« Je me souviens de ces soirées à tendance ‘‘beatnik’’ bercées par la voix chaude de Jim Morrison, le climat de ces ‘‘strange days’’ correspondait parfaitement au désarroi de notre adolescence qui cherchait alors, dans ce qui est devenu une sorte de mythologie, ses propres valeurs et vivait aussi d’obscurs désirs mal définis de révolte contre les normes et les codes établis.
En réécoutant ce disque il y a quelques mois, je me suis senti prêt à affronter cette page de mon passé ; peut-être parce qu’elle est devenue déjà un peu floue et qu’ainsi cette musique, pour laquelle finalement je n’ai que peu d’opinions sinon qu’affectivement elle me bouleverse à chaque fois, me permet de renouer avec un état qui n’est pas si éloigné de celui d’aujourd’hui où la remise en question, la quête d’aventures, se heurtent encore à de nouvelles conventions, des systèmes qui redeviennent pesants et qu’il semble urgent de secouer. »
Dominique Bagouet, 1990[1]
The Show Must Go On – extrait
Conception et mise en scène de Jérôme Bel
Création au Deustches Spielhaus, Hambourg, 2000
Film d’Aldo Lee et Jérôme Bel
Les rapports entre musique – savante ou populaire – et danse – savante ou populaire – étant très anciens, traquer l’irruption des « tubes » sur les scènes chorégraphiques peut sembler vain. Cependant, quelques éléments constituent des bornes pour cette étude : les tubes, liés à la musique pop, elle-même définie par l’essor de l’enregistrement et du disque, permettent de débuter l’enquête dans la deuxième moitié du XXe siècle. La danse contemporaine pour sa part, après avoir traversé des périodes de défiance et de quête d’autonomie vis-à-vis de la musique[2], a plus récemment[3] renoué avec la charge émotionnelle et le pouvoir expressif de cette dernière. En France, Jours étranges de Dominique Bagouet (1990)[4], sur des morceaux issus de l’album Strange days des Doors ou Home (le meilleur des mondes) de Mark Tompkins (1993)[5], où l’on entendait notamment « Alexandrie, Alexandra » (1977) de Claude François, marquèrent les esprits par le recours à des répertoires peu légitimés et peu usités sur les scènes académiques. Au tournant des années 1990-2000, Bernadtje (1996)[6] d’Alain Platel et Arne Sierens ou The Show Must Go On de Jérôme Bel (2000 et toujours repris)[7] firent date et confirmèrent une pratique qui ne cessa ensuite de s’amplifier.
Comme nous le verrons, l’émergence des tubes sur les scènes de danse contemporaine est d’abord liée au post-modernisme traversant le champ chorégraphique – quête d’expressivité, diversification des références culturelles, reprises et nouveaux modes de composition. Puis nous nous concentrerons sur la danse dite « conceptuelle » ou « indisciplinée » ou, plus récemment, « élargie », qui se développe en France et en Belgique depuis le tournant des XXe et XXIe siècles en héritant notamment de la Postmodern Dance nord-américaine et du déploiement de l’art performance. Nous étudierons alors les usages poétiques, esthétiques de ces morceaux de musique populaires avant d’en dégager les fonctions dramaturgiques dans des œuvres d’Alain Platel et Arne Sierens, Jérôme Bel ou encore Latifa Laâbissi et Antonia Baehr. Ces airs connus de toutes et tous permettent l’articulation effective du singulier et du partagé dans la salle. Ils renouvellent la relation aux œuvres scéniques dans notre monde contemporain en offrant une issue à la double aporie de l’hyperindividualisme et de la communauté fusionnelle. Ces produits culturels « tout prêts », importés dans les spectacles, révèlent la capacité d’artification[8] de la scène. Ils peuvent aussi participer de l’artialisation[9] des gestes banals et des danses sociales qu’ils accompagnent. Enfin, ces éléments très polyvalents revêtent diverses fonctions dramaturgiques dans les trois spectacles retenus, qui s’échelonnent sur une vingtaine d’années (1996-2023) et reflètent probablement une évolution de la « nouvelle danse » vis-à-vis de la culture populaire.
Tubes, Postmodern Dance et post-modernité
Dater l’apparition des tubes sur les scènes de danse n’est pas chose aisée, pas plus que de recenser les diverses fonctions qu’ils revêtent : les sources manquent pour objectiver le phénomène. On peut cependant cerner une période pour les scènes françaises et belges : le tournant du second millénaire, avec une amplification depuis. Pour la scène états-unienne, Sally Banes proposait les années 1980 comme celles des retrouvailles entre danse et musique pour une Postmodern Dance de plus en plus traversée par les caractéristiques du post-modernisme :
Peut-être est-ce la musique qui constitue le principal moyen d’injecter l’expression dans la danse, comme les chorégraphes l’ont toujours su ; et son utilisation marque le déplacement de valeurs le plus évident et le plus important vis-à-vis de la génération précédente. […] La nostalgie des bons vieux « rock’n’rolls », l’actualité de la musique punk et le succès tout neuf de MTV témoignent d’une fascination culturelle générale pour la visualisation de la musique par la danse. Plus généralement, le fossé entre la musique et la danse n’ayant fait que croître jusqu’aux années quatre-vingt, ce renouveau de leur association […] marque un changement radical dans l’histoire de la danse d’avant-garde de ce siècle […][10].
