En Palestine, le Théâtre de la Liberté
sous le coup de menaces multiples

 

Théâtre de la Liberté, Camp de réfugié·es de Jénine, Palestine, 2018
© Astrid Chabrat-Kajdan

 

Le Théâtre de la Liberté (the Freedom Theatre) en Palestine est implanté dans un camp de réfugié·es, lui-même situé dans la ville de Jénine, isolée des autres villes palestiniennes, au nord de la Cisjordanie occupée. Jénine souffre d’un manque d’intérêt touristique et d’un manque d’attention de l’Autorité palestinienne. La ville est également victime d’une mauvaise réputation et subit une actualité sanglante répétée : considérée par Israël et l’Union européenne comme un vivier de terroristes, elle héberge des groupes armés à l’instar du Jihad Islamique, du Hamas et des Brigades des Martyrs Al Aqsa. Jénine et son camp de réfugié·es sont sans cesse sous les feux de la répression et des attaques israéliennes. La dernière de ces attaques vient de se produire. Du 28 août au 6 septembre 2024, l’armée israélienne a entrepris une vaste invasion de la ville, au point de mettre la population en état de siège[1]. Jénine n’avait pas connu d’agression aussi importante des Forces d’occupation israéliennes (FOI) depuis le siège de la ville en 2002, pendant la « seconde intifada » (2000-2005). Drones, chars blindés, bulldozers, avions, bombes… L’arsenal israélien déployé renseigne sur le projet : de Gaza à Jénine, et plus largement à la Cisjordanie, il s’agit de détruire l’ensemble des infrastructures quitte à assassiner le plus de Palestinien·nes possibles. Au moins vingt-deux personnes sont mortes, le nombre de blessé·es ne peut être correctement recensé, la ville de Jénine est à reconstruire. Le siège a duré dix longs jours sans que « personne n’empêche le saignement de la ville »[2].

Le Théâtre de la Liberté, une nouvelle fois, n’a pas été épargné. Le lieu a été créé en 2006, mais il puise ses origines dans un projet antérieur : celui du Théâtre des Pierres, établi à la suite de la première intifada (1987-1993) par Arna Mer-Khamis, juive israélienne militante pour la paix. Quelques années après son ouverture, le théâtre a été détruit par les FOI dans le cadre de la bataille de Jénine (2002) et de l’opération militaire « Rempart ». Juliano Mer-Khamis a reconstruit un théâtre sur les ruines de celui de sa mère en 2006. Prenant acte des défis que cette dernière avait relevés, Juliano Mer-Khamis a reconfiguré artistiquement, politiquement, mais aussi stratégiquement le projet initial : il fallait penser le lieu et son fonctionnement afin qu’il soit en mesure de perdurer et donc de déjouer les menaces et de survivre aux attaques. En 2011, Mer-Khamis a été assassiné par balles devant son théâtre. Le Théâtre de la Liberté a poursuivi son activité et s’est attaché à honorer son héritage – coûte que coûte…

Pour présenter le lieu et son projet, cet article reprend le fil des menaces puis des attaques multiples dont le théâtre est l’objet depuis ses origines jusqu’à aujourd’hui, et des stratégies mises en place pour assurer sa pérennité. Les agressions ont supplanté les menaces et rythment le quotidien du théâtre au point de remettre chaque jour en cause son existence. À partir d’un travail de terrain (observations, observation-participante et entretiens) mené entre 2018 et 2022 et d’une série de photographies argentiques prises au sein du théâtre en 2018, cet article propose un récit scientifique, mais aussi une archive urgente du lieu théâtral le plus menacé de Palestine.

 

Au nom de la mère : s’établir pierre par pierre

 

Le Théâtre de la Liberté a été créé dans le camp de réfugié·es de Jénine, au nord de la Cisjordanie, en 2006, après les Accords d’Oslo et l’intifada de 2000. Son histoire est d’abord liée à deux personnes, une mère, Arna Mer-Khamis (1929-1995), et son fils, Juliano Mer-Khamis (1958-2011). Pour comprendre l’histoire de ce théâtre, il est donc nécessaire de revenir sur le parcours personnel et militant d’Arna Mer-Khamis puis de caractériser la filiation qui s’est établie entre son projet et celui que son fils a mis en place au Théâtre de la Liberté en 2006.

