« DOCUMENTS » : ce fut le titre de la revue d’avant-garde animée pendant trois ans à peine par Georges Bataille, Michel Leiris et Carl Einstein entre 1929 et 1931. Un titre manifeste, qui interpelait les lecteurs et les lectrices de l’époque parce qu’il constituait le document en véritable support épistémologique. Notamment archéologique et anthropologique, mais aussi artistique, le document acquérait ainsi le statut de matériau premier de création et de connaissance. Comme l’explique Georges Sebbag dans son analyse de la revue :
Au sens usuel, le document est une pièce écrite servant d’information ou de preuve. Par extension, il caractérise tout objet apportant un renseignement ou un témoignage, aussi bien un monument, une statue ou des ruines – sources documentaires pour un archéologue –, qu’une photographie ou un film ayant une valeur documentaire. Avec les documents, on entre de plain-pied dans le champ de la connaissance et de la représentation, de l’interrogation et de l’interprétation[1].
En plaçant des « documents contemporains, anciens ou modernes » au centre d’une mise en page qui pouvait paraître chaotique, voire iconoclaste, tant elle cherchait à abolir toute hiérarchie entre le texte et l’image comme entre les disciplines abordées, et en défendant l’expression de points de vue contradictoires, le trio Bataille-Leiris-Einstein souhaitait élaborer « l’Encyclopédie du XXe siècle présentée selon les méthodes nouvelles »[2] :
DOCUMENTS
n’est
Ni une collection d’études froides et ennuyeuses, ni une réunion de chroniques plus ou moins spirituelles,
mais
Un Magazine Vivant […][3].
Au regard de nombreuses pratiques scéniques et performatives contemporaines, le souci des trois éditeurs de traiter le document comme un objet vivant, une forme signifiante qui puisse susciter l’écriture et non se réduire à son illustration, apparaît aujourd’hui encore d’une grande actualité.
« Document-matériau » : choisi comme titre pour ce chantier, ce mot composé signe une même perspective, issue de pratiques de recherche et de création qui font de la documentation leur matière première, une matière qui informe, aux deux sens du terme (renseigner et donner forme), le geste artistique. Avec un tel titre, nous affirmons l’extensivité du terme « document » (du latin documentum, docere : enseigner, informer) par rapport à celui d’archives, qui sous-entend un rapport nostalgique au passé et une forme d’autorité, comme l’a souligné Derrida dans Mal d’archive[4]. Au-delà de « la fonction authentifiante et identifiante de l’archive (fonction de ruine) », c’est sa « fonction déconstructionniste et critique (fonction de document) »[5] que nous souhaitons étudier, cette agentivité propre au document pour mettre en partage et en débat les savoirs qu’il génère tout en stimulant l’invention de formes scéniques nouvelles. Au sens large, nous entendons donc par « document » tout matériau référentiel et/ou théorique à partir duquel se développe l’écriture de plateau : par exemple, des archives historiques, traces matérielles, documents textuels, visuels ou sonores, des analyses spécialisées, essais théoriques, des critiques, journaux, témoignages mais également des témoins en scène, porteurs de leurs propres histoires.
« Document-matériau » : ce titre permet également d’inscrire explicitement ce chantier dans la filiation du « texte-matériau »[6], en écho à Médée-matériau de Heiner Müller dont les pièces mêlent diverses sources littéraires, mythes et références historiques. Ce faisant, il s’agit de mettre en valeur les potentialités génétiques et dramaturgiques transformatrices que recèle le document. Si l’on parcourt à grands pas l’histoire du théâtre, la notion de « texte-matériau », bien établie dans le champ des études théâtrales, désigne l’usage du texte comme un élément parmi d’autres sur scène (corps, son, lumière, espace) et renvoie aux gestes rhapsodiques du montage ou du recyclage, à l’hybridation du texte théâtral et, plus généralement, à ce que Peter Szondi a appelé « la crise du drame »[7]. Après les premières manifestations de cette crise au « carrefour naturalo-symboliste »[8] de la fin du XIXe siècle, le document a joué un rôle tout à fait particulier dans cette mutation de l’écriture théâtrale au début du XXe siècle. Introduit dans les années 1920 par Piscator, il a été à l’origine d’une importante rénovation du théâtre, tant dans ses aspects dramaturgiques (théâtre documentaire, théâtre épique, théâtre-document) que pour l’invention de dispositifs scénographiques (projections de films documentaires, éléments de décor mobiles, présentation de témoins en scène, etc.).