Claudia Palazzolo, s’intéressant au « danser pop », inscrit le déploiement de cette pratique en France dans les années 2000, en lien notamment avec le développement de la danse conceptuelle. Elle cite et étudie quelques spectacles précurseurs : le jerk de Danse pour le temps présent (Maurice Béjart, musique de Pierre Henry, 1967), les spectacles de Pina Bausch pour leurs reprises des danses de salon et Bernadetje de Alain Platel et Arne Sierens. Après 2000, les propositions se multiplient et l’autrice recense une centaine de spectacles aux esthétiques très variées[11]. Ces danses sont souvent accompagnées de tubes, mais pas systématiquement. Inversement, les musiques pop ne sont pas toujours associées à des danses pop. Claudia Palazzolo ne mentionne ainsi pas Jours étranges de Dominique Bagouet ni les œuvres de Michael Clarke[12]. Ces artistes sont en revanche cités en 2012 par Isabelle Danto, dans un article intitulé « Pop et rock : souvenirs, archives et remix »[13], de même que Pierre Rigal, Benoît Lachambre ou Christian Rizzo pour certains de leurs spectacles. Enfin, deux textes de Rosita Boisseau, l’un sur le kitsch, en 1999, et l’autre sur les collaborations étroites entre chorégraphes et chanteurs pop, en 2017, permettent de replacer l’irruption des tubes dans l’histoire mouvante des liens entre danse et musique populaire et dans une dynamique plus vaste de décloisonnement des références culturelles[14] caractéristique du post-modernisme.
De ce rapide tour d’horizon, retenons quelques éléments pour circonscrire notre objet : tube et musique populaire ne sont pas équivalents, et le tube exclut les genres musicaux associés à des contre-cultures précises. De l’ordre de la variété, ces morceaux aux paroles souvent auto-référentielles ou évoquant des situations facilement généralisables (l’amour éternel ou impossible notamment) ont une dimension de neutralité fédératrice et dépassent les clivages sociaux et les revendications identitaires. Deuxième point, la diffusion des tubes sur les scènes de danse traverse les courants néo-classique et contemporain. Elle n’implique pas un vocabulaire chorégraphique spécifique et au-delà, elle est associée à des mouvements de toutes qualités : mimesis et citations de danse sociale, gestes quotidiens, littéraux ou virtuoses.
Jours étranges de Dominique Bagouet
Recréation en 2023 au Théâtre La Colonne, Miramas
Transmission de Catherine Legrand
accompagnée de Fabrice Ramalingom
Avec les élèves de la Coline, Istres
Rappelons aussi que l’apparition de tubes ou de morceaux de musique populaire sur les scènes françaises des années 1990 s’accompagna de quelques émois, notamment dans la profession. Elle s’opposait en effet au minimalisme toujours en cours dans le champ chorégraphique français et interrompait la quête d’autonomisation vis-à-vis de la musique, qui prévalait encore, sur le modèle supposé de la danse post-moderne nord-américaine[15].
Il faut dire que la danse contemporaine revient de loin en matière de « cool attitude ». À ses débuts, dans la décennie 1980, elle se dresse contre le ballet et le fonctionnement rassis du vieux couple fusionnel danse-musique. Et de vouloir libérer un art chorégraphique trop soumis en choisissant l’expérimentation. En jouant l’écart, dans la foulée de Merce Cunningham et du compositeur John Cage qui séparèrent les deux – chacun œuvrant de son côté jusqu’au choc de la première. « J’ai toujours créé mes mouvements en silence », se souvient Jean-Claude Gallotta[16].
Elle représentait également l’irruption de références non admises sur les plateaux d’institutions légitimées notamment par leur distinction d’avec la culture populaire et l’inscription des créations chorégraphiques dans une histoire artistique de la danse[17]. Ainsi, Isabelle Ginot rappelle au sujet de Jours étranges que « [l]ors de sa création au Festival de Montpellier, certains professionnels ont pu dire qu’elle n’était pas “digne” d’un directeur de centre chorégraphique national »[18]. Mark Tompkins se souvient pour sa part de la réception controversée de Home (le meilleur des mondes) :
Beaucoup de gens du milieu de la danse ont été choqués par le traitement kitsch et trash et l’utilisation de danses et de chansons populaires – Claude François, Joséphine Baker, Sylvester, de la musette – mais le spectacle fut un vrai succès et a beaucoup tourné[19].
Ces premières réticences, s’atténuèrent toutefois au fil des années. Associé à l’hétérogénéité et au foisonnement des références et des pratiques caractéristiques de la post-modernité[20], à la dénonciation, plus récente, du racisme de classe et au développement des droits culturels, l’usage des tubes est devenu le symptôme et le moyen d’une remise en cause de la hiérarchie des biens culturels. Alain Platel fut, semble-t-il, longuement hésitant à l’idée de créer pour l’opéra autour de la musique de W. A. Mozart. C’est en rapprochant le compositeur de Céline Dion, en rappelant que Mozart fut pour son époque et demeure pour nous « un artiste de masse », que le chorégraphe trouva l’impulsion pour le spectacle Wolf[21] : « A New Day Has Come » (2002) est diffusé en ouverture de ce ballet joué dans un décor de centre commercial. « Si Céline Dion et Mozart avaient vécu à la même époque, elle l’aurait chanté, il aurait composé pour elle… Enfin peut-être ! »[22]
Il s’agit dès lors de ne plus bouder l’émotion, le trop-plein, le mélange et la confrontation des genres. La diffusion de morceaux de musique populaire accompagne d’ailleurs souvent la quête d’une danse « élargie » à la présentation de pratiques de danses non académiques, quotidiennes, intimes ou sociales, réalisées en boîte de nuit ou dans sa salle de bain – on peut prendre ici pour exemple les solos créés et présentés par les interprètes de Disabled Theater (2012)[23] sur la musique de leur choix ou la coprésence d’interprètes professionnel·les et non professionnel·les réalisant des pas de danse du répertoire puis leurs propres chorégraphies sur les airs qu’ils aiment dans Gala (2015)[24].