Arna Mer est une juive israélienne née en 1929 à Rosh Pina, un village de Haute-Galilée et l’une des premières colonies sionistes[3] établies en Palestine. Elle s’engage dans un groupe d’élite de la Haganah[4], le Palmach, en dépit de son fort intérêt pour la philosophie de Martin Buber, philosophe et pédagogue autrichien puis israélien, qui prône « l’idée d’une communauté juive et arabe réunie sur une même terre »[5]. Mais un an après la Nakba – le souvenir encore vif « de l’expulsion des Palestiniens »[6], des « corps dans la rue »[7] et des « milliers de personnes sur les routes, chassées et poussées à l’exil »[8] –, elle rejoint le Parti communiste israélien, antisioniste, et renoue avec les idées de Buber. Contre l’avis de sa famille[9], de ses proches et en dépit « du crime »[10] que cela pouvait représenter au sein de la société israélienne[11], elle épouse Saliba Khamis, un journaliste communiste palestinien. Le couple mixte s’installe dans la ville palestinienne occupée de Nazareth et fonde une famille. Ils ont trois fils, Spartakus, Juliano et Abir. Arna Mer-Khamis se détache du sionisme dont elle estime qu’il repose selon elle « sur le racisme »[12] et qu’il est la cause de la « séparation »[13] entre Juifs et Arabes, puisqu’ils vivaient ensemble avant 1948. Elle devient militante pour la paix et contre l’occupation israélienne. Pour ses actions, elle est souvent arrêtée et emprisonnée par les autorités israéliennes. En 1982, elle fait partie du mouvement « Down With Occupation » (DWO) qui lutte contre la guerre au Liban et l’occupation israélienne. En 1988, elle crée l’organisation « Care and Learning »[14], qui développe une démarche éducative à destination des enfants détenus dans les prisons israéliennes. Pour tenter de pallier la fermeture des écoles pendant la révolte, les militant·es de l’organisation rejoignent Jénine – ville d’où sont originaires de nombreux enfants emprisonnés en Israël pour avoir lancé des pierres sur les soldats – et son camp de réfugié·es pour faire l’école dans la rue avec l’aide de femmes palestiniennes. Dans un second temps, malgré la réouverture des écoles, les carences éducatives des enfants nécessitent un soutien parallèle aux écoles. En 1990, avec l’aide financière internationale et particulièrement européenne[15], l’association met en place ses premières maisons pour enfants, des écoles alternatives qui reposent sur des activités culturelles et créatives avec une visée thérapeutique.

 

Théâtre de la Liberté, Camp de réfugié·es de Jénine, Palestine, 2018
© Astrid Chabrat-Kajdan

 

Déjà à cette époque, la difficulté de l’implantation d’une association éducative et/ou culturelle à Jénine est double : il faut faire face à l’opposition des FOI et des Palestiniens conservateurs, même si la deuxième est bien moindre que la première. La difficulté des financements révèle aussi la nécessité d’un soutien international. En 1993, Arna Mer-Khamis reçoit un prix qui se veut un équivalent alternatif du prix Nobel de la paix, pour ses actions, le Right Livelihood Award, décerné par le Parlement suédois.

Avec le montant obtenu par l’intermédiaire du prix, Arna Mer-Khamis crée un théâtre dans le camp de réfugié·es de Jénine : le Théâtre des Pierres (the Stone Theatre). Le nom du théâtre fait figure d’hommage aux enfants lanceurs de pierres de l’intifada tout comme il montre que le projet s’adresse à eux, mais pas seulement. Les enfants et les adolescents qui lancent des pierres contre les soldats sont en première ligne du soulèvement. En nommant le lieu « Théâtre des Pierres », Arna Mer-Khamis annonce que ses actions se positionnent au cœur de la révolte. Les enfants qui ont suivi les activités proposées par les Maisons pour enfants et qui participent aux activités du théâtre seront appelés les enfants d’Arna. Le théâtre est d’ailleurs installé dans la maison de l’un d’eux, Zakaria Zubeidi, dont nous reparlerons. La militante entraîne les enfants à s’exprimer, notamment au sujet de leurs traumatismes.

Son fils, l’acteur israélien Juliano Mer-Khamis, intervient au Théâtre des Pierres pour conduire des ateliers de théâtre et filmer le travail que sa mère mène avec les enfants du camp[16]. L’itinéraire du fils ressemble à celui de la mère : au-delà du service militaire obligatoire, l’acteur s’est engagé volontairement dans la brigade d’élite des parachutistes de l’armée israélienne. Pourtant, lors de son service militaire, il a refusé « l’ordre de fouiller un Palestinien âgé, ce qui a entraîné une bagarre avec son commandant et un séjour en prison »[17]. Il a donc quitté l’armée et suivi une formation au jeu d’acteur au sein de l’école des arts du spectacle Beit-Zvi de Tel-Aviv. Il a mené une carrière d’acteur pleine de succès « tant au cinéma et à la télévision qu’au théâtre »[18] en Israël et à l’international. En parallèle, depuis la fin des années 1980 et jusqu’à la mort de sa mère en 1995, il a collaboré avec elle dans le camp de réfugié·es de Jénine. Comme elle, il est passé par l’armée israélienne avant de devenir militant pour les droits des Palestinien·nes. Arna Mer-Khamis décède d’un cancer peu après l’ouverture du Théâtre des Pierres, en 1995.

 

Théâtre de la Liberté, Camp de réfugié·es de Jénine, Palestine, 2018
© Astrid Chabrat-Kajdan

 

Après le décès de sa mère, Juliano Mer-Khamis quitte Jénine pour quelques années. En avril 2002, la ville est assiégée dans le cadre de l’opération militaire israélienne « Rempart » qui a lieu pendant la « seconde intifada » (2000-2005). Les FOI cherchent à débusquer les coupables d’attentats retranchés à Jénine et dans son camp de réfugié·es. Dans cet objectif, l’armée fait de la ville une zone militaire fermée laissant les habitant·es sans aide médicale ou humanitaire[19]. L’opération militaire dure du 3 au 11 avril 2002 et ravage la ville, tant en termes d’infrastructures – maisons, bâtiments, commerces sont détruits – de mort·es et de blessé·es, de pauvreté et de violences traumatisantes. Leurs maisons bombardées et rasées, les habitant·es doivent fuir la ville pendant ou après l’opération. Le Théâtre des Pierres est démoli pendant la bataille de Jénine. Juliano Mer-Khamis rejoint le camp après la bataille, filme les décombres et va à la rencontre des enfants d’Arna devenus de jeunes adultes. En confrontant les images de ses archives personnelles – les films qu’il a réalisés dès la fin des années 1980 sur le travail de sa mère avec les enfants jusqu’à la mort de celle-ci en 1995 – et les images actuelles de ce que sont devenus les enfants du camp, Mer-Khamis interroge leurs itinéraires. Parmi les enfants d’Arna, beaucoup sont morts dans le cadre d’attentats suicides. Ceux qui sont encore vivants sont devenus des combattants armés. Parmi eux se trouve l’un des leaders de la Brigade des martyrs d’Al-Aqsa, Zakaria Zubeidi, chez la famille duquel le Théâtre des Pierres était hébergé.

