Umberto Tozzi, « Ti amo »
Album È nell’aria… ti amo, 1977
« Sarà perché ti amo » de Ricchi e Poveri et « Ti amo » d’Umberto Tozzi : c’est avec ces tubes que commençaient Idiot ! (2009) de Vincent Macaigne, d’après le roman de Dostoïevski[1], et Exit de Fausto Paravidino, créé pour la première fois en France par Anne-Sophie Pauchet en 2019[2]. Ces deux spectacles, qui relèvent par ailleurs d’esthétiques extrêmement différentes, ont pour point commun de commencer avec des airs de variété italienne, avant même les premières répliques. Cette position liminaire, dans l’un et l’autre cas, imprègne profondément l’expérience spectatrice et rapproche, dans l’ensemble très intime que forme l’accumulation des émotions que dépose en chacun·e le théâtre, le souvenir de deux soirées qui n’ont pour le reste que peu à voir.
Cette convergence impromptue invite à faire l’hypothèse que la variété italienne, plus que la variété anglophone par exemple, entretient un rapport singulier de familiarité, voire d’intimité avec le public français, peut-être fondé sur la proximité des deux langues qui permet un playback plus aisé. Un rapport qui convoque sentimentalité et nostalgie – comme souvent la musique pop, selon Agnès Gayraud[3]. Quand en plus il est question d’amour, ces chansons prennent la forme d’« hymnes intimes » capables d’exprimer « l’air national de [notre] amour », comme le formule Peter Szendy avec les mots de Proust[4], après s’être prêté à une analyse détaillée du tube de Mina et Alberto Lupo, « Parole parole », et à sa reprise par Dalida et Alain Delon. Ces quelques pistes expliquent peut-être pourquoi la variété italienne est régulièrement convoquée sur la scène contemporaine : par Vincent Macaigne dans toutes ses créations[5], par Pierre Maillet dans Théorème(s), d’après Pasolini (2021), ou encore, pour ne citer que des spectacles récents, par le collectif flamand DE HOE dans Le Nouvel Homme (2023).
Dans cet ensemble hétéroclite, les tubes de Ricchi e Poveri et d’Umberto Tozzi dans les deux spectacles qui m’intéressent ont la particularité de cueillir le public à l’orée du spectacle, avant toute autre entrée en matière – et même, dans le cas de Vincent Macaigne, avant même l’entrée du public en salle. Cette place remarquable accordée à la musique dans le cours d’un spectacle engage à envisager la variété italienne comme un « seuil dramaturgique ». Si la chanson donne au premier abord l’impression d’être radicalement extradiégétique, elle remplit également une fonction introductive que l’on ne réalise qu’après coup – et c’est cet effet de recharge différé, cet écart qu’il est passionnant d’interroger. Comment un air de variété italienne parvient-il à mettre en condition le public d’un spectacle ? Comment contribue-t-il à former une communauté ? Comment vient-il, de manières très différentes, indiquer le rapport à entretenir à la scène pour la suite du spectacle, avant même qu’advienne le langage parlé ? Comment la chanson se constitue-t-elle progressivement en intertexte, ou en « interson », dans la dramaturgie d’ensemble ? Afin de répondre à ces questions, cet article se propose de procéder à l’étude des premières minutes des spectacles de Vincent Macaigne[6] et Anne-Sophie Pauchet[7] et de mesurer la plus ou moins grande distance qu’introduit la musique populaire italienne avec le projet annoncé, de considérer l’effet qu’elle produit sur le public, et enfin d’envisager ce qu’elle annonce et met en place, en regard de la suite du spectacle.
Irruption du tube, à l’orée du spectacle
La position liminaire des tubes dans Idiot ! et Exit évacue la question de leur insertion dans la trame du spectacle. Leur irruption, dans l’un et l’autre cas, ne rime pas avec interruption : ils constituent au contraire un point d’entrée, et même avant cela, un moyen d’accueillir le public. S’il y a bien irruption, c’est en revanche par l’effet de surprise que ces musiques produisent par rapport au projet annoncé : l’adaptation d’un monument de la littérature européenne d’une part, et la création d’une pièce contemporaine d’autre part – mais la création d’une pièce italienne, dans le cas d’Exit.
