, tandis que d’autres peuvent éditer un texte qui ne sera jamais monté. Et puis, dans beaucoup de maisons, les textes sont seulement lus par le comité sans passer par le directeur. Donc je n’envoie plus tellement mes manuscrits à d’autres éditeurs. Mais c’est aussi parce que je sais que Lansman est là. Certains textes de commande sont édités dans des recueils chez d’autres éditeurs, et j’aime bien cela aussi. J’avais aussi fait une démarche auprès d’une éditrice féministe, mais elle avait très peur d’éditer du théâtre. Aujourd’hui, je pense que c’est important que l’objet « livre » existe, parce qu’il permet aux pièces de circuler par d’autres biais, de sorte que d’autres puissent s’en emparer.
Sur des spectacles comme Akila, le tissu d’Antigone, La Place du chien ou encore Les Ombres et les lèvres, j’imagine que la distribution des rôles est un parti pris pour une représentation plus juste dans le spectacle vivant ? Qu’auriez-vous àrépondre à quelqu’un qui vous dirait que le·la comédien·ne peut jouer tous les rôles quelle que soit son origine, que cela ne change rien ?
Dans la mesure où mes pièces mettent toujours en jeu des rapports de domination, le genre et la couleur de peau sont dramaturgiquement signifiants, donc je travaille avec cette dimension. Dans Akila, le tissu d’Antigone par exemple, les acteurs jouent plusieurs personnages et cela permet des jeux de transformation. Par rapport au cinéma, le théâtre facilite ce processus de métamorphose qui, selon moi, forme une sorte d’idéal de la société de demain où il n’y aurait plus d’assignation et où chacun·e serait libre d’incarner ou d’être ce qu’il ou elle veut. Il en est de même pour Les Ombres et les lèvres : la parole de la narratrice – la mienne, donc – est prise en charge successivement par les quatre interprètes, deux hommes et deux femmes, deux occidentaux et deux asiatiques. Donc oui, la distribution est un parti pris parce que mes pièces incarnent des réalités politiques : c’est quelque chose d’important, et qui produit du sens. Cependant, je réalise aussi désormais qu’au sein d’une équipe de travail, c’est difficile pour un acteur ou une actrice racisé·e d’être seul·e et entouré·e de personnes blanches. Concrètement, sur À la racine, que j’ai monté en 2011 et qui abordait la question du racisme, l’actrice noire qui jouait le personnage d’Angela était la seule personne à l’éprouver dans sa chair au quotidien. L’actrice qui jouait Shérazade était blanche, et je pense qu’aujourd’hui, j’aurais peut-être fait un autre choix. Non pas parce qu’une actrice blanche aux cheveux frisés ne peut pas jouer ce rôle, mais parce que plus il y a de personnes directement concernées par ces questions, plus cela équilibre et renforce le plateau comme l’équipe, plus cela permet de nourrir les discussions et la dramaturgie, et évite les effets d’isolement. Ce ne sont pas des questions simples, mais il faut se les poser.
Lorsque vous recevez un public de collégien·nes et de lycéen·nes, quel type d’échange menez-vous avec elles·eux ? Avec Akila, le tissu d’Antigone par exemple, y a-t-il eu certains projets pédagogiques menés auprès de lycéen·nes ? Si oui, qu’en est-il de leur réception ?
Cela dépend entièrement des réactions des lycéen·nes. Je me retrouve souvent à expliquer ce qui me pousse à écrire ou à choisir les comédien·nes. Mais il y a des classes où les jeunes s’orientent directement sur des débats autour de la laïcité. Je sens que ce sont des questions qui les animent et par lesquelles ils se sentent concernés.