Ce travail donne lieu à un documentaire, Les Enfants d’Arna (2004)[20], que Juliano Mer-Khamis réalise avec Danniel Danniel, réalisateur et scénariste israélien. C’est donc en juxtaposant des images des ateliers conduits par sa mère et celles des combattants d’aujourd’hui, que l’acteur israélien interroge les processus qui mènent à la violence et la fabrique de la résistance armée. Les images montées dévoilent également les limites des interventions éducatives et artistiques dans le contexte de l’occupation militaire. Au-delà d’une forme de constat d’échec, le documentaire permet à Juliano Mer-Khamis de tirer une leçon quant aux impasses de la résistance, qu’elle soit non violente ou armée. Sa diffusion internationale permet aussi de rendre visibles les enjeux palestiniens et particulièrement ceux de Jénine et de son camp de réfugié·es, délaissés des représentations médiatiques. Enfin, le documentaire peut être vu comme un levier pour fédérer des soutiens internationaux politiques et financiers, qui vont s’ajouter aux recettes que la diffusion du film a générées en elle-même. Le documentaire n’est donc une preuve ni de fatalisme, ni de désœuvrement puisqu’il suscite et active la poursuite du projet d’Arna Mer-Khamis à Jénine. Les évènements politiques, comme la désillusion quant aux Accords d’Olso et l’accroissement de la violence de toutes parts, conduisent à reconfigurer le projet initial de la militante pour la paix[21]. C’est en 2006, fort des soutiens internationaux acquis grâce à son documentaire, que Juliano Mer-Khamis crée un nouveau théâtre dans le camp de Jénine, le Freedom Theatre. De ce point de vue, Les Enfants d’Arna ne représente ni un constat d’échec ni une fin, mais une transition d’un projet à l’autre.

 

Théâtre de la Liberté, Camp de réfugié·es de Jénine, Palestine, 2018
© Astrid Chabrat-Kajdan

 

Au nom du fils :
les fondations qui portent le mouvement

 

Pour mener à bien l’implantation du Théâtre de la Liberté et signer la reconfiguration du projet d’Arna Mer-Khamis, trois fondateurs, Juliano Mer-Khamis, Jonatan Stanczak et Zakaria Zubeidi s’associent et remplissent chacun un rôle précis et déterminant. Des trois, Juliano Mer-Khamis, « un des acteurs de théâtre et de cinéma les plus reconnus d’Israël »[22], est le seul professionnel du théâtre. De plus, il a déjà mené des ateliers de théâtre avec les enfants du camp dans le cadre de Care and Learning et du Théâtre des Pierres. Il assure donc la direction artistique du théâtre. Le projet est initié par Jonatan Stanczak, militant suédois de mère juive israélienne et infirmier en pédiatrie. Il voit dans le projet de théâtre un moyen de lier son activisme pro-palestinien et ses compétences avec les enfants[23]. Stanczak a aussi des connaissances relatives aux organisations humanitaires et au mouvement de solidarité avec la Palestine, auquel il a participé en prenant en charge différentes missions. Il a aussi investi dans le théâtre des fonds personnels tirés de la vente de son appartement en Suède[24]. En tant qu’européen, il est à même de générer des soutiens et d’obtenir des financements. C’est pour cela que le théâtre est enregistré à la fois en tant que fondation de droit suédoise et en tant qu’ONG auprès de l’Autorité palestinienne[25]. Pour ces raisons, Stanczak assure la direction générale du théâtre. Enfin, Zakaria Zubeidi, fortement marqué par ses expériences théâtrales avec Arna Mer-Khamis, souhaite un nouveau théâtre pour le camp. Parce qu’il est le seul Palestinien et habitant de Jénine au sein du trio et qu’il est une figure de la résistance très respectée au sein de la ville et du camp, sa participation est logique et atteste l’engagement politique du projet : aux côtés d’un juif israélien et d’un juif suédois, Zubeidi, « héros de la seconde intifada »[26], est le garant de l’implication politique du théâtre qui s’adresse aux habitant·es de Jénine – dont il fait partie. Il fait aussi barrage aux réticences et critiques qui voudraient que « ce projet ne concerne pas et ne porte pas sur les enjeux palestiniens » comme à celles qui lui reprochent sa prétendue déconnexion des questions politiques[27].