Disabled Theater
Conception de Jérôme Bel
Avec les membres du Theater HORA
Création en 2012 au auawirleben, Bern
Film d’Aldo Lee et Jérôme Bel
Par ailleurs, l’usage des tubes participe de la recherche d’autres modes de composition : superpositions, montages, samplings, remix et autres collages qui empruntent des morceaux préexistants pour les insérer dans et fabriquer de nouveaux récits. Cette vaste entreprise de recyclage et de réappropriation, très bien décrite par Nicolas Bourriaud dans Postproduction[25], est facilitée par la numérisation et l’accessibilité en ligne des contenus musicaux. Elle peut être associée à un sentiment de nostalgie pour le passé, mais aussi au besoin des créateur·rices d’assumer l’absence de singularité absolue de leur geste artistique, nourri d’autres propositions, de citations, d’emprunts, de reenactments de formes existantes[26]. La démarche de Jérôme Bel, qui fait diffuser un à un par un DJ de fortune, dans une composition relevant de la simple juxtaposition, les plus grands succès des dernières décennies dans The Show Must Go On en est exemplaire, de même que sa manière de reprendre et faire refaire des spectacles dans diverses de ses créations.
Pour finir cette partie visant à cerner l’irruption et certains des usages les plus évidents des tubes sur les scènes de danse, une hypothèse générationnelle peut-être formulée. L’émergence du phénomène à partir des années 1990, peut être liée au fait que dans les années 1960 en France, certains airs ont participé à la construction d’une nouvelle classe d’âge, l’adolescence, en lien avec le yéyé. Edgar Morin l’avait relevé dans des textes fondateurs parus dès 1963 à la suite du rassemblement organisé place de la Nation par Salut les copains ! Le rôle de la musique populaire dans la construction identitaire de la jeunesse pourrait expliquer celui qu’elle continuera dorénavant d’avoir. Par ailleurs, Julien Péquignot rappelle que ces tubes dépassent certains antagonismes. En poursuivant les propositions d’Edgar Morin, il souligne le rôle de la « culture ‘‘jeune’’ américaine » dans l’émergence « de la jeunesse française comme nouvelle ‘‘classe d’âge’’ qui transcende, sinon les classes sociales à proprement parler, du moins certains clivages sociaux de l’époque (comme les affiliations politiques a priori antagonistes que sont le communisme et le catholicisme traditionnel) »[27]. Cette idée est importante pour réfléchir à la manière dont la diffusion des tubes dans un spectacle permet de relier les spectateur·rices qui l’entendent.
Tubes, mémoires partagées et artification
Les tubes diffusés au cours d’un spectacle semblent résoudre momentanément le délitement irrémédiable du commun, acté au tournant des XXe et XXIe siècles[28], en permettant de tisser un collectif sans appartenance, délié des dimensions fusionnelles et identitaires véhiculées par la notion de communauté. Ces morceaux sans qualité auraient la propriété rare d’articuler singulier et général, sujet et masse en impliquant simultanément un retour à soi et du commun ainsi que le souligne Peter Szendy.
Ces hymnes intimes qui semblent avoir une fonction de ralliement du sujet à soi, à lui-même en tant qu’unique et singulier, ces inthymnes sont aussi, en même temps, des clichés […][29].
Joël Candau, anthropologue de la mémoire, montre que la mémoire collective, à l’échelle d’une nation, d’un village, d’un groupe, est difficile à étayer malgré ce qu’affirment des discours relevant en réalité de la « métamémoire », c’est-à-dire d’une représentation que nous nous faisons de cette mémoire. Si on ne peut douter que certains événements marquent les souvenirs du plus grand nombre et peuvent donc relever d’une mémoire partagée d’un point de vue factuel, cette dimension commune ne peut être attestée au niveau des « représentations sémantiques », c’est-à-dire des significations que chacun·e y associe[30].
Dans le cas d’un tube, nous pouvons, comme spectateur·rice dans la salle, inférer assez aisément une mémoire partagée d’un point de vue factuel, et nous réjouir du fait de partager la connaissance de ce morceau avec celles et ceux qui nous côtoient dans la salle[31] ; en ce cas, nous éprouvons du plaisir à constater nos références communes. Les souvenirs et émotions liés à cette écoute, de l’ordre des « représentations sémantiques », nous sont cependant propres. Avec les tubes, nous nous souvenons et nous nous émouvons ensemble, tout en éprouvant des sentiments singuliers. Ils permettraient alors un commun non identitaire, non défini par une condition, une appartenance ou une croyance partagées, un commun découlant de l’exposition de tout un chacun·e à des produits culturels largement diffusés.
Ceci constitue également un point remarquable : sur une scène, les tubes ont la particularité de ne rien imiter, de ne pas être une reproduction ni d’avoir été composés spécifiquement pour la pièce. Produits artistiques ou culturels non propres à l’œuvre en cours, ils constituent des objets « prêts », associés à notre vie quotidienne ; ils charrient avec eux les connotations et imaginaires dont leurs usages sociaux les ont chargés et, comme nous venons de le remarquer, ils conservent leur capacité à engendrer collectivement le déclenchement d’émotions et de souvenirs intimes. Kantor choisissait des « objets prêts, non esthétiques », pour « représenter la réalité par la réalité elle-même », dans la droite ligne des ready made de Duchamp notamment[32]. Les tubes en scène seraient de cet ordre. Sources d’hétérogénéité, associés à un autre medium – non pas la scène avec sa logique mimétique ou d’incarnation, d’effectuation en direct et de coprésence des artistes et des spectateur·rices, mais la musique enregistrée, fixée sur un support, déliée des interprètes, réécoutable à volonté et n’importe où –, ils font « irruption » et trouent le tissu de la représentation scénique, comme ils le font dans nos vies.