Avec Akila, le tissu d’Antigone, quand l’écriture de la pièce était en cours, j’ai eu la proposition de travailler avec le lycée Notre-Dame à Redon et une résidence a été programmée dans le lycée. Nous avions donc un projet pédagogique à mener avec cette pièce. Quand nous l’avons annoncé sur le site de notre compagnie, quelqu’un a lancé un message offusqué sur les réseaux sociaux m’accusant de propagande « anti-laïque », dénonçant un « projet indigéniste » et « une ignominie ». Nous avons appris plus tard que le ministère de l’Éducation nationale avait été alerté et avait demandé au Rectorat de Rennes de lancer une enquête pour vérifier que mon spectacle n’était pas anti-républicain et ne faisait pas l’apologie du terrorisme. Rapidement, certains bruits et informations ont circulé indiquant que mon spectacle faisait l’objet d’interdictions, qu’il ne pouvait être vu ou étudié par des lycéens. La pièce n’était pas terminée, le spectacle, pas encore créé : la situation était totalement surréaliste et très perturbante, je ne comprenais pas… Nous avons fini par découvrir que cette interdiction n’existait pas, qu’elle était le fruit de déformations. J’ai pu aussi identifier la personne qui était à l’origine de ces nuisances, et qui s’en prenait à de nombreux autres artistes à cette période, sans avoir vu, ni lu les œuvres qu’elle incriminait. De ce fait, j’ai écrit une lettre à l’Observatoire de la liberté de création puisqu’on assistait clairement à une tentative de censure. Cela a été un chemin pénible, mais cet événement m’a aussi guidée sur l’écriture de la pièce. Par exemple, si j’ai écrit le final ainsi – de façon très ouverte –, c’est aussi pour qu’on ne puisse rien y redire et que la pièce puisse être jouée devant des lycéen·nes. Finalement, les résidences en lycée ont été reportées, mais elles se sont faites, avec la satisfaction des élèves comme des enseignant·es. Et le spectacle rencontre un grand succès auprès des jeunes, qui se sentent très saisis et concernés par ce qui s’y joue.
Les questions liées au voile, au terrorisme ou aux violences policières abordées dans Akila, le tissu d’Antigone sont source de débat parmi des jeunes mais elles ne leur hérissent pas le poil, du moins pas au même point que les adultes. Au vu des échanges menés avec les lycéen·nes, le voile n’est pas un problème majeur pour eux, ils considèrent souvent la laïcité comme une liberté de culte et de pensée. Ils sont sans crispation sur ces questions, et cela permet de vrais échanges entre eux, comme avec leurs professeurs : des échanges contradictoires, sur des sujets polémiques qui sont souvent étouffés dans l’institution scolaire – alors que cela permet au contraire de démêler, d’expliquer et d’apaiser les choses, de participer au débat démocratique.
Est-ce qu’en amont, au moment de l’écriture voire avant, vous vous posez déjà la question de la réception de votre œuvre par un public, voire des publics : homme, femme, enfant, adolescent, personne racisée ? Est-ce que cela change quelque chose à votre écriture ? Est-ce qu’il vous arrive d’écrire en direction d’un public spécifique ?
Je travaille toujours une adresse universelle et plurielle. Dans un souci démocratique, car je veux que tout le monde puisse avoir accès à mes spectacles. Certains me disent parfois que je rappelle certaines évidences, mais il faut qu’à chaque début de spectacle, le seuil d’entrée soit accessible, que tout le monde ait les éléments nécessaires pour comprendre et pour cheminer dans une pensée complexe. Je pense qu’il y a aussi dans mon projet global une volonté pédagogique, tout comme une adresse militante. Bien sûr, au-delà du politique et en rapport avec lui, je cherche toujours à trouver des formes littéraires et théâtrales innovantes. En définitive, il y a des adresses multiples que j’espère à chaque fois les plus larges possibles. Je ne cherche pas à faire un théâtre réconfortant, ni communautaire, mais je veux que les personnes concernées par les discriminations, les personnes militantes, se sentent représentées, tout en permettant à d’autres d’y découvrir des choses.
Par exemple, les questions sur le voile islamique travaillent beaucoup de personnes, y compris des gens de gauche, et j’apprécie tout ce qui vient soulever des contradictions. Ce sont des réalités et des phénomènes que j’aime creuser. Selon moi, la complexité permet d’être en alerte, mais aussi d’approfondir la réflexion. On me dit d’ailleurs souvent que mes spectacles ne sont pas manichéens. Sur Akila, le tissu d’Antigone par exemple, j’ai fait en sorte que chaque point de vue soit défendu de la façon la plus sincère possible par les interprètes. Il faut que l’on entende chaque argument parce que ces arguments existent, et c’est ensuite à chacun·e de se positionner.