 

Théâtre de la Liberté, Camp de réfugié·es de Jénine, Palestine, 2018
© Astrid Chabrat-Kajdan

 

Les changements socio-politiques influent sur les transformations opérées par le Théâtre de la Liberté. Le vocabulaire utilisé par le théâtre pour se définir et communiquer, tant au sein du camp qu’à l’international, inscrit le projet comme une forme de résistance à part entière. Zubeidi en est en quelque sorte la caution, voire la preuve. Son rôle au sein du Théâtre de la Liberté s’est limité à ce statut symbolique et légitimant dans le camp, mais il n’en est pas moins essentiel. Il témoigne des liens qui peuvent exister entre résistance armée et « résistance culturelle »[28], et entre intifada et « intifada culturelle »[29], concepts clés du Théâtre de la Liberté. Sa présence peut incarner en Palestine l’autre notion centrale du jeune théâtre, celle de « combattant de la liberté » mise en avant par Juliano Mer-Khamis :

Ce que nous faisons au théâtre ne vise pas à remplacer la résistance des Palestiniens dans leur lutte pour la libération, bien au contraire. Cela doit être clair. Je sais que ce n’est pas bon pour la collecte de fonds, parce que je ne suis pas un travailleur social, je ne suis pas un bon juif qui va aider les Arabes, et je ne suis pas un Palestinien philanthrope qui vient nourrir les pauvres. Nous nous joignons, par tous les moyens, à la lutte pour la libération du peuple palestinien, qui est notre lutte de libération… Nous ne sommes pas des soignants. Nous ne sommes pas de bons chrétiens. Nous sommes des combattants de la liberté[30].

Ayant pris acte des limites des pratiques culturelles à visée thérapeutique et des limites de la résistance armée, Juliano Mer-Khamis considère le Freedom Theatre « comme un mouvement »[31] dont un des objectifs est de connecter des individus localement et internationalement. Le Théâtre de la Liberté se démarque des autres théâtres palestiniens en tant qu’il est structurellement pensé dans une connexion permanente avec l’international. Non seulement le trio des fondateurs intègre Stanczak, mais les soutiens fédérés depuis la diffusion du film Les Enfants d’Arna deviennent également membres d’honneur du théâtre. Parmi eux, on compte par exemple des personnalités intellectuelles dotées d’une reconnaissance internationale, telles que Elias Khoury, Étienne Balibar, Judith Butler, Michel Khleifi et Noam Chomsky. Une dizaine de membres associés internationaux s’ajoute encore à l’équipe permanente et au conseil d’administration local, et nombre de mises en scène du théâtre sont signées par un binôme palestino-européen. Ces choix constituent aussi une stratégie nécessaire pour l’implantation et la pérennité du théâtre, à ajouter aux nationalités israélienne et suédoise et à la judéité de Mer-Khamis et de Stanczak, qui sont autant d’éléments protecteurs face aux menaces israéliennes, comme le soulignait déjà Arna Mer-Khamis[32]. Enfin, parce que Jénine se situe tout au nord des autres villes de Cisjordanie, elle est moins accessible, d’où l’importance d’une connexion forte avec l’international qui permet des visites malgré les difficultés.

 

Théâtre de la Liberté, Camp de réfugié·es de Jénine, Palestine, 2018
© Astrid Chabrat-Kajdan

 

Le Théâtre de la Liberté est à ce titre le seul théâtre en Cisjordanie à posséder dans ses infrastructures ses propres appartements[33] dédiés à l’hébergement des artistes qui habitent dans d’autres villes palestiniennes, mais aussi des artistes internationaux tout comme des chercheur·ses, journalistes ou simples personnes en visite. Ces appartements sont nécessaires à plusieurs niveaux : d’abord, ils répondent à l’isolement de la ville de Jénine par rapport aux autres villes palestiniennes ; pour loger à l’intérieur du camp, ils constituent l’unique possibilité. Ils permettent aussi de réduire les coûts des défraiements dans le cadre d’une production artistique. L’ensemble du théâtre prend la forme d’un immeuble à deux étages avec une cour qui se transforme bien souvent en parking. D’autres parties autonomes comme la scène, les coulisses et les loges, les locaux techniques ou de stockage sont desservies par la cour. Une terrasse borde l’entrée du hall qui donne sur un grand salon qui fait office de salle de convivialité pour les moments de vie qui précèdent et suivent les activités artistiques. Le rez-de-chaussée est aussi équipé d’une cuisine et d’une petite salle de projection cinématographique. À l’étage, une sorte de vaste appartement se décompose en bureaux et salles de réunion. De l’autre côté se trouve le premier appartement destiné au logement des invité·es. Plus loin dans le camp de réfugié·es de Jénine, le deuxième appartement remplit la même fonction. L’organisation du lieu renforce une des missions du Théâtre de la Liberté qui consiste à faire de son lieu, non seulement un lieu de création mais aussi un véritable lieu de vie pour les enfants et leurs familles au sein de camp, et un lieu de convivialité et de rencontre pour les personnes extérieures.

 

 

Théâtre de la Liberté, Camp de réfugié·es de Jénine, Palestine, 2018
© Astrid Chabrat-Kajdan

 