Lorsqu’un tube se fait entendre sur scène, sa puissance affective envahit le spectacle et transpose la séquence sur un autre plan. Il peut ainsi artialiser une situation, soutenir et charger d’émotions des pratiques banales, des séquences quotidiennes, à l’instar de la musique de films. Émis depuis le plateau, ces grands titres de la culture de masse que nous goûtons parfois de manière peu avouable et mal assumée, sont chargés d’une intention et deviennent l’objet d’une attention spécifique, relevant d’un plaisir esthétique avéré. Ils voient leurs significations et connotations démultipliées, appelant une herméneutique propre au régime de l’art. Ce faisant, ils participent au travail d’interrogation de la scène comme dispositif spécifique et lieu d’accueil et de transformation d’éléments hétérogènes arrachés à notre quotidien ; ils révèlent dès lors le pouvoir d’artification de cette dernière. Frédéric Pouillaude dans Le Désœuvrement chorégraphique[33] montre qu’elle est un medium nécessaire à constituer la danse en œuvre et que la danse contemporaine explore particulièrement cette dimension. Les tubes y participent, d’autant plus probablement lorsqu’ils accompagnent des danses sociales (slows, danses intimes, en boîtes de nuit ou au cours de fêtes), comme cela arrive fréquemment dans les spectacles récents.
Dramaturgies
Sur scène, les tubes sont ainsi à inclure dans l’ensemble de la dramaturgie du spectacle, comme symbole des cultures populaires, pour leurs paroles, leur rôle dans la composition globale, l’effraction et le passage au mode lyrique qu’ils permettent, le contrepoint qu’ils proposent, etc. Très plastiques, ces éléments de la création ont des fonctions dramaturgiques variées et des statuts divers dans les représentations, révélatrices d’une évolution des rapports entre danse et cultures populaires. Chez Alain Platel, les tubes accompagnent entre trivialité et beauté la représentation des classes populaires, alors souvent oubliées des plateaux de danse ; chez Jérôme Bel, ils deviennent un moyen d’interroger l’essence du spectacle de danse : rapports entre danse et musique, entre art de la danse et danses sociales, relations entre œuvre et spectateur·rices ; enfin, chez Latifa Laâbissi et Antonia Baehr, ils entrent dans un réseau de références hétérogènes et se révèlent des supports d’appropriations multiples et fluides, tant de la part des chorégraphes que du public.
Lourdes-Las Vegas de Giovanni Cioni, 1999 – extrait
À partir de Bernadetje d’Alain Platel et Arne Sierens
Bernadetje d’Alain Platel et Arne Sierens est une pièce entre danse théâtrale et théâtre dansé, inclassable selon nombre de critiques de l’époque qui en soulignèrent la nouveauté. Invitant sur le plateau des adolescent·es non professionnel·les, elle se déploie entre paroles et musiques, mouvements chorégraphiques, jeu et être en scène. Les tubes, associés à la piste d’auto-tamponneuses et aux vêtements bon marché, plantent le décor d’un spectacle évoquant les aspirations des classes populaires et la culture mainstream. Des jeunes et quelques adultes évoluent autour d’un manège, échangeant des propos banals, attendant un père qui ne se montre pas, dans un enchaînement de séquences dignes de la fête foraine, d’un mariage raté, du désolement d’une jeunesse aussi désœuvrée qu’énergique, isolée, enragée et joyeuse, rêvant de sacré et baignée de profane. Lourdes-Las Vegas, le titre du film tiré des représentations, explicite celui du spectacle : il fait allusion au quartier Oostakker de Gand, lieu de pèlerinage où se font face une reproduction de la grotte de Lourdes (France) – où la Vierge apparut à Bernadette Soubirous – et un manège, ayant inspiré le décor du spectacle. Les interprètes ont amené sur le plateau leur vie, connaissances et aspirations, mais ils ne jouent pas leur propre rôle tout en paraissant souvent dans le non-jeu. La fin du spectacle s’organise comme une succession de numéros où chacun·e entre en piste pour chanter, danser, se montrer aux autres. Francesca (Anne Buyssens / Laura Neyskens), petite fille parvenant mal à communiquer, vêtue tout de blanc, en première communiante et rappelant Bernadette Soubirous, fait demander à Kelly (An Pierlé) de lui chanter une chanson. Starlette blond platine, lunettes de soleil et mini-jupe en sky, cette dernière entonne « Eternal Flames » des Bangles, depuis un coin de la piste. Francesca au centre chante en playback et danse[34] ; au fond, des jeunes filles assurent les chœurs tout en se balançant d’un pied sur l’autre, de cette danse minimale que l’on pratique parfois en bord de piste en boîte de nuit et dans laquelle le corps ne fait que marquer le rythme. Francesca/Bernadette est transcendée par cette interprétation, qui l’amène au-delà d’elle, exposée et révélée aux regards des autres, au centre du manège et de la scène.
Ici, le tube apparaît dans un régime mimétique – Francesca demande à Kelly de chanter et cela fait partie de la fable –, mais sa nature de produit culturel préexistant corrobore la tension du spectacle vers le réel. Les personnes présentes ne sont pas professionnelles, elles semblent ne pas jouer tandis qu’An Pierlé interprète le tube en direct et que la jeune fille le mime et le danse effectivement. Ces actions effectuées au présent sont cependant traversées de redoublement et de passé : les interprètes agissent au nom de leurs personnages, An Pierlé reprend le tube d’une autre, Francesca enchaîne des clichés gestuels pour composer une danse probablement répétée par la jeune fille loin des regards, dans l’intimité de sa chambre. Entre naturalisme et documentaire, il semblerait qu’à la création, on ait pu lire ce spectacle comme critique d’une classe populaire délaissée, fascinée par les pop stars, avec pour seul horizon le mirage du capitalisme mondialisé. Cependant, l’émotion dégagée par une telle séquence, la manière dont les interprètes s’y engagent, l’oxymore assumée de ce rapprochement entre trivialité et spiritualité, le lien connu entre Alain Platel et une humanité oubliée, qu’il voulait faire entrer sur les plateaux, l’importance accordée par Arne Sierens dans sa dramaturgie à la culture de masse, laissent penser qu’il s’agissait autant de montrer que de dénoncer, de légitimer que d’interroger, d’affronter les paradoxes – y compris ceux des spectateur·rices, également pris·es par leurs émotions associées à ces tubes – plutôt que de rester en surplomb.
