Shakespeare’s sisters

2. La femme inventée


 

 

Shakespeare’s sisters
Sortie de résidence à Lilas en Scène
Film projeté de David Mambouch
Image issue de la captation filmée par Roland Edzard

 

 

« Là, dans l’ombre de la cuisine, près de la table.
Quelque chose se lève, on dirait. Une femme, on dirait.
Comment est-elle arrivée là ? »

Extrait de « La femme inventée »

 

 

On a commencé à approcher au travers des improvisations et des exercices joués, d’une forme, d’un code. Ça s’invente au plateau au fur et à mesure des lectures.
L’irruption de ce personnage tout à fait imprévu m’étonne, mais je suis mon instinct. J’écris cette femme inventée.
Je joue le jeu. Horaires, toujours. Phrases courtes, toujours. Factuelles. Si ce n’est qu’elle regarde, observe une autre femme. Jusqu’à l’obsession. Puis enfin jusqu’à nous, puisque s’étant extirpée du « système » par dérapages successifs, elle va entrer dans la fiction puis l’ayant traversée, arriver jusqu’à nous et nous parler, directement, sans micro, face à face.
Au fond, ce que je fais : ajouter de l’artifice pour accéder au réel. J’introduis du jeu (espace de mouvement), je fais vriller le code.

J’exerce, de fait, une transversalité. J’ouvre l’espace des possibles. Je triche. Pour introduire un décalage qui modifie insensiblement l’écoute et la perception.
Et aussi : je commence en fait à me faufiler dans cet espace que nous faisons naître. Dans l’une de ces brèves ouvertures que l’observation à la loupe de la trame serrée du temps donne à ressentir. Je suis le processus. Vers un autre niveau d’être.

Elle s’est tenue là
Matériau texte pour « La femme inventée »
© Anaïs de Courson

On s’est raconté qu’elle connaissait, cette femme inventée, toute l’histoire ; elle connaissait le spectacle ; mais qu’il lui avait fallu le traverser pour arriver au point de départ en étant capable de s’y engager. Comme si avant, elle était déjà elle, déjà au point de départ, mais comme pétrifiée, incapable d’agir.
Ce moment final de prise de parole, alors, doit être vécu, par l’actrice, comme une prise de liberté inouïe. Une grande jouissance. Le début de quelque chose de tout à fait nouveau. Une présence à elle-même inconnue jusqu’alors.

Ses prises de parole, confondues jusqu’au poème final avec le texte de la parole des femmes, puisqu’elles se font aussi au micro en off, pas à vue, et sur ce même mode horaires-faits-pensées, introduisent chaque fois un glissement. Une anomalie. Une déviation. Insensiblement. Comme des sautes de niveau. Des descentes brusques d’un demi-étage. Comme une oblique. Du sable dans les rouages. Changement de vitesse dans la chaîne du vélo. Dans le chronos, le kairos.

 

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