De quelle(s) crise(s) ou réinvention(s) le document est-il aujourd’hui le vecteur ou le symptôme ? Quels usages du document les artistes de la scène inventent-ils et elles – soit non seulement les auteur·rices et metteur·ses en scène mais aussi les dramaturges, interprètes, scénographes et créateur·rices sonores ? Quels sont les impacts critiques du document en scène ? Quels effets et quels affects produit-il ? De quelles façons archives, pièces du passé, données scientifiques, sources documentaires et/ou théoriques constituent-elles des matériaux instables, labiles et éminemment plastiques particulièrement féconds pour les artistes et chercheur·ses de la scène contemporaine ? Comment certaines pratiques de réécriture, d’improvisation ou de reenactment transforment-elles des sources documentaires en outils dramaturgiques et matières de création ? Que dit ce recours au document comme matériau des évolutions de notre rapport à la connaissance et à la vérité ? En quoi le document concourt-il à faire de l’acte créateur une pratique qui interroge l’histoire et éclaire autrement le présent – le présent de la représentation théâtrale comme le présent de l’actualité ? Telles sont quelques-unes des questions que nous avons posées aux contributeur·rices de ce chantier en leur proposant d’y répondre à travers une diversité de formats – article génétique, partition de performance, entretien, manifeste… – et en faisant du document le creuset de l’écriture mais également le centre du travail éditorial et graphique[9].
Cette variété de formats est l’un des postulats du programme de recherche « Performer les savoirs » dans lequel s’inscrit ce chantier. Depuis 2018, à travers des journées-laboratoires réunissant artistes de théâtre et de performance, chercheur·ses, théoricien·nes, curateur·rices et étudiant·es, ce programme de recherche entreprend d’étudier l’épistémè de la scène contemporaine. Après avoir travaillé sur les gestes et les figures des artistes-chercheur·ses et chercheur·ses-artistes pour examiner les nouvelles alliances entre création, recherche et pédagogie[10], nous avons plus particulièrement interrogé les « savoirs situés »[11], les modalités d’écoute et de mise en partage de paroles « sachantes »[12] et informées ainsi que les processus de recherche et de création élaborés à partir de documents intra- ou extra-artistiques. À partir d’une première série d’échanges lors d’une journée consacrée aux usages du document en 2019[13], nous avons voulu approfondir cet axe de réflexion en invitant artistes et chercheur·ses à témoigner de leur pratiques et à écrire sur elles. La question des savoirs performés est au cœur de ces usages, artistes et chercheur·ses mettant en jeu et en doute l’autorité du document, sa soi-disant objectivité, tout en construisant la scène comme un espace-laboratoire de production de connaissance et de retour critique. Dans le contexte des différents « tournants » éducatif, ethnographique, archivistique de l’art[14], le document, en tant que matériau heuristique, contribue ainsi, au croisement des démarches artistiques et épistémologiques, à estomper ou déplacer la traditionnelle séparation entre artiste et théoricien·ne, entre créateur·rice et historien·ne ou archiviste.