Le morceau d’Umberto Tozzi permet en effet de rappeler d’entrée de jeu la nationalité de l’auteur que monte Anne-Sophie Pauchet, et de confirmer une information projetée sur un rideau blanc qui reprend la didascalie initiale du texte et retient l’attention dès l’arrivée en salle par son caractère ludique : « Bien que cela ne soit pas d’une importance fondamentale, la pièce se déroule en Italie en 2008. »[8] Cette donnée, quoiqu’apparemment anecdotique, est immédiatement réinvestie par la diffusion de « Ti amo » après l’arrivée d’un homme et une femme, Arnaud Troalic et Laure Mathis, qui installent quelques accessoires dans la scénographie épurée avant de se poster tout au bord du plateau, face aux spectateur·rices. Les premières notes retentissent et signalent alors de manière franche le début du spectacle. Tandis que la voix d’Umberto Tozzi chante les différents couplets du morceau et son refrain, il ne se passe cependant rien d’autre que cela : les lumières baissent dans la salle, et l’acteur et l’actrice se maintiennent debout au bord du plateau et nous regardent, nous accueillent un à un, dans le désordre. L’absence de toute autre action oblige à prendre acte de ce seuil, à écouter de manière attentive la chanson qui ne paraissait au départ qu’un clin d’œil et à regarder aussi attentivement qu’elles nous regardent les deux personnes qui se tiennent face à nous. Les quatre minutes et six secondes de musique que dure ce face-à-face retardent le début du spectacle semble-t-il, le surgissement des premières répliques du texte dont on est venu voir la création française.
Cette entrée en matière paraît bien constituer un seuil, au sens auquel l’entend Walter Benjamin, qui oppose cette notion à celle de frontière. Dans Paris, capitale du XIXe siècle, le philosophe, historien de l’art et critique écrit en effet :
Il faut distinguer soigneusement le seuil de la frontière. Le seuil (Schwelle) est une zone. Les idées de variation, de passage d’un état à un autre, de flux sont contenues dans le terme schwellen (gonfler, enfler, se dilater) et l’étymologie ne doit pas les négliger[9].
Dans sa perspective, le seuil n’est pas qu’une simple limite ; il est « un espace transitoire, un entre-deux dynamique fait de métamorphoses et de tensions : tout sauf l’imposition d’un trait »[10]. Une zone de transition active qui contient la promesse d’une expérience de mutation, que Benjamin éprouve de multiples manières dans la ville en tant qu’enfant[11], mais dont il déplore qu’elle soit devenue si rare dans nos vies adultes[12]. L’irruption de « Ti amo » au début d’Exit et les conditions de l’écoute très attentive de ce tube que crée Anne-Sophie Pauchet, en plus de mobiliser d’emblée les spectateur·rices en convoquant une mémoire intime, chargée d’émotions, semble elle aussi contenir une promesse, avant même ou au-delà de l’irruption attendue du langage.