Pour The Show Must Go On, on peut observer une évolution des critiques et des discours sur le spectacle, mettant davantage l’accent, lors de la création en 2000, sur la provocation et la dénonciation attendue de la vacuité d’une culture standardisée[35], et insistant plutôt, pour les reprises les plus récentes, sur le dispositif, et l’association entre affect et concept proposée par cette chorégraphie, que toutes et tous peuvent danser :
20 performeurs, 19 chansons et un DJ. À partir d’un simple dispositif d’actions/réactions entre des hits et des corps, Jérôme Bel a conçu un spectacle qui fait se rejoindre affect et concept, inconscient collectif et exposition du singulier. Repris avec des membres de la Candoco Dance Company, le spectacle continue (de continuer)[36]…
Sans entrer dans les détails de l’analyse d’une pièce dont les enjeux ont été largement commentés, notons que la succession des tubes[37] et leur illustration littérale – lumière rose pour « La Vie en rose » (Édith Piaf, 1946), salle plongée dans l’obscurité pour « Imagine » (John Lennon et Paul McCartney, 1971), diffusion interrompue laissant place au silence pour « The Sound of Silence » (Paul Simon, 1964), parties du corps agitées en rythme sur « I Like To Move It » (écrite par Erick Morillo et Mark Quashie, 1993), etc. – permettent de faire entendre de manière critique les paroles de certains morceaux. Cela permet aussi d’explorer une danse non virtuose, de revenir aux fondamentaux de l’art chorégraphique – des corps exposés, en mouvement, sur une scène face à d’autres – en osant parfois même laisser les spectateur·rices face au plateau vide, et d’inviter le public dans une sorte d’horizontalité à explorer un rapport dénué de fascination avec les artistes présent·es. Ces dernier·ères, interprètes professionnel·les lors des premières représentations, peuvent aujourd’hui être des amateur·rices ou des personnes sans formation spécifique en danse.
Il s’agit aussi pour le chorégraphe de dépasser toute déclaration et tout constat pour déclencher directement quelque chose chez les spectateur·rices[38]. Le tube se révèle un moyen idéal d’y parvenir. Dans Pichet Klunchun and myself, spectacle où le danseur de khôn Pichet Klunchun et Jérôme Bel s’expliquent mutuellement leur art, le chorégraphe rejoue et commente une séquence de The Show Must Go On. Sur la chanson « Killing Me Softly with His Song » (Norman Gimbel and Charles Fox, 1971), il glisse doucement vers le sol, jusqu’à être assez rapidement complètement allongé, tout en articulant un playback silencieux. Pichet Klunchun déclare ensuite avoir pensé à la mort de sa mère, ce qui satisfait Jérôme Bel dévoilant alors ses intentions : ne rien faire, évider la scène, laisser suffisamment d’espace et de temps au public pour qu’il se mette au travail et dans ce cas précis, réfléchisse à son propre rapport à la mort, le chorégraphe estimant ne rien pouvoir dire sur un thème aussi « privé, personnel, intime »[39]. Le tube, écouté pour lui-même puisque les spectateur·rices assis·es n’ont rien à voir ni rien d’autre à faire joue à plein son rôle d’« inthymne », selon la terminologie de Peter Szendy.
Pichet Klunchun and myself
Conception de Jérôme Bel
De et par Jérôme Bel et Pichet Klunchun
Création en 2004 au Bangkok Fringe Festival
Film d’Aldo Lee et Jérôme Bel
La séquence autour de « Killing Me Softly with His Song » commence à 1h25
Enfin, évoquons la dernière séquence de Cavaliers impurs créé récemment par Antonia Baehr et Latifa Laâbissi (2023). Les deux artistes n’incarnent pas de personnage mais proposent une succession de numéros, faits de séquences parlées, chantées, dansées, mêlant les genres, les registres, les références, citant, détournant, reprenant, et réinterprétant, des œuvres de diverses disciplines, cultures et sous-cultures, des plus populaires aux plus expérimentales[40]. Duo comique, aussi complice que différent, surjouant et performant les assignations d’âge et de genre, entre identité propre et figure, elles surgissent dans une boîte en carton (signée Nadia Lauro), lieu de tous les possibles et de toutes les inventions. La dernière séquence les voit revenir nues, au centre de la boîte, tête ceinte de couronnes de papier. Elles s’enlacent et commencent un slow sur « Mourir sur scène » interprété par Dalida (Michel Jouveaux et Jeff Barnel, 1983). Leur position, leur nudité, les couronnes font de ce moment une incarnation scénique de la photographie de Robert Mapplethorpe Two Men Dancing (1984, 1990), associée tout autant que Dalida à la culture gay. Mais la chanteuse est aussi égyptienne, comme Oum Kalsoum, dont une chanson avait ouvert la représentation. Ce ne sont pas deux hommes qui dansent mais deux femmes, dont l’une porte un gode-ceinture, tant postiche que constitutif de la fluidité de genre revendiquée par Antonia Baehr elle-même – et d’une approche queer ayant nourri tout le spectacle. Enfin, « mourir sur scène » dit la chanson sortie en 1983, lors de la jeunesse de personnes ayant désormais une cinquantaine d’années. Les interprètes avaient évoqué un peu plus tôt la (leur ?) ménopause en revisitant les paroles de La Marseillaise. Corps dénudés et fragilisés, couronnes en papier et chanson d’un autre temps, slow lent dans un lieu vide – mimesis d’une danse sociale fort commune –, peuvent dès lors évoquer la vieillesse, une fin de fête désuète dans une maison de retraite… Il s’agit également, tout simplement de la fin du spectacle. Toutes ces connotations coexistent et s’agrègent, épaississant l’image et le moment. La plasticité du tube, sa capacité à traverser le temps, les générations et les cultures, son auto-référentialité par rapport à la situation scénique permettent une fluidité et une labilité incessante des significations, déjouant toute assignation figée.