Présentes ou non dans le spectacle achevé, les sources documentaires, variées et hétérogènes, informent les différentes étapes de la création. Matières premières de la création, corpus thématique et critique, elles supposent souvent un travail préparatoire de collecte et de sélection, parfois lié à la mise en place de collaborations entre artistes, expert·es, témoins ou chercheur·ses pour constituer des corpus et réfléchir à de nouvelles modalités d’interprétation et de transmission. Tantôt elles permettent aux chercheur·ses et aux artistes de la scène (metteur·se en scène, interprète, dramaturge, scénographe…), de donner forme et contours à des savoirs incarnés, tantôt elles ouvrent des perspectives historiographiques inédites, valorisant des affects complexes qui sont rendus sensibles dans la re-matérialisation qu’offre la manipulation des documents sur scène, souvent soutenue par des conceptions scénographiques et multimédias qui fonctionnent à la manière d’amplificateurs (à l’instar du théâtre anatomique ou de la « table top performance »[15]). Ces sources documentaires stimulent une multiplicité d’opérations d’appropriation, de transformation et de restitution qui nourrissent l’invention de formes ou de dispositifs théâtraux ou performatifs. Aussi documentés soient-ils, ces dispositifs et ces formes n’appartiennent pas nécessairement au théâtre dit « documentaire » et, plutôt que de discuter à nouveaux frais cette catégorie[16] et la variété de ses expressions aux frontières du « réalisme global »[17], du théâtre d’intervention ou du drame social, ce chantier entend saisir ces opérations dans leur pluralité et leur dimension sensible. Si nous réinterrogeons les usages du document, c’est dans une perspective tout à la fois esthétique et matérialiste, attentive aux (r)apports sensibles des artistes, des chercheur·ses et du public à la documentation comme aux moyens – somatiques, kinesthésiques, sonores, scénographiques, plastiques – dont la scène s’en empare. Prenant acte de la diversification des pratiques depuis le théâtre documentaire de la première manière (chez Erwin Piscator et, plus tard, Peter Weiss) comme de l’évolution des usages scientifiques de l’archive, les contributions rassemblées s’intéressent à des écritures et à des formats artistiques documentés mais non nécessairement documentaires tels que la conférence-performance, le reenactment ou l’atelier de recherche. Ces formats interrogent le document comme matériau textuel et sensible au sein de ces processus : mise en visibilité du réel, stratégies d’authentification ou de fictionnalisation, activation des documents par les spectateur·rices, agentivité plastique du document. Comme le proposent Béatrice Picon-Vallin et Erica Magris, il s’agit de repartir d’une interrogation sur le document comme « objet instable et protéiforme »[18] pour appréhender une variété de démarches au sein de ce que les deux chercheuses nomment une « nébuleuse » des pratiques documentaires.
Ce chantier aspire ainsi à contribuer à l’étude de certains usages du document au sein de cette « nébuleuse », en envisageant le document comme l’un des matériaux premiers de la performance : matière à incorporer dans le jeu, matière plastique de la scénographie, matière savante qui nourrit le travail de recherche des dramaturges et qui modifie le travail des interprètes, les dynamiques collaboratives au sein des équipes artistiques et la relation au public. L’étude de ces différentes opérations sensibles d’intégration, de transformation et de transmission s’élargit à un corpus comprenant des productions récentes en théâtre, mais aussi en performance et en danse, ainsi que des pratiques pédagogiques de recherche-création.