En attendant de voir de quoi est faite cette promesse, il faut envisager une autre forme de seuil dans le spectacle de Vincent Macaigne, radicalement différente. L’effet d’irruption est cette fois décuplé par le fait que la variété italienne n’est pas du tout programmée par l’adaptation d’un roman russe à la scène. En outre, « Sarà perché ti amo » retentit avant même l’entrée du public en salle, dans le hall du théâtre, et même dans la rue comme c’était le cas au Théâtre de la ville, diffusé à un volume puissant qui assourdit les spectateur·rices comme le personnel d’accueil du théâtre. Sur les paroles de la chanson reprise en boucle, se superposent les exhortations d’un comédien au mégaphone, Rodolphe Poulain, qui invite le public à former une farandole. L’invitation n’est pas purement formelle, et à force d’insister, l’acteur parvient à entraîner une partie du public dans d’autres espaces que celui consacré à la représentation, tels le restaurant du théâtre ou les couloirs qui mènent aux coulisses et aux bureaux de l’administration. Après un temps, Rodolphe Poulain entraîne ses suiveur·ses dans la salle, alors ouverte à l’ensemble des spectateur·rices. À l’intérieur, la musique diffusée est encore plus forte, et l’ambiance de boîte de nuit est nourrie par les lumières tamisées, les envois réguliers de fumée artificielle et les encouragements du même acteur à monter sur la scène pour se servir une bière, danser, chanter, se déshabiller, s’embrasser, ou à défaut, à rester debout à sa place et à crier. Au tube de Ricchi e Poveri succèdent alors un autre tube, « Porque te vas » de Jeanette, puis l’hymne national de l’URSS, aux notes galvanisantes, mixé avec des musiques technos sans paroles.
Jeanette, « Porque te vas »
Album Porque te vas, 1976
Cette mise en condition, devenue l’une des marques de fabrique de Vincent Macaigne qui la reprend en 2011 pour Au moins j’aurais laissé un beau cadavre, en 2016 pour En manque, ou encore en 2017 pour Je suis un pays, à quelques variantes près, déstabilise profondément le public venu assister à un spectacle inspiré de L’Idiot de Dostoïevski. Ses attentes ont largement le temps d’être bouleversées pendant la vingtaine de minutes qui s’écoule jusqu’à l’interruption brutale de la musique et le cri retentissant d’un autre personnage, qui, après s’être tiré un coup de pistolet dans la tempe qui ne l’a pas tué, hurle : « Eh meeeerde ! » – cri suivi par l’ouverture du rideau, et le retour progressif à des modalités spectaculaires plus conventionnelles, et notamment à des tirades et répliques désormais pleinement audibles. Avec ce seuil qu’il étire au maximum, le metteur en scène brouille la distinction entre culture savante et culture populaire et paraît ainsi vouloir congédier tout esprit de sérieux, toute forme d’érudition que pourrait mobiliser le projet d’adaptation annoncé. Il donne l’impression de prendre le contre-pied de Dostoïevski – ou de l’idée que l’on peut se faire de ce monument de la littérature mondiale –, voire de fouler aux pieds l’œuvre du maître auquel on croyait qu’il rendrait hommage, et plus largement, de secouer le théâtre public et de dénoncer ses prétentions. Cette entrée en matière, qui a beaucoup marqué la réception critique du spectacle, aussi provocante et subversive puisse-t-elle paraître, n’est pas pour autant gratuite. Le pas de côté auquel oblige Vincent Macaigne a en réalité deux fonctions : d’une part, constituer le public en une communauté soudée ; de l’autre, faire entrer dans l’œuvre de Dostoïevski par un biais totalement inattendu.
Grâce au tube, forger une communauté
Ainsi constitué en seuil du spectacle à venir, le tube n’a pas une fonction de mise à distance comme celle que Brecht attribue aux songs dans ses dramaturgies. Il produit au contraire un effet de captatio benevolentiae, voire d’immersion, effet redoublé par le fait que les acteurs et actrices des deux spectacles s’attachent à abolir le quatrième mur et à réduire la distance qui sépare le public de la scène – soit grâce à une adresse silencieuse, soit par des invitations répétées à se joindre à la fête créée en salle.