À sa création, le Théâtre de la Liberté se consacre exclusivement au travail avec les enfants du camp, dans le cadre d’ateliers menés par Juliano Mer-Khamis. C’est d’ailleurs le plus gros travail de Mer-Khamis au sein du Théâtre de la Liberté, en plus de son rôle de directeur artistique et de formateur au sein de l’école de jeu du Théâtre de la Liberté créée en 2008. Il signe la mise en scène d’une seule pièce professionnelle produite par le théâtre, Alice au pays des merveilles, en 2011, et assure la supervision artistique de deux autres (La Ferme des animaux et Fragments de Palestine en 2000). Avec Alice au pays des merveilles, Mer-Khamis fait franchir un cap au théâtre « artistiquement et techniquement »[34] : « Juliano a créé un théâtre total articulant motifs et personnalités palestiniennes avec une vivacité aiguë à la manière du théâtre de la cruauté d’Antonin Artaud, une énergie incarnée à la manière imaginative et animée de Jacques Lecoq […]. »[35] Nabil Al-Raee, appelé par Mer-Khamis peu après la création du Théâtre de la Liberté, originaire d’un autre camp de réfugié·es, celui d’Aroub, « situé entre Bethléem et Hébron »[36], signe jusqu’alors la majorité des mises en scène du Théâtre de la Liberté. Soit les créations du théâtre sont basées sur des adaptations d’œuvres littéraires ou de pièces dans le contexte palestinien, comme La Ferme des animaux (2009) et Alice aux pays des merveilles (2011), soit elles « visent à aborder des questions politiques par le biais de pièces originales axées sur l’expérience humaine quotidienne des Palestiniens »[37]. La spécificité du Théâtre de la Liberté réside dans le fait qu’aucune de ses créations ne s’affranchit de la politique[38]. Les productions « découlent d’une interconnexion organique entre l’expérience personnelle et politique qui permet aux objectifs artistiques et politiques d’être complètement entrelacés et symbiotiques »[39]. Avec un haut niveau d’exigence artistique, elles permettent de rendre visibles les problématiques du camp de réfugié·es de Jénine. Parallèlement à un travail local avec les enfants du camp et le public de Jénine, le théâtre développe donc ses productions professionnelles depuis 2007, et en cela il se démarque du projet du Théâtre des Pierres. À l’inverse d’Arna Mer-Khamis, Juliano Mer-Khamis pense également les productions du Théâtre de la Liberté comme des plaidoyers à destination de l’international.

Juliano Mer-Khamis a été assassiné par balles devant son théâtre en avril 2011 et le meurtre du fondateur et porte-parole emblématique du Théâtre de la Liberté n’est toujours pas résolu à ce jour. Le Théâtre de la Liberté s’est créé et évolue encore sous le coup de menaces multiples. Le théâtre a été incendié plusieurs fois et avant d’être tué, Juliano Mer-Khamis avait reçu de nombreuses menaces de mort pour ses activités.

 

Au nom de la lutte et de la liberté :
de l’héritage aux lendemains incertains

 

Théâtre de la Liberté, Camp de réfugié·es de Jénine, Palestine, 2018
© Astrid Chabrat-Kajdan

 

Nabil Al-Raee a pris la suite de Juliano Mer-Khamis à la direction artistique jusqu’en 2020. Depuis la mort de « Jul »[40], le Théâtre de la Liberté a multiplié ses activités et a connu un développement croissant avec la création d’une formation pour acteurs et actrices de trois ans, la constitution d’une grande équipe permanente et salariée[41], de nombreux projets locaux, des productions artistiques et des collaborations internationales. Jonatan Stanczak a quitté le travail exécutif au sein du théâtre mais reste « membre associé » en tant que « conseiller »[42]. Les deux fondateurs, l’un israélien et l’autre suédois, juifs tous les deux, ne peuvent plus protéger le théâtre des menaces israéliennes comme les incursions illégales des FOI à Jénine et dans son camp de réfugié·es. Les liens bâtis et la communication avec et à destination de l’international sont donc d’autant plus importants depuis. Le directeur général Mustafa Sheta déclare que le Théâtre de la Liberté possède en effet un « plus grand réseau international que les autres théâtres palestiniens »[43]. Nombre de chercheur·ses, journalistes et militant·es se rendent au théâtre de Jénine. En 2018, le Théâtre de la Liberté comptabilisait des tournées dans plus de quinze pays dans plus de cinq continents[44]. Pour l’organisation des tournées, plusieurs associations amies basées en France, au Royaume-Uni, au Portugal, en Suède, en Allemagne, en Écosse et aux États-Unis, ont été fondées. « Les Amis du Freedom Theatre », créée en France en 2006 (ATLJ) a été établie la première, à la suite de la diffusion des Enfants d’Arna. Ces associations sont composées de militant·es pour les droits du peuple palestinien, majoritairement extérieur·es aux institutions théâtrales et aux circuits du spectacle vivant professionnel. La diffusion du Théâtre de la Liberté a souvent été cantonnée en Europe aux cadres militants, associatifs et sociaux. De même, des membres associés internationaux du théâtre participent à la communication et la reconnaissance du Théâtre de la Liberté. Deux ouvrages en anglais ont paru en 2017 et 2018, qui retracent, sous forme de beau livre avec photographies[45] ou de plusieurs articles, l’histoire du Théâtre de la Liberté[46]. Majoritairement, il s’agit de récits-témoignages des membres locaux ou internationaux du théâtre. Le Théâtre de la Liberté est probablement le théâtre palestinien le plus connu et il suscite la fascination du fait de son histoire, alimentée en grande partie par la figure iconique de Juliano Mer-Khamis, et du fait qu’il fédère quasi-exclusivement des militant·es engagé·es pour la cause palestinienne, puisque ses activités font partie intégrante de la résistance contre l’occupation.