Parce qu’elle est trop souvent masquée par les propos des auteur·rices et metteur·ses en scène sur leurs processus de création, d’agencement et de (re)lecture des documents, la parole des interprètes occupe une place importante dans ce chantier, afin d’appréhender leur travail d’incarnation et d’investissement imaginaire, dans la relation qu’ils et elles entretiennent aux documents en scène : ainsi de la position épistémologique défendue par Aurore Després qui propose de s’appuyer sur les paroles de la danseuse Julie Salgues pour fonder son analyse (« Performer l’archive comme une contrainte. Petite archéologie des gestes mis en jeu dans l’atelier ‘‘Danser l’archive – Le Sacre du printemps’’ mené par Julie Salgues »), du témoignage de Duncan Evennou, performeur ayant participé à « la trilogie terrestre » conçue par Frédérique Aït-Touati et Bruno Latour (« Que cette pensée, j’arrive à la faire danser. ») ou encore des paroles de Loup Balthazar, Nicolas Bouchaud, Romain David et Emmanuelle Lafon réunies par l’enquête de Marion Boudier (« Ce que le document fait à l’acteur·rice »). Nous nous sommes également particulièrement intéressées aux qualités matérielles, c’est-à-dire graphiques, plastiques, compositionnelles, chromatiques des sources documentaires visuelles et sonores qui sont restituées dans un souci de mise en visibilité et d’accessibilité mais également de déploiement poétique : c’est particulièrement le cas dans l’entretien mené avec le scénographe Patrick Laffont de Lojo (« Il faut trahir le document. ») ou dans l’adaptation numérique de la conférence-démonstration d’Anne Pellois et Tomas Gonzales (« Réactiver Sarah Bernhardt »).
Le sommaire fait ainsi alterner des contributions aux objets et aux régimes discursifs variés (texte-manifeste, analyse génétique, entretiens, portfolio, traces de performances) et s’organise selon quatre grands accents, aucun n’étant exclusif de l’autre. La première partie (« Penser le document ») questionne la définition et la valeur épistémologique du document comme pièce identifiante ou contenu scientifique à transmettre et à mettre en actes dans la performance. Avec le texte de Camille Louis (« There are alterna(rra)tives ! Faire document en commun pour défaire l’histoire comme une »), placé en tête du sommaire, nous avons voulu d’emblée élargir le corpus au-delà du seul contexte scénique en interrogeant la façon dont le document pouvait parfois dangereusement faire le jeu des assignations identitaires et révéler comment sa fabrication collective était à même de réparer des récits historiques lacunaires ou unidimensionnels. Le médium cinématographique est également examiné en tant que cadre permettant de réinvestir l’archive. Dans sa contribution (« Entre performance et document, l’archive comme dispositif d’insistance. Un extrait de Mother Archive »), Éric Méchoulan démontre comment l’image en mouvement peut tout à la fois retraverser une matière documentaire existante et produire sa propre matérialité documentaire, l’archive pouvant alors servir ce qu’il appelle un « dispositif d’insistance ». Dans un long entretien (« Que cette pensée, j’arrive à la faire danser. »), Chloé Déchery échange avec la chercheuse et metteuse en scène Frédérique Aït-Touati et l’acteur Duncan Evennou sur les procédés de visibilisation et de monstration du document scientifique dans la trilogie terrestre – Inside (2016), Moving Earths (2019) et Viral (2022) – conçue en collaboration avec Bruno Latour.
La deuxième partie (« Réactiver le document ») envisage différents exemples d’histoire sensible et de réactivation de documents anciens dans le cadre de démarches de recherche-création et de transmission pédagogique. Aurore Després (« Performer l’archive comme une contrainte ») revient sur un atelier mené en 2019 avec la danseuse Julie Salgues pour analyser la manière dont les documents iconographiques fonctionnent comme des « matériaux sensibles » et des « contraintes-ressources » pour le corps engagé dans un processus de reconstitution du solo de l’Élue du Sacre du printemps dans le sillage de sa recréation, en 2014, par la chorégraphe Dominique Brun. Avec sa contribution (« Faire théâtre de la Saint-Barthélemy. Retour sur une expérience pédagogique »), Charlotte Bouteille rend compte d’un séminaire-atelier imaginé avec Tiphaine Karsenti et mené avec des étudiant·es de l’Université Paris Nanterre à partir des archives et de l’imaginaire de la Saint-Barthélemy. Anne Pellois et Tomas Gonzalez, qui nous font la primeur de publier ici le texte et les documents de leur conférence-démonstration (« Réactiver Sarah Bernhardt »), explorent différentes manières de retrouver le jeu d’une actrice disparue et la valeur pédagogique de la copie et de la réactivation.