***
Connus de toutes et tous, ou au moins du plus grand nombre, les tubes se présentent comme des structures idéales pour associer mémoire partagée et souvenirs intimes. Symptômes et fruits de la culture de masse, ils ont l’avantage de traverser les époques, les générations, les cultures et d’être disponibles à de multiples appropriations. Leur apparition sur les scènes chorégraphiques fut contemporaine d’une danse post-moderniste s’ouvrant à des formes culturelles moins légitimées, associant expérimentation et expression, jouant de nouveaux liens entre la musique et une discipline désormais autonome, émancipée et détachée de la virtuosité. Elle fut aussi concomitante des doutes et questionnements du spectacle vivant face à la dissolution du commun dans des sociétés hyper-individualistes. Réfléchir à leur déploiement nous oblige à nous situer au croisement de l’histoire culturelle, sociale, de l’histoire des arts et de l’esthétique. Quel que soit le geste chorégraphique dans lequel le tube apparaît, il suscite l’émotion en chacun·e des spectateur·rices. Élément constituant de la culture populaire, il la fait vivre sur les plateaux de Platel, en même temps qu’il révèle une forme de sentimentalité et d’aspiration à la beauté et à l’élévation. On retrouve cette dimension dans certains spectacles de Jérôme Bel, quand sont mises sur scène les danses intimes et quotidiennes de chacun·e, mais la littéralité des mouvements dans The Show Must Go on, qui vient contrebalancer les affects de la musique, ouvre un espace aux pensées des spectateur·rices, à la fois emporté·es et à distance. Enfin, le tissage des imaginaires multiples et des assignations contradictoires associées à un même objet culturel bat son plein chez Latifa Laâbissi et Antonia Baehr. L’usage des tubes sur les scènes de danse contemporaine est alors à inscrire dans les dynamiques contradictoires engagées au tournant des XXe et XXIe siècles. Entre hyper-individualisme, développement d’une culture de masse et essor de sous-cultures ou de contre-cultures, les tubes se proposent comme des supports renvoyant chacun·e à soi et disponibles à une appropriation par des groupes multiples, et parfois fort éloignés.
Notes
[1] Dominique Bagouet, « Note d’intention », programme de la compagnie Bagouet pour Jours étranges, juillet 1990, dans Les Carnets Bagouet, « Jours étranges. Chorégraphie de Dominique Bagouet. Dossier documentaire » [en ligne].
[2] Laurence Louppe note que « les grands moments de radicalité de la modernité en danse (1910-30, 1960-70) ont donc vu l’émergence des danses en silence ». Ces tentatives et d’autres ayant exploré de nouveaux rapports entre ces deux mediums, « ont visé à libérer le danseur (mais aussi le spectateur) des sources émotives qui pouvaient l’installer dans des kinesthèses venues de l’extérieur, et lui préparer à l’avance un programme émotionnel tout fait ». Voir Laurence Louppe, Poétique de la danse contemporaine, 2e éd. complétée, Bruxelles, Contredanse, 2007, respectivement p. 303 et p. 304 .
[3] Ce phénomène peut se dater différemment selon les pays : dès les années 1970 et dans les années 1980 aux États-Unis, avec le déploiement d’une danse post-moderne teintée de post-modernité, ou en Allemagne avec le Tanztheater de Pina Bausch, mais plutôt au cours des années 1990 pour la France.
[4] Jours étranges, chorégraphie de Dominique Bagouet, création aux Ursulines en 1990 dans le cadre du Festival international Montpellier Danse. La pièce fut l’objet de reprises, dont l’une que nous avons vue en 2012, avec un groupe d’adolescent·es, au Triangle, à Rennes, sous la direction artistique de Catherine Legrand et Anne-Karine Lescop.
[5] Home (le meilleur des mondes), chorégraphie et mise en scène de Mark Tompkins, création en 1993 à l’Opéra de Lille.
[6] Bernadetje, texte d’Arne Sierens et mise en scène d’Alain Platel, création en 1996 à De Singel, Anvers.
[7] The Show Must Go On, conception et mise en scène de Jérôme Bel, création au Deustches Spielhaus, Hambourg, 2000.
[8] Nous pouvons initialement définir ce terme en suivant Roberta Shapiro : « L’artification désigne le processus de transformation du non-art en art, résultat d’un travail complexe qui engendre un changement de définition et de statut des personnes, des objets, et des activités. […] On dira donc que l’artification, c’est la résultante de l’ensemble des opérations, pratiques et symboliques, organisationnelles et discursives, par lesquelles les acteurs s’accordent pour considérer un objet ou une activité comme de l’art. » Voir « Avant-propos », dans Nathalie Heinich et Roberta Shapiro (dir.), De l’artification. Enquête sur le passage à l’art, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2012, p. 20-21.
[9] « Par le mot d’“artialisation”, Alain Roger désignait le fait que le paysage est une invention de la peinture de la Renaissance italienne. […] Bref, l’artialisation c’est, pour Alain Roger, le processus par lequel l’art fait percevoir autrement. » Voir Carole Talon-Hugon, « L’artialisation des émotions », Nouvelle revue d’esthétique, n° 14 , 2014, p. 5.