Propos recueillis le mercredi 1er décembre 2021
au Théâtre des Quartiers d’Ivry
Entretien relu et amendé par l’autrice
Notes
[1] Marine Bachelot Nguyen, Le Fils, Manage, Lansman Éditeur, 2017. Pièce commandée par David Gauchard. Création au Théâtre de l’Union CDN de Limoges en février 2017 dans une mise en scène de David Gauchard.
[2] Voir le site du collectif Lumière d’août et l’entretien mené dans le premier numéro de thaêtre : Lumière d’août, « Comment tu t’organises ? », thaêtre [en ligne], Chantier #1 : Scènes du néomanagement (coord. Bérénice Hamidi-Kim et Armelle Talbot), mis en ligne le 29 janvier 2016.
[3] Voir notamment la déclaration de Nicolas Dubourg à l’occasion de la tenue de la réunion annuelle du Comité ministériel égalité femmes hommes – discours du Syndéac le 14 janvier 2021, URL : https://www.syndeac.org/comite-ministeriel-egalite-femmes-hommes-discours-du-syndeac-11266/
[4] Journée internationale des droits des femmes.
[5] Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, soutenue par l’ONU.
[6] Marine Bachelot Nguyen, Deux Sœurs, dans Les Intrépides (collectif), Basta ! Six pièces courtes, Paris, L’Avant-scène théâtre, coll. Quatre vents, 2018.
[7] Voir Reine Prat, Mission ÉgalitéS. Pour une plus grande et meilleure visibilité des diverses composantes de la population française dans le secteur du spectacle vivant. [Rapport d’étape n° 1] Pour l’égal accès des femmes et des hommes aux postes de responsabilité, aux lieux de décision, à la maîtrise de la représentation, Ministère de la Culture et de la Communication, Direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, 2006 et Arts du spectacle – pour l’égal accès des femmes et des hommes aux postes de responsabilité, aux lieux de décision, aux moyens de production, aux réseaux de diffusion, à la visibilité médiatique. [Rapport d’étape n° 2] De l’interdit à l’empêchement, Ministère de la Culture et de la Communication, Direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, 2009.
[8] Voir le site du Mouvement HF, Fédération inter-régionale pour l’égalité femmes-hommes dans les arts et la culture.
[9] Marine Bachelot Nguyen, Les Ombres et les lèvres, Manage, Lansman Éditeur, 2017. Spectacle créé au Théâtre National de Bretagne (Rennes) en février 2016 dans une mise en scène de l’autrice.
[10] Marine Bachelot Nguyen, Histoire de femmes et de lessives, Rennes, Éditions des Deux Corps, 2011. Spectacle déambulatoire en plein air inscrit dans le cycle théâtral Féministes ?, Histoire de femmes et de lessives, conçu, écrit et mis en scène par Marine Bachelot Nguyen, a été créé en octobre 2009 dans le Domaine Saint Cyr, à Rennes. Voir la page consacrée à cette création sur le site de Lumière d’août.
[11] « La femme ce continent noir… » (cycle théâtral Féministes ?), texte et mise en scène de Marine Bachelot Nguyen, spectacle créé en mars 2010 au théâtre La Paillette à Rennes.
[12] Sigmund Freud, « Psychanalyse et médecine ou la question de l’analyse profane » (1926), dans Ma vie et la psychanalyse suivi de Psychanalyse et médecine, trad. Marie Bonaparte, Paris, Gallimard, 1950, p. 133 : « La vie sexuelle de la femme adulte est encore un continent noir pour la psychologie. »
[13] Cheval de bataille #4 : Féminismes face au sexisme et au racisme, soirée conçue par Marine Bachelot Nguyen le 22 mars 2011 à l’Espace-lecture St Martin (avec des textes et vidéos d’Angela Davis, Christine Delphy, Elsa Dorlin, Nacera Guénif Souilamas, Guerrilla Girls, Asma Lamrabet, Audre Lorde, Redragprod, Carole Roussopoulos, Sylvie Tissot, etc.).
[14] À la racine (cycle théâtral Féministes ?), texte et mise en scène de Marine Bachelot Nguyen, création en novembre 2011 pour le Festival Mettre en scène (TNB) à La Paillette (Rennes) et au Théâtre du Préau (Vire).