La troisième partie (« Jouer le document ») adopte plus particulièrement une perspective génétique et actorale pour interroger les opérations d’appropriation et de transformation du document par les interprètes et, inversement, ce que le document leur fait. Tom Cantrell, ici pour la première fois traduit en français (« Théâtre document[aire] : jouer des faits réels »), propose une synthèse, à partir de son ouvrage Acting in documentary theater[19], de différents procédés de jeu dans le théâtre documentaire britannique et s’attarde, paroles d’acteur·rices à l’appui, sur trois créations spécifiques : My Name is Rachel Corrie (2006), Talking to Terrorists (2005) et The Girlfriend Experience (2008). Marion Boudier et Nicolas Rollet suivent le trajet d’un document sonore, de sa collecte à sa performance dans le spectacle Suite n° 1 (redux), par les interprètes de l’Encyclopédie de la parole (« L’Encyclopédie de la parole : du document à sa performance »). On retrouve l’Encyclopédie de la parole à travers le témoignage d’un de ses anciens membres actifs, Emmanuelle Lafon, dans l’enquête « Ce que le document fait à l’acteur·rice » où la comédienne de Parlement côtoie Loup Balthazar (Et le cœur fume encore de Margaux Eskenazi et Alice Carré), Nicolas Bouchaud (Un vivant qui passe) et Romain David, cofondateur du Raoul Collectif (Rumeurs et petits jours).
La quatrième partie (« Rematérialiser le document ») se concentre sur des aspects plastiques et scénographiques de la manipulation et de l’exposition du document en scène. Le chercheur-artiste américain Ross Louis présente un volet de sa recherche performative sur la documentation du système esclavagiste transatlantique dans les archives françaises avec Erratum, sa performance in situ, qui invite à matérialiser et à manipuler les traces du transport de plantes et d’êtres humains dans un jardin du port de Brest (« Archives et traces coloniales. Dispositifs de déplacement dans Erratum, protocole de performance in situ »). À partir de photographies de la performance The Search for Power écrite et interprétée par Tania El Khoury et son mari l’historien Ziad Abu-Rish, Marion Boudier ressaisit son expérience de la boîte d’archives comme dispositif qui permet de mettre en lumière conjointement l’histoire politique et économique d’un pays (le Liban) et l’histoire intime (la cérémonie de mariage de Tania El Khoury et de Ziad Abu-Rish) à partir d’une série de consignes précises qui font des membres du public les assistant·es privilégié·es des deux performeur·ses (« ‘‘The next document in your box is…’’ Présentation et manipulation des archives dans The Search for Power de Tania El Khoury »). Enfin, Chloé Déchery s’entretient avec le scénographe Patrick Laffont de Lojo sur les techniques et technologies vidéo et scénographiques qui permettent de visibiliser et d’amplifier le document scientifique de sorte à exploiter et mettre en valeur sa dimension poétique et sa force évocatrice (« Il faut trahir le document. ») .
Les œuvres et analyses ici rassemblées concernent des pratiques récentes, parfois produites à quelques années d’écart et à des fins différentes (théâtre informé par les sciences du côté de la collaboration entre Frédérique Aït-Touati et Bruno Latour, proposition d’expériences ouvertes, participative avec Ross Louis, ou fondée sur l’écoute de documents sonores reproduits musicalement avec l’Encyclopédie de la parole, par exemple), mais toutes révèlent un goût commun pour l’invention et la discussion autour de modes de connaissance incarnés et expérientiels à partir desquels dessiner une nouvelle « démocratie de l’attention »[20], c’est-à-dire de nouvelles façons de chercher, de regarder, de rendre compte, d’interroger, et de partager les documents avec la scène.