Dans cette prise de contact établie avec les spectateur·rices, les artistes misent sur le pouvoir de reconnaissance immédiat caractéristique du tube, ainsi que sur sa puissance de remémoration. Vincent Macaigne s’en montre conscient, lorsqu’il commente le corpus de morceaux qu’il mobilise dans ses spectacles – des chansons d’Umberto Tozzi et de Jeanette, mais aussi d’Arcade Fire, de Bob Dylan, de Nirvana, d’Elvis Presley, de John Lennon ou encore de Léo Ferré. La diversité de leur genre mise à part, les chansons de ces artistes ont selon lui pour point commun d’être reconnues dès les premières notes par le public et de placer dans un univers de références communes. Macaigne, qui dit par ailleurs avoir une « passion pour la musique italienne »[13], indique : « J’essaie de choisir les morceaux en fonction de leur impact sur la mémoire collective, pour raconter une certaine époque. »[14] En plus d’établir une connivence avec son public, Macaigne attribue à la musique la fonction de « ramener les acteurs et les spectateurs au concret de leur présent commun »[15]. En diffusant des tubes de chanson populaire, il mise sur le pouvoir euphorisant de ces morceaux, capables de faire circuler une même énergie entre la scène et la salle. Plus encore, en reproduisant en salle les conditions d’une fête, il décuple l’effet d’unisson qu’est capable de produire le tube. Agnès Gayraud le souligne lorsqu’elle écrit : « Selon des intensités, des valeurs et un sens qui ne cessent de varier, la fête est le cœur battant de l’expérience de la musique populaire. »[16] L’ambition de transformer l’événement théâtral en une authentique fête qui abolit les frontières et ramène à la coprésence des acteur·rices et des spectateur·rices n’est pas qu’une déclaration d’intention : à force d’insister, Rodolphe Poulain réussit à convaincre une partie du public à former une farandole, puis, une fois en salle, à mettre en place une véritable ambiance de soirée. Des dizaines de spectateur·rices se retrouvent à boire, danser, discuter sur scène, ou chanter les paroles des morceaux diffusés sur la scène, donnant l’impression de ne plus être dans une logique de spectacle, mais bien de fête.
La démarche de Macaigne a cependant ceci de paradoxal que les morceaux qu’il convoque, aussi entraînants soient-ils, sont diffusés à un volume sonore si puissant qu’ils peuvent provoquer, à l’inverse, une violente réaction de rejet. Des boules Quiès sont distribuées au public dès son arrivée au théâtre, accessoire qui a véritablement pour fonction de le protéger de l’agression auditive que peut constituer la musique[17]. Si la majorité du public accepte que soit quelque peu différée l’entrée en salle par la mise en condition de Rodolphe Poulain dans le hall, la longue fête qui attend encore les spectateur·rices à l’intérieur oblige en revanche à prendre position : rester et participer à l’expérience collective proposée ; rester et attendre que cela « passe » en espérant le « début » de la représentation ; partir – ce que font quelques-un·es. Les tubes mobilisés ont beau avoir pour qualité d’être intergénérationnels, les conditions extrêmes de leur diffusion produisent une scission générationnelle au sein du public. Les spectateur·rices qui répondent aux sollicitations de l’acteur hurlées au mégaphone sont pour la plupart jeunes, et celles et ceux qui se montrent réticent·es et expriment leur agacement ou leur impatience sont généralement plus âgé·es. Les personnes qui partent – en exprimant de manière ostentatoire leur désaccord dans le brouhaha d’ensemble – ont néanmoins pour effet de souder encore plus fermement les spectateur·rices qui prennent le parti de rester, et notamment celles et ceux qui se situent au plateau, qui les huent, suivant l’exemple donné par Rodolphe Poulain.