 

Théâtre de la Liberté, Camp de réfugié·es de Jénine, Palestine, 2018
© Astrid Chabrat-Kajdan

 

Les choix fondateurs du Théâtre de la Liberté résident alors autant dans le développement d’une activité locale et d’une diffusion à l’international que dans l’imbrication de l’artistique et du politique – sans que l’un prenne l’ascendant sur l’autre. Pour assurer cette double adresse, le théâtre s’attache dans un premier temps à répondre à la fois aux besoins des enfants et familles du camp et à ceux d’autres populations palestiniennes marginalisées : l’équipe a mis en place en 2011 le « Freedom bus », avec lequel elle se déplace à la rencontre des « principaux sites d’oppression et de résistance en Cisjordanie »[47]. Avec des formes théâtrales participatives comme le playback theatre, créé en 1975 aux États-Unis, qui invite le public à raconter des histoires personnelles, le Théâtre de la Liberté expérimente des processus démocratiques qui font place aux opinions sur la situation palestinienne et l’occupation. Quant à l’adresse internationale, le théâtre noue depuis ses origines des partenariats internationaux dont les plus importants sont les cocréations qui participent grandement à sa visibilité sur les scènes européennes. Il compte deux collaboratrices phares, Micaela Miranda et Zoe Lafferty. La première est une metteuse en scène, dramaturge et enseignante portugaise, spécialiste du mouvement, établie de longue date à Londres. De 2009 à 2017, elle a co-mis en scène des pièces avec Nabil Al-Raee et dirigé le travail physique des acteur·rices dans la quasi-totalité des créations produites au théâtre. Elle est ensuite devenue la directrice de l’école du Freedom. La seconde est une metteuse en scène et autrice anglaise. Elle travaille avec le Théâtre de la Liberté depuis 2010. Elle a co-dirigé six pièces produites par le Freedom Theatre et collaboré à d’autres ; elle a assuré des workshops au sein de l’école du théâtre, écrit et publié sur ses activités et actualités. Elle est d’ailleurs depuis 2011 metteuse en scène associée du Freedom Theatre. Lafferty n’a donc pas seulement un rôle de collaboratrice mais participe depuis plus de treize ans au fonctionnement du théâtre et au déroulement de ses activités. Le rôle de Micaela Miranda et de Zoe Lafferty est en adéquation avec le projet structurel du théâtre, fondé sur des connexions permanentes avec l’international. Le plus grand succès du Théâtre de la Liberté, tant localement qu’internationalement est d’ailleurs une cocréation entre Nabil Al-Raee et Zoe Lafferty. The Siege (2015) est une pièce écrite par Al-Raee – qui partage la mise en scène avec Lafferty – à partir de l’événement du siège de la Basilique de la Nativité pendant la seconde intifada. Avec ce spectacle, qui aborde frontalement la question de la résistance armée, le Théâtre de la Liberté a atteint pour la première fois les scènes britanniques et connu sa plus dense tournée depuis sa création[48].

 

Théâtre de la Liberté, Camp de réfugié·es de Jénine, Palestine, 2018
© Astrid Chabrat-Kajdan

 

En dépit de ces succès, le théâtre et ses membres subissent depuis 2019 de nombreuses attaques de différents ordres. La menace multiple est permanente au point de ne laisser au seul théâtre palestinien du nord de la Palestine que des moments de répit très limités. Zakaria Zubeidi, considéré avant son arrestation comme l’ennemi numéro un d’Israël, est détenu en prison par les FOI depuis le 27 février 2019. En 2020, Nabil Al-Raee a été remplacé à la direction artistique par Ahmed Tobasi, qui a grandi au sein du camp de réfugié·es, et y vit encore. À cette période, le théâtre traversait une crise financière sans précédent dont il éprouve encore les effets aujourd’hui. Depuis sa création, il recevait des fonds de l’Union européenne (UE) et de l’Agence suédoise de développement et de coopération (Swedish International Development Cooperation Agency – SIDA). Ces financements représentaient la part majoritaire, voire exclusive, de ses ressources pour assurer à la fois les salaires de son équipe d’une douzaine de salariés, les frais de fonctionnement du lieu, et le coût des productions. Le ministère de la Culture palestinien n’est pas, pour sa part, en mesure de subvenir au fonctionnement des théâtres palestiniens, mais leur statut d’ONG leur permet en revanche de prétendre à des fonds internationaux, absolument nécessaires à la pérennité des lieux et au développement de leurs activités. À la fin de l’année 2019, l’UE a ajouté une clause aux financements qu’elle octroie depuis les années 1990 aux ONG palestiniennes. La clause antiterroriste[49] « stipule que les bénéficiaires de subventions doivent s’assurer qu’aucun fonds n’ira à des groupes répertoriés comme organisations terroristes »[50]. Or la liste noire est notamment composée des partis politiques ou apparentés. L’agence suédoise SIDA s’est alignée sur la nouvelle condition du bloc des 27. Pour recevoir les financements, les théâtres doivent donc signer la clause, ce qui implique de criminaliser la lutte contre l’occupation et pour la libération nationale. La majorité des organisations culturelles refusent de la signer, avec en tête de file le Théâtre de la Liberté et son engagement sans faille pour toutes les formes de résistance. Les conséquences financières sont telles que le théâtre de Jénine est passé dans un premier temps d’une douzaine de salariés à trois, puis a vu les possibilités de salariat à temps complet s’étioler peu à peu. Mais la pérennité du lieu n’est pas seulement menacée par les agendas politiques de l’UE. La menace principale reste les FOI : depuis septembre 2022, plusieurs jeunes hommes qui participent aux activités du Théâtre de la Liberté ont été assassinés. Bilal Al-Saadi, président du conseil d’administration du théâtre, a été arrêté le 11 septembre 2022 et il est emprisonné depuis sans raisons connues. Au début du mois de juillet 2023, le Freedom Theatre a été endommagé par des bombardements lors d’une invasion militaire de trois jours. Le 19 septembre 2023, les FOI ont attaqué le théâtre et son public pendant une représentation. Depuis le 7 octobre 2023, les attaques s’intensifient : Ahmed Tobasi a été arrêté et détenu pendant huit jours. Le directeur général, Mustafa Sheta, est détenu sans jugement depuis le 13 décembre 2023, non conformément au droit international. Le lieu a été la cible des tirs israéliens qui ont altéré son infrastructure, jusqu’au siège de la ville entre le 28 août et le 6 septembre 2024, qui l’a en partie détruite. C’est dans ce contexte que l’équipe du Théâtre de la Liberté poursuit à corps défendant ses activités locales et internationales.