Notes
[1] Georges Sebbag, Bataille, Leiris, Einstein. Le moment Documents, avril 1929 – avril 1931, Albias, Jean-Michel Place éditeur, 2022, p. 128.
[2] Ibid., p. 136.
[3] Placard publicitaire, Cahiers du Sud, février 1931, cité par Georges Sebbag, ibid., p. 130. Le projet éditorial de Documents n’est étonnamment pas exposé dans les premiers numéros, mais il est clairement défini dans plusieurs placards publicitaires publiés dans des revues « amies » tels Cahiers du Sud et Variétés.
[4] Jacques Derrida, Mal d’archive : une impression freudienne, Paris, Galilée, 1995, p. 12-13 : « Le vocable renvoie bien, comme on a raison de le croire, à l’arkhé dans le sens physique, historique ou ontologique, c’est-à-dire à l’originaire, au premier, au principiel, au primitif, bref au commencement. Mais plus encore, et plus tôt, “archive” renvoie à l’arkhé dans le sens nomologique, à l’arkhé du commandement. […] Les archontes en sont d’abord les gardiens. Ils n’assurent pas seulement la sécurité physique du dépôt et du support. On leur accorde aussi le droit et la compétence herméneutiques. Ils ont le pouvoir d’interpréter les archives. »
[5] Cette tension entre deux fonctions de l’archive est soulignée en introduction dans Isabelle Barbéris (dir.), L’Archive dans les arts vivants. Performance, danse, théâtre, Rennes, PUR, 2015, p. 11.
[6] Voir Jean-Pierre Sarrazac et al. (dir.), Lexique du drame moderne et contemporain , Belval, Circé, [2001] 2005.
[7] Peter Szondi, Théorie du drame moderne, trad. Sybille Muller, Belval, Circé, coll. Penser le théâtre, [1974] 2006.
[8] C’est à Jean-Pierre Sarrazac que l’on doit ce concept, notamment explicité dans son introduction au volume Mise en crise de la forme dramatique 1880-1910, revue Études théâtrales, n° 15-16, 1999, p. 7-9.
[9] Nous remercions chaleureusement Armelle Talbot pour son travail de mise en page des nombreux documents qui nourrissent ce chantier.
[10] Marion Boudier et Chloé Déchery (dir.), Artistes-chercheur·es, chercheur·es-artistes. Performer les savoirs, Dijon, Les Presses du réel, grande collection ArTeC, 2022.
[11] Voir Donna Haraway, « Situated Knowledges : The Science Question in Feminism and the Privilege of Partial Perspective », Feminist Studies, 14|3, 1988. Le texte a été traduit dans Manifeste cyborg et autres essais. Sciences, fictions, féminisme, anthologie établie par Laurence Allard, Delphine Gardey et Nathalie Magnan, Paris, Exils Éditeurs, 2007.
[12] « ‘‘Comment faire entendre une parole sachante ?’’ Pratiques d’écoute et d’attention dans la création scénique contemporaine », journée-laboratoire à l’Université Paris 8, 13 avril 2021 ; « Qui parle ? Qui écoute ? Paroles et savoirs situés en scène », Rencontre #8, coorganisée avec le Studio-Théâtre de Vitry du 16 au 19 juin 2021. Pour plus d’informations, se reporter aux archives du site Performer les savoirs.
[13] « Du document à la scène et retours : usages, processus de création et protocoles de recherche », journée-laboratoire à la Maison de la Culture d’Amiens, 28 mars 2019.
[14] Sur ces différents tournants, voir notamment Irit Rogoff, « Turning », e-flux journal, n° 0, novembre 2008 ; Hal Foster, « L’Artiste comme ethnographe, ou la “fin de l’Histoire” signifie-t-elle le retour à l’anthropologie ? », dans Harry Bellet (dir.), Face à l’histoire, 1933-1996 : l’artiste moderne devant l’évènement historique, Paris, Flammarion/Centre Pompidou, 1996 ; Hal Foster, « An Archival Impulse », October, n° 110, automne 2004.