[10] Sally Banes, Terpsichore en baskets, post-modern dance, trad. Denise Luccioni, Paris, Pantin, Chiron, CND, réed. 2002, p. 38. Sur les rapports discutés entre danse post-moderne (ou Postmodern Dance) et post-modernisme, voir dans ce même ouvrage la préface à l’édition de 1987 (p. 17-43) et Judith Mackrell, « Post-Modern Dance in Britain: an Historical Essay », Dance Research: The Journal of the Society for Dance Research, vol. 9, n°1, printemps 1991, p. 40-57, en particulier les p. 40-44.
[11] Voir Claudia Palazzolo, Danser pop. Une figure de la création contemporaine, Dijon, Les presses du réel, 2022.
[12] Le danseur et chorégraphe anglais Michael Clarke a travaillé depuis les années 1980 à la jonction du ballet classique et de l’univers punk et glam rock, sur des airs de David Bowie, Kraftwerk ou « Cosmic dancer » de T. Rex (1971). Cosmic Dancer est d’ailleurs sa pièce devenue signature, interprétée à la télévision italienne et reprise dans des spectacles du début des années 1990.
[13] Isabelle Danto, « Pop et rock : souvenirs, archives et remix », Esprit, n° 388, octobre 2012, p. 135-138.
[14] Voir Rosita Boisseau, « La kitsch-attitude mène l’offensive dans la danse », Le Monde, 17 mars 1999, et « La pop entre dans la danse », Le Monde, 15 février 2017.
[15] Céline Roux note ainsi : « Dès les années 1970, une programmation américaine a lieu en France notamment au Festival d’automne à Paris. Nous pourrions donc nous étonner que ce ne soit que dans les années 1990 que ces artistes découvrent les expérimentations du corps piéton, la pratique des tasks ou encore les performances du Judson Dance Theater etc. Il est important, à ce sujet, de se rappeler que la diffusion des pièces américaines dans les années 1970 et 1980, en France, expose les dimensions d’abstraction et de minimalisme des Américains […]. » Voir Céline Roux, « Pratiques performatives / Corps critiques #9 », dans Aurore Després (dir.), Gestes en éclats. Art, danse et performance, Dijon, Les presses du réel et D.U Art, danse et performance de l’Université de Franche-Comté, 2016, p. p. 163.
[16] Rosita Boisseau, « La pop entre dans la danse », art. cité.
[17] On peut aussi noter que ces spectacles suivent de près l’importante parution de l’ouvrage de Claude Grignon et Jean-Claude Passeron, Le Savant et le populaire. Misérabilisme et populisme en sociologie et en littérature (Gallimard/Seuil, 1989), qui entérina et renforça une dynamique de réhabilitation de la culture des classes populaires en ce qu’elle a de propre.
[18] Isabelle Ginot, quatrième de couverture du DVD Jours étranges, coll. Images de la culture, n° 19, 2005, citée par le site numeridanse, sur la page consacrée à Jours étranges.
[19] Voir la fiche artistique du spectacle sur le site FANA Danse & Arts vivants, Fonds Mark Tompkins – Cie I.D.A. Un extrait vidéo de quinze minutes du spectacle est disponible sur le même site.
[20] Hildegard de Vuyst, dramaturge d’Alain Platel, décrit l’œuvre de l’artiste comme le lieu d’un « mélange de haute et de basse culture : Avec Bach, il y a eu Prince et What If God Was One Of Us, avec Monteverdi Tears in Heaven d’Eric Clapton avec Mozart Céline Dion, avec le boléro Marlène Dietrich. […] Des danseurs de formation classique et des hip-hoppers, des circassiens, des enfants, des transsexuels, des alcooliques, des sourds-muets et des chiens côte à côte. Formés et pas formés. L’opéra et la rue, côte à côte. » Propos cités par Amos Fergombé, « Gestualités et résonances du corps chez Alain Platel », dans Stefano Genetti, Chantal Lapeyre et Frédéric Pouillaude (dir.), Gestualités/Textualités en danse contemporaine, Paris, Hermann, coll. Colloque de Cerisy, 2018, p. 115.
[21] Wolf, conception et mise en scène d’Alain Platel, Les Ballets C. de la B., création en 2003 à la Ruhrtriennale.
[22] Alain Platel, cité dans Philippe Noisette, « 30 ans, 30 œuvres : Wolf d’Alain Platel », Les Inrockuptibles, 14 février 2016.
[23] Disabled Theater, conception de Jérôme Bel, création en 2012 auauawirleben Theaterfestival de Bern. Revue de presse, historique et captation sont accessibles sur le site de la Compagnie RB Jérôme Bel.
[24] Gala, conception de Jérôme Bel, création en 2015 au KunstenFestivaldesArts, Bruxelles.
[25] Nicolas Bourriaud, Postproduction. La culture comme scénario : comment l’art reprogramme le monde contemporain, Dijon, Les presses du réel, 2003.
[26] Voir Bénédicte Boisson, Laure Fernandez et Éric Vautrin, Le Cinquième Mur. Formes scéniques contemporaines et nouvelles théâtralités, Dijon, Les presses du réel, 2021, p. 121-124 ; Claudia Palazzolo, Danser pop, op. cit., p. 91-96.
[27] Voir notamment à ce sujet : Julien Péquignot, « La jeunesse et le yé-yé vus par Edgar Morin : culture de masse mondialisée versus particularismes français, ou la résistance télévisuelle à l’américanisation musico-visuelle (1963) », Parlement[s]. Revue d’histoire politique, n° 29, 2019, p. 111.
[28] Voir par exemple pour les champs de la danse et du théâtre : Claire Rousier (dir.), Être ensemble : figures de la communauté en danse depuis le XXe siècle, Paris, CND, 2003 ; Bénédicte Boisson, « Face à 4.48 Psychose, quelle communauté ? », dans Marie-Madeleine Mervant-Roux (dir.), Claude Régy, Paris, CNRS Éditions, 2008, p. 192-203 ; Christian Biet et Christophe Triau, « La comparution théâtrale. Pour une définition esthétique et politique de la séance », Tangence, n° 88 : Devenir de l’esthétique théâtrale, 2008, p. 29-43.