[15] Sur la notion de « female gaze », voir notamment Iris Brey et Sandra Laugier, « Le regard féminin à l’écran », propos recueillis par Élise Domenach, Esprit, 2021|1-2, p. 151-157 : « L’expression female gaze fait référence à un regard qui permet aux spectateurs et spectatrices de ressentir les expériences de corps féminins, un regard qui met en valeur les expériences du corps biologique ou social des femmes. C’est aussi un regard qui déconstruit la notion de domination dans l’émergence du plaisir et du désir au sein du récit et aussi entre les spectateurs et spectatrices et l’œuvre. Laura Mulvey a démontré comment l’objectification du corps des femmes était centrale dans la construction du désir. Le female gaze n’est donc pas une inversion du male gaze, selon laquelle les corps masculins seraient filmés comme des objets, mais un regard où le désir peut éclore sans domination et sans objectification. Ce regard plus inclusif peut jouer un rôle éducatif puisqu’il tend à réinventer la manière dont on filme le sexe, à promouvoir l’égalité et à valoriser ce que traverse une héroïne. »
[16] Marine Bachelot Nguyen, Akila, le tissu d’Antigone, Manage, Lansman Éditeur, 2020. Spectacle créé en octobre 2021 dans le cadre du Grand Ouest Festival au THV (Saint-Barthélemy-d’Anjou) dans une mise en scène de l’autrice.
[17] Christine Delphy, Classer, dominer. Qui sont les « autres » ?, Paris, La Fabrique, 2008.
[18] MADAM#1 Est-ce que tu crois que je doive m’excuser quand il y a des attentats ?, texte de Marine Bachelot Nguyen écrit à partir de rencontres avec les femmes de l’association Al Houda à Rennes et mise en scène d’Hélène Soulié, création en juin 2017 aux Ateliers du Vent (Rennes).
[19] Marine Bachelot Nguyen, La Place du chien (sitcom canin et postcolonial), Manage, Lansman Éditeur, 2018. Spectacle créé en mars 2014 à la Maison du Théâtre à Brest dans une mise en scène de l’autrice.
[20] Peter Weiss, « Notes sur le théâtre documentaire », Discours sur la genèse et le déroulement de la très longue guerre de libération du Vietnam illustrant la nécessité de la lutte armée des opprimés contre leurs oppresseurs ainsi que la volonté des États-Unis d’Amérique d’anéantir les fondements de la révolution, trad. Jean Baudrillard, Paris, Seuil, 1968.
[21] MADAM (Manuel d’Auto Défense À Méditer), projet artistique initié par Hélène Soulié qui met en commun le travail de six autrices, de six expertes, de six actrices et d’une sociologue. Voir le site de la Cie Exit d’Hélène Soulié où sont présentés le projet et les différents épisodes qui le composent.
[22] Marine Bachelot Nguyen, « Décoloniser son théâtre à tâtons », Tumultes, n° 48, 2017|1, p. 127-140. Cette intervention s’inscrit dans le cadre de la réflexion et du travail militant mené par Marine Bachelot Nguyen au sein de « Décoloniser les arts », association créée en 2015 et présidée par Françoise Vergès qui lutte contre les discriminations à l’égard des populations minorisées dans les arts et pour leur meilleure représentation. L’association est l’autrice d’un ouvrage collectif intitulé Décolonisons les arts ! coordonné par Leïla Cukierman, Gerty Dambury et Françoise Vergès et publié aux Éditions de L’Arche en 2018 : Marine Bachelot Nguyen y a participé dans un texte intitulé « Façons indigènes ? ».
[23] Marine Bachelot Nguyen, Circulations capitales, Manage, Lansman Éditeur, 2021. Le spectacle, écrit et mis en scène par Marine Bachelot Nguyen, en complicité avec Marina Keltchewsky et François-Xavier Phan, a été créé en septembre 2019 au Théâtre du Canal (Redon).
[24] Tabaski, pièce courte de Marine Bachelot Nguyen mise en scène par Alexandre Koutchevsky, a été créé en 2010 à Bamako dans le cadre du projet de théâtre-aéronautique Ciel à Bamako.
Pour citer ce document
Marine Bachelot Nguyen, « Profession autrice », entretien réalisé par Romane Taveau, thaêtre, mis en ligne le 1er septembre 2022.
URL : https://www.thaetre.com/2022/09/01/profession-autrice-marine-bachelot-nguyen/
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