[15] La « table top performance » constitue à la fois un dispositif et une forme repérée au sein de la performance contemporaine. Le dispositif scénographique comprend toujours une table sur laquelle sont posés des objets, domestiques ou techniques, et des documents que manipule à vue un·e interprète, le plus souvent seul·e en scène. Tantôt ces objets et documents incarnent des figures ou des fonctions dans la fable théâtrale, tantôt ils sont utilisés pour leur valeur de preuve qui permet d’authentifier un discours scientifique, théorique ou poétique. L’action qui est présentée à table peut être captée en temps réel via une caméra zénithale dont l’image est ensuite retransmise en fond de scène sur un écran de vidéo-projection.
[16] Sur le renouvellement du théâtre documentaire, voir notamment Lucie Kempf et Tania Moguilevskaia (dir.), Le Théâtre néo-documentaire : résurgence ou réinvention ?, Nancy, PUN, 2013.
[17] Milo Rau, Vers un réalisme global, trad. Sophie Andrée Fuseck, Paris, L’Arche, coll. Tête-à-tête, [2019] 2021.
[18] Béatrice Picon-Vallin et Erica Magris, « Avant-propos », dans Béatrice Picon-Vallin et Erica Magris (dir.), Les Théâtres documentaires, Montpellier, Deuxième époque, 2019.
[19] Tom Cantrell, Acting in Documentary Theater, Londres, Bloomsbury Publishing, 2013.
[20] Tim Etchells, « À la place d’un autre », dans Marion Boudier et Chloé Déchery (dir.), Artistes-chercheur·es-chercheur·es-artistes, op. cit., p. 60.
Les autrices
Marion Boudier est maîtresse de conférences en études théâtrales à l’Université Picardie Jules Verne, membre du Centre de Recherche en Arts et en Esthétique (CRAE) et de l’IUF. Également dramaturge, elle accompagne Joël Pommerat et la compagnie Louis Brouillard pour des projets au théâtre et à l’opéra, et a consacré plusieurs articles et ouvrages à ce travail : « La dramaturgie comme recherche : écrire avec la scène (de l’histoire). Retour sur le processus de création de Ça ira (1) Fin de Louis » (thaêtre, 2017), Avec Joël Pommerat, un monde complexe (t. 1, Actes Sud-Papiers, 2015), et Avec Joël Pommerat. L’écriture de Ça ira (1) Fin de Louis (t. 2, Actes Sud-Papiers, 2019, Prix du Syndicat de la critique).
Chloé Déchery est maîtresse de conférences en études théâtrales à l’Université Paris 8. Parmi ses intérêts récents figurent les enjeux de la recherche-création ainsi que le tournant atmosphérique et la figuration du végétal dans les arts de la scène (voir notamment les deux volumes qu’elle a coordonnés avec Martin Welton dans la revue Ambiances : Atmosphères en scène : le théâtre à l’ère du tournant atmosphérique, 6|2020 et 7|2021). Également autrice et performeuse, elle a dirigé récemment un ouvrage dédié aux processus de création collaborative et à l’écriture scénique de sa performance A Duet Without You : Performing Collaboration in Solo Performance. A Duet Without You and Practice as Research (Intellect, 2022).
Depuis 2018, Marion Boudier et Chloé Déchery sont coporteuses du programme de recherche « Performer les savoirs » qui a notamment donné lieu à la parution du collectif Artistes-chercheur·es, chercheur·es-artistes. Performer les savoirs (Presses du réel, 2022).
Pour citer ce document
Marion Boudier et Chloé Déchery, « Avant-propos », thaêtre [en ligne], Chantier #7 : Document-matériau (coord. Marion Boudier et Chloé Déchery), mis en ligne le 8 novembre 2022.
URL : https://www.thaetre.com/2022/11/08/document-materiau-avant-propos/