La stratégie adoptée par Anne-Sophie Pauchet pour constituer le public en communauté est nettement moins spectaculaire, et nettement moins clivante. Une fois l’acteur et l’actrice posté·es au bord du plateau, les premières notes du morceau d’Umberto Tozzi produisent un effet de reconnaissance immédiat que manifestent quelques rires, sans doute provoqués par le caractère kitsch des premiers accords[18]. Laure Mathis et Arnaud Troalic sourient à leur tour, comme en réponse à cette réaction, puis prennent le temps de détailler et rencontrer chaque membre du public grâce à un regard appuyé, qui finit de donner le sourire à l’ensemble des personnes présentes. D’une tout autre manière que Rodolphe Poulain avec les appels qu’il lance au public dans son mégaphone, ils s’instituent de cette façon passeurs de la chanson, sans même l’interpréter, ni en live, ni en playback. Dans l’un et l’autre cas, le public se prête en revanche au playback silencieux ou à la glossolalie sonore, selon les conditions de diffusion du tube. Il redouble le morceau diffusé en se remémorant ses paroles avec plus ou moins de précision. Agnès Gayraud écrit à ce sujet :
L’éloquence d’une chanson pop n’est pas liée au fait d’en comprendre tout à fait les paroles, du moins toutes les paroles, qu’elles soient énoncées dans la langue de l’auditeur ou dans une langue qui lui est étrangère. Si l’anglais est mieux connu de par le monde que l’allemand ou le chinois, l’expérience déterritorialisée de la musique populaire enregistrée anglophone relève encore largement de la glossolalie. […] Appauvrissement des significations ? Perte de la dimension poétique de la langue ? La glossolalie ouvre plutôt à un rapport tout différent au langage. En elle, c’est la plasticité de la langue – de ses modes d’articulation, de ses accentuations, de ses structures – qui se trouve approfondie, en deçà précisément de la capacité linguistique à transmettre des informations[19].
L’infra-langage que convoque la diffusion du tube réalise de manière tangible l’idéal de réconciliation hérité du romantisme auquel aspire la musique pop. Il a pour effet de mettre les membres du public au diapason de la chanson, de les unir dans une même émotion et de les constituer en communauté aux références partagées – avant d’autres peut-être moins maîtrisées, qu’il s’agisse de Dostoïevski ou de Fausto Paravidino.
Cette prise de contact établie selon des modalités opposés – la fête, presque agressive, et l’empathie muette mais intense –, qui saisit d’emblée l’attention et cueille le public là où il ne l’attend pas, met en place un rapport de connivence entre la scène et la salle, rapport que les deux spectacles s’efforcent de maintenir au-delà du seuil que constituent les tubes. Dans les didascalies initiales du texte de Fausto Paravidino, se trouve cette indication : « Souvent les personnages ne s’adressent pas à leur interlocuteur. Ils parlent comme s’ils exprimaient leurs pensées à voix haute, la chose la plus probable c’est qu’ils s’adressent au public. »[20] Cette précision prend sens dès la première scène, qui met en place un dialogue entre un homme et une femme, A. et B., avant qu’un saut de ligne l’interrompe et qu’A. déclare : « C’est ma femme. Quand nous nous sommes rencontrés ce n’était pas comme ça. »[21] Cette déclaration, adressée au public, introduit un flash-back qui démontre que ce n’était en effet pas « comme ça » entre eux, par le passé, grâce à un nouvel enchaînement de répliques rejouant sensiblement la même scène. Les commentaires de ce type, grâce auxquels la temporalité est manipulée, se multiplient tout au long de la pièce. Avec un canapé pour seul cadre ou presque, les personnages se parlent et nous parlent, et cette double adresse place les spectateur·rices dans la position de thérapeute de couple, auquel l’homme et la femme se confient pour partir en quête du moment où leur relation a commencé à se dégrader. Si le public se montre aussitôt attentif à ces adresses, s’il se sent investi d’un tel rôle de tiers ou de témoin, c’est sans doute en partie grâce à la chanson d’Umberto Tozzi, au cours de laquelle l’acteur et l’actrice ont pris le temps de prendre pleinement acte de sa présence, pendant toute la durée du morceau.