L’héritage de « Jul » et du projet initial du Théâtre de la Liberté résonne encore plus fort. Toujours autant, les collaborations internationales et la visibilité qu’elles permettent d’acquérir peuvent constituer un plaidoyer et un bouclier. Et surtout, les formes de résistance ne s’opposent pas, elles s’additionnent. Nabil Al-Raee l’a rappelé via un post Instagram adressé « à tous les amis actifs » internationaux qui « soutiennent » la lutte du peuple palestinien : « Si vous êtes avec nous, c’est le moment. Il n’y a pas de place pour l’hypocrisie et nous ne choisirons pas comment résister en fonction de votre humeur. » [51] Pour l’ancien directeur du Théâtre de la Liberté, on ne choisit pas entre les formes de résistance et on ne les configure pas à sa guise. Il y a les ami·es de la lutte du peuple palestinien qui soutiennent la résistance sous toutes ses formes, et les autres, il n’y a pas de « milieu »[52].

 

 

Notes

[1] Voir Jean-Philippe Rémy, « En Cisjordanie, le spectre d’une extension de la guerre de Gaza », Le Monde, 6 sept. 2024.

[2] Naqqa Sammor, « Mayday inside Jenin camp », The Cultural Intifada [en ligne], 6 sept. 2024. Sauf indication de notre part, nous traduisons. Le site The Cultural Intifada a été créé par le Freedom Theatre et la plateforme Artists on the frontline.

[3] Voir Gabriel Varghese, Palestinian Theatre in the West Bank, Our Human Faces, Basingstoke, Angleterre, Palgrave Macmillan, 2020, p. 52.

[4] La Haganah est une organisation paramilitaire majeure en exercice à partir des années 1920 et préfigure l’armée israélienne de 1948. Son objectif était explicitement de défendre la communauté juive des attaques arabes pendant le mandat britannique.

[5] Christiane Passevant, « Arna Mer Khamis. De Haifa à Jénine, une combattante et une bâtisseuse », dans Christiane Passevant (dir.), Femmes dissidentes au Moyen-Orient, Saint-Georges-d’Oléron, Éditions libertaires, 2014, p. 20.

[6] Ibid.

[7] Ibid.

[8] Ibid.

[9] Malgré les convictions et l’éducation que sa famille a pu lui transmettre, Arna Mer explique que « [quand] le crime est commis dans la maison, c’est autre chose. J’ai été reniée. » (ibid., p. 22).

[10] Ibid.

[11] Les mariages mixtes, entre Israélien·nes et Palestinien·nes, ne sont pas légalement considérés comme un crime en Israël mais ils peuvent marginaliser les marié·es.

[12] Christiane Passevant, « Arna Mer Khamis. De Haifa à Jénine, une combattante et une bâtisseuse », art. cité, p. 24.

[13] Ibid., p. 25.

[14] Le nom complet de l’organisation est « In the Defence of Children under Occupation/Care and Learning ».

[15] Dans son discours de remise du Right Livelihood Award, Arna Mer-Khamis cite notamment des soutiens venant de Hollande, de Suisse, de France, de Belgique et d’Allemagne. Voir Arna Mer-Khamis, « Right Livelihood Award Acceptance Speech », dans Ola Johansson et Johanna Wallin (dir.), The Freedom Theatre, Performing Cultural Resistance in Palestine, New Delhi, Inde, LeftWord Books, 2018, p. 52.

[16] Johanna Wallin, « Juliano Mer-Khamis », dans Ola Johansson et Johanna Wallin (dir.), The Freedom Theatre, op. cit., p. 54.

[17] Ibid.

[18] Ibid.

[19] Gabriel Varghese, Palestinian Theatre in the West Bank, Our Human Faces, op. cit., p. 53.

[20] Juliano Mer-Khamis et Danniel Danniel (réal.), Arna’s Children (Les Enfants d’Arna), Israël/Palestine/Pays-Bas, Trabelsi Productions, couleurs, 84 min, 2004. Le film est accessible sur la chaîne YouTube du Freedom Theatre.

[21] « Les changements sociopolitiques survenus entre le projet Care and Learning et le Freedom Theatre ont fait que, même s’il existait un lien étroit entre ce qui avait été et ce qui allait être, les deux initiatives ont évolué dans des directions différentes. » (Jonatan Stanczak et Johanna Wallin, « The Beginning », dans Ola Johansson et Johanna Wallin (dir.), The Freedom Theatre, op. cit., p. 29).

[22] Ibid., p. 30.

[23] Ibid.

[24] Ibid., p.  33

[25] Nabil Al-Raee, entretien réalisé à Paris le 20 novembre 2018, en anglais traduit par l’autrice.

[26] Gabriel Varghese, Palestinian Theatre in the West Bank, op. cit., p. 54.

[27] Mustafa Sheta, entretien réalisé au Théâtre de la Liberté, Camp de réfugié·es de Jénine, le 13 décembre 2018, en anglais traduit par l’autrice. Dans cet entretien, Mustafa Sheta décrit les a priori des habitant·es quant à l’existence d’un théâtre dans le camp de Jénine : ils ont pu voir le lieu comme détaché des questions politiques et le cantonner à une fonction sociale, culturelle ou de divertissement. L’implication de Zakaria Zubeidi prouve justement l’inverse.

[28] Nabil Al-Raee, « Shared responsibility: A reflection on the role of artists in society », dans Ola Johansson et Johanna Wallin (dir.), The Freedom Theatre, op. cit., p. 113-117.

[29] Ibid.

[30] Juliano Mer-Khamis, « Our legacy », site du Freedom Theatre.

[31] Nabil Al-Raee, entretien cité (note 25).

[32] « Bien sûr, l’armée a débarqué, mais puisque nous étions juifs ‘‘pur-sang’’, les militaires n’ont pas attaqué » (Arna Mer-Khamis, dans Christiane Passevant (dir.), Femmes Dissidentes au Moyen-Orient, op. cit., p. 12).

[33] Mustafa Sheta, entretien cité (note 27).

[34] Jacob Gough, « Working with and Reflecting on Juliano », dans Ola Johansson et Johanna Wallin (dir.), The Freedom Theatre, op. cit., p. 335.

[35] Johanna Wallin, « Juliano Mer-Khamis », art. cité, p. 54-55.

[36] Jonatan Stanczak et Johanna Wallin, « The Beginning », art. cité, p. 39.

[37] Gary M. English, « The Freedom Theatre: Artistic Resistance and Human Rights in the International Sphere », dans Ola Johansson et Johanna Wallin (dir.), The Freedom Theatre, op. cit., p. 357.

[38] Mustafa Sheta, entretien cité.

[39] Gary M. English, « The Freedom Theatre: Artistic Resistance and Human Rights in the International Sphere », art. cité, p. 357.

[40] Jul était le surnom de Juliano Mer-Khamis, utilisé par ses ami·es et ses collègues.

[41] Mustafa Sheta nous apprend que le théâtre compte plus d’une dizaine de salariés permanents. Cependant, le nombre de salariés a clairement chuté depuis 2020 (Mustafa Sheta, entretien cité).

[42] Voir la page « The Team » sur le site du Freedom Theatre.

[43] Mustafa Sheta, entretien cité.

[44] Jacob Gough, « Working with and Reflecting on Juliano », art. cité, p. 336.

[45] Johanna Wallin (dir.), Rehearsing Freedom, the story of a theatre in Palestine, New Dehli, Inde, LeftWord Books, 2017.

[46] Ola Johansson et Johanna Wallin (dir.), The Freedom Theatre, Performing Cultural Resistance in Palestine, op. cit.

[47] Voir la page « Freedom bus » sur le site du Freedom Theatre : « Le projet du Freedom Bus est une initiative du Freedom Theatre qui lie le théâtre interactif et l’activisme culturel pour témoigner, sensibiliser et forger des alliances dans toute la Palestine occupée et au-delà. Initié en 2011, le Freedom bus a organisé cinq tours de liberté dans l’année vers certains des principaux sites d’oppression et de résistance en Cisjordanie, rassemblant des internationaux et des Palestiniens qui viennent pour apprendre et s’engager dans des actions de solidarité avec les membres de la communauté. »

[48] La tournée commence au Lowry de Manchester le 13 mai 2015. Elle comprend dix villes et dix théâtres, dont un passage au Battersea Arts Center de Londres du 19 au 23 mai.

[49] Voir Article 1.5 de l’Annexe II des « Conditions générales applicables aux contrats de subvention pour les actions extérieures financées par l’Union européenne ».

[50] Raphael Ahren, « L’UE déboute une ONG palestinienne refusant de signer la clause anti-terroriste », The Times of Israël, 18 juin 2020.

[51] Nabil Al-Raee, story du 10 octobre 2023 sur son compte Instagram, traduit par l’autrice. Citation originale : « To all the active friends who are supportive, we believe in our legitimate struggle, the first of which is our armed resistance and our fighters, if you are with us, this is the time, and there is no room for hypocrisy and we will not choose how to resist according to your mood and what you see, as a friend or an enemy, not in the middle. »

[52] Ibid.

 

 

L’autrice

Astrid Chabrat-Kajdan est docteure en arts de la scène de l’Université Lumière Lyon 2 et enseignante à l’Université Grenoble-Alpes. Elle est l’autrice d’une thèse sur les collaborations entre artistes européen·nes et palestinien·nes depuis les années 1990 jusqu’à aujourd’hui. Ses domaines de recherche se concentrent sur le théâtre palestinien contemporain, les collaborations internationales, la représentation des guerres et des conflits, les modalités de production et de circulation des œuvres et des artistes entre l’Europe et les pays arabes. Elle mobilise les outils de la sociologie en plus ceux  des études théâtrales, pour l’étude de ces objets.

 

Pour citer ce document

Astrid Chabrat-Kajdan, « En Palestine, le Théâtre de la Liberté sous le coup de menaces multiples », thaêtre [en ligne], mis en ligne le 11 octobre 2024. URL : https://www.thaetre.com/2024/10/11/en-palestine-le-theatre-de-la-liberte-sous-le-coup-de-menaces-multiples/

 

À télécharger

En Palestine, le Théâtre de la Liberté sous le coup de menaces multiples

 

Les commentaires sont clos.