[29] Peter Szendy, Tubes. La Philosophie dans le juke-box, Paris, Minuit, coll. Paradoxe, 2008, p. 125-126. Voir aussi Peter Szendy, « ‘‘Dans l’inthymnité des tubes’’ », entretien réalisé par Floriane Toussaint, thaêtre [en ligne], Chantier #9 : Tubes en scène ! L’irruption du tube sur les scènes théâtrales contemporaines (coord. Agnès Curel, Corinne François-Denève et Floriane Toussaint), mis en ligne le 15 janvier 2025.
[30] Joël Candau, « Mémoires partagées ? », dans Jean-Loïc Le Quellec & l’équipe de L’Anthropologie pour tous (dir.), L’Anthropologie pour tous. Actes du colloque d’Aubervilliers, 6 juin 2015, Saint-Benoît-sur-Mer, Traces, 2015, p. 82-83.
[31] Lors des reprises, auxquelles j’avais assisté, de The Show Must Go On au TNB de Rennes en 2015, en lien avec Le Musée de la danse, CCNRB dirigé alors par Boris Charmatz, la connaissance collective des morceaux était observable : réactions bruyantes des spectateur·rices dansant dans la salle sur « Let’s dance » (1983) de David Bowie, allumant des briquets sur « Imagine », etc., comme cela eut lieu aussi dans bien d’autres villes d’après la presse.
[32] Voir Tadeusz Kantor, Le Théâtre de la mort, éd. Denis Bablet, trad. C. Obolensky, A. Van Crugten, J. Prokop, E. Veaux, Lausanne, L’Âge d’homme, [1977] 2004, p. 214. Ces éléments venus du « réel » chez Kantor étaient des objets manufacturés, récupérés et non des tubes musicaux. Notons toutefois que la puissance émotive des mélodies et ritournelles était consubstantielle de ses spectacles.
[33] Frédéric Pouillaude, Le Désœuvrement chorégraphique. Étude sur la notion d’œuvre en danse, Paris, J. Vrin, 2009.
[34] Voir Giovanni Cioni (réal.) et Alain Platel (chorégr.), Lourdes-Las Vegas, Heures d’été productions, Qwazi qWazi filM, Victoriatheaterproductiehuis, 1999, de 51’09’’ à 53’48’’. En ligne sur le site de numeridanse.
[35] Nous renvoyons aux divers articles sur le site de la Compagnie RB Jérôme Bel.
[36] Présentation du spectacle sur le site du Festival d’Automne à Paris lors de sa reprise en 2017 à la MC93 de Bobigny, pour une recréation avec la Candoco Dance Company, réunissant danseur·ses, amateur·rices, handicapé·es et non handicapé·es, en écho avec des créations récentes du chorégraphe, comme Disabled Theater ou Gala, note encore le texte de présentation.
[37] Voir les crédits musicaux indiqués sur le site de la Compagnie RB Jérôme Bel : « musique : Leonard Bernstein, David Bowie, Nick Cave, Norman Gimbel and Charles Fox, J. Horner, W. Jennings, Mark Knopfler, John Lennon and Paul Mac Cartney, Louiguy, Galt Mac Dermott, George Michael, Erick “More” Morillo and M. Quashie, Édith Piaf, The Police et Hugh Padgham, Queen, Lionel Richie, A. Romero Monge and R. Ruiz, Paul Simon »
[38] Parfois, cela a incité le public à participer, en montant sur le plateau, ce que ne souhaite pas Jérôme Bel, qui considère que la position de spectateur·rice est la plus enviable.
[39] Pichet Klunchun and myself, conception de Jérôme Bel, création en 2004 au Bangkok Fringe Festival. Le passage évoqué se trouve entre 1h25’15” et 1h34’ de la captation en ligne sur le site de la Compagnie RB Jérôme Bel.
[40] Cavaliers impurs, conception et performance d’Antonia Baehr et Latifa Laâbissi, création en 2023 au HAU Hebbel am Ufer, Berlin, 2023. Les œuvres réinterprétées, représentées ou incarnées sur scène sont citées sur le site de Figure Project, compagnie de Latifa Laâbissi.
L’autrice
Bénédicte Boisson est maîtresse de conférences en études théâtrales à l’Université Rennes 2, membre de l’UR APP (Arts : pratiques et poétiques) et chercheuse associée à l’UMR Thalim (CNRS, ENS, Paris 3). Spécialiste des formes scéniques contemporaines et de l’expérience esthétique qu’elles suscitent, elle a dernièrement coécrit avec Éric Vautrin et Laure Fernandez, Le Cinquième mur. Formes scéniques contemporaines et nouvelles théâtralités (Les presses du réel, 2021). Elle a également publié des articles sur Jérôme Bel, la mémoire des spectateurs, l’articulation individu/commun au cours des représentations et la dimension sonore du théâtre.
Pour citer ce document
Bénédicte Boisson, « Irruption et usages des tubes en danse contemporaine. Histoire et esthétique d’un phénomène récent (Alain Platel, Jérôme Bel, Latifa Laâbissi, Antonia Baehr et quelques autres…) », thaêtre [en ligne], Chantier #9 : Tubes en scène ! L’irruption du tube sur les scènes théâtrales contemporaines (coord. Agnès Curel, Corinne François-Denève et Floriane Toussaint), mis en ligne le 15 janvier 2025.
URL : https://www.thaetre.com/2025/01/15/irruption-et-usages-des-tubes-en-danse-contemporaine/
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Irruption et usages des tubes en danse contemporaine