De façon comparable, dans le spectacle de Vincent Macaigne, le coup de pistolet et le cri retentissants d’Hippolyte ne rétablissent pas de manière nette un rapport frontal et distancé entre les acteur·rices et le public. Une fois que le rideau qui masque la scène s’ouvre, les spectateur·rices qui ont dansé au plateau ne sont pas invité·es à regagner leur place – même si une majorité le fait. Le personnage de Gania les encourage au contraire à rester, tout en interpelant les personnes qui sont assises à leur place, dans une adresse qui tente de surmonter la séparation scène-salle. La porosité que cherche à entretenir Macaigne au-delà de son entrée en matière est matériellement signalée par les marches qui unissent le plateau au gradin, qui deviennent un lieu de passage, un seuil par lequel arrivera l’idiot, au moment où un autre personnage, Lebedev, encourage les spectateur·rices à revenir sur scène à l’occasion de la fête d’anniversaire de Nastassia Philippovna. L’invitation, à nouveau, n’est pas que formelle : l’acteur, Emmanuel Matte cette fois, parvient à faire revenir une partie du public sur le plateau au moment où les acteur·rices sont donné·es à voir en train de danser au rythme d’une musique techno dans la mousse qui a envahi la scène, en brandissant l’argument suivant : « à quand remonte votre dernière soirée mousse ? » Après cette nouvelle séquence de fête, les participant·es du public reviennent sur le plateau en peignoir, après un passage en coulisses, pour écouter le récit du prince Mychkine avec la petite Marie, et l’acteur, Pascal Rénéric, les prend pleinement en considération en les obligeant à s’asseoir à côté de lui. La frontière entre scène et salle est si poreuse qu’il a même pu arriver en 2009 qu’un spectateur vienne embrasser Nastassia au moment où elle demandait qui pourrait bien la prendre[22], ou qu’un autre, en plus de l’embrasser, se mette à déclamer une tirade totalement imprégnée par la langue et le mode de profération macaigniens[23].
Le tube, point d’entrée dans la dramaturgie du spectacle
Outre le fait que la relation de proximité établie avec le public, forgée en communauté grâce au tube, soit ensuite reconduite d’autres manières, la diffusion des deux morceaux de variété italienne à l’orée d’Idiot ! et Exit constitue encore un point d’entrée dans leur dramaturgie, aussi bien par leurs paroles que par les conditions de leur mise en écoute. « Sarà perché ti amo » et « Ti amo » sont en effet deux airs avec paroles que l’on connaît, que l’on redécouvre, ou que l’on déchiffre par transparence avec le français. Que disent ces airs, de manière plus ou moins directe, plus ou moins explicite ? Comment ces paroles annoncent-elles ce qui va arriver dans l’adaptation du roman de Dostoïevski et dans la pièce de Paravidino ? Comment le tube fait-il insensiblement advenir le sens, en mettant sur la voie des enjeux qui caractérisent les relations qui vont être ensuite exposées ?
Tandis que les paroles d’Umberto Tozzi nous parviennent au rythme lancinant de la chanson – « Ti amo » en premier lieu, « Je t’aime » –, de puissantes vagues d’émotion passent, de la scène à la salle, ainsi qu’entre l’acteur et l’actrice. Une fois déposés des sourires sur les visages de toute la communauté formée grâce à un contact visuel individuel, ceux de l’acteur et l’actrice disparaissent et font retentir cette déclaration paradoxale que le titre de la chanson fait oublier : « Ti odio e ti amo », « Je te hais et je t’aime ». Laure Mathis et Arnaud Troalic deviennent personnages en paraissant soudain abattus, avant de se ressaisir et de réesquisser un sourire coloré de tristesse (« su coraggio », « allez courage »). Un peu plus tard, le second donne l’impression de se tourner vers la première, avec le souhait d’engager un dialogue, ou au moins d’échanger un regard, mais son appel reste sans réponse – et l’on entend alors : « Io ti amo e chiedo perdono », « Je t’aime et je te demande pardon », puis « Richordi chi sono », « Rappelle-toi qui je suis ». D’autres fois, les poings se serrent un instant – « Che hai fatto quando non c’ero […] Vesti la rabbia di pace », « Qu’as-tu fait quand je n’étais pas là […] Habille la colère avec la paix ». Grâce à la musique, aux paroles, aux regards, à tous les signes discrets qui passent sur les visages et corps de l’acteur et l’actrice, qui décuplent leur présence muette au plateau et expriment des émotions contradictoires, le public devine déjà l’amour, la fin de l’amour, la tristesse, la rancœur. L’effet n’est que partiellement programmé par le texte de Paravidino, qui, non pas dans la didascalie initiale, mais plus tard, au cours de la première partie, au moment où les personnages « s’embrassent passionnément », suggère la diffusion d’« Hello Young Lovers » de Frank Sinatra ou « Love is a Losing Game » d’Amy Winehouse[24]. Deux chansons d’époques et de registres différents, mais qui expriment toutes deux la fin de l’amour sur un mode nostalgique. Plus tard encore, au moment où les deux personnages rejouent la scène de leur rencontre, marquée par une danse ensemble, Paravidino indique simplement « Musique »[25]. Anne-Sophie Pauchet prend sans doute appui sur ces indications pour commencer son spectacle en musique, mais fait le choix d’un autre tube, qui retentit sans doute différemment auprès d’un public français et d’un public italien, mais qui paraît dans tous les cas annoncer l’autopsie d’un couple, comparable à celle qu’a pu offrir Bergman dans ses Scènes de la vie conjugale (1973), titre qui pourrait servir de sous-titre à la pièce de Paravidino.
Dans Exit, l’auteur italien met en place un carrousel temporel grâce auquel il déplie l’histoire d’A. et B., en évoquant dans le désordre différentes pistes capables d’expliquer leur séparation : « l’épisode des chaussettes », crise majeure dont l’explicitation est retardée, la politique, les choses futiles du quotidien, le sexe, ou les enfants qu’ils n’ont pas eus (hypothèse qui reconvoque la chanson de Tozzi, et plus particulièrement la phrase « Dammi il sonno di un bambino », dans laquelle on peut entendre « Donne-moi un enfant », plutôt que « Donne-moi le sommeil d’un enfant »). L’introduction du spectacle met peut-être également sur la voie de la structure musicale de la pièce, de plus en plus sophistiquée. L’alternance entre répliques et commentaires précédemment décrite prend, dans les parties 2 et 3 au cours desquelles apparaissent deux autres personnages, la forme d’un montage parallèle entre des scènes jouées deux à deux. Ce montage est souligné par des ruptures nettes, ou au contraire par des tuilages parfaits, dans lesquels les propos avancés sont aussitôt démontrés ou démentis par le rejeu d’une scène du passé.
Le tube choisi, qui porte l’empreinte des années 1970 qui l’ont vu naître par ses consonances datées, prépare aussi peut-être à certaines répliques réactionnaires d’A., l’homme, qui dit par exemple au sujet du corps de sa femme, au moment où ils la croient enceinte : « Bien sûr que c’est le tien, mais c’est aussi un peu… le nôtre, non ? »[26] – déclaration dont B. souligne aussitôt le caractère « macho ». Plus tard, A. se montre soucieux de « récupérer sa virilité » au moment de rencontrer une nouvelle femme[27], et il dit à son ex, qui lui apprend qu’elle a rencontré quelqu’un, qu’il était inquiet à ce sujet car « Pour vous, en tant que femmes, c’est probablement plus difficile »[28]. On peut faire l’hypothèse que le tube de Tozzi, qui dans un premier temps saisit par les sentiments, est également un moyen de désigner le discours assez cliché que la pièce tient sur le couple, discours mis en évidence autant qu’à distance par le manuel que s’achète B. pour se remettre de la rupture, dont elle trouve les conseils profondément ridicules, mais qui ne se départit pas tout à fait de l’idée qu’il assène « qu’une femme doit être désirée »[29], et qui s’oblige par conséquent à séduire l’ami qu’elle a rencontré pour se prouver qu’elle est encore désirable. En plus de placer dans un état d’attention suraiguë à l’autopsie d’un couple, de manière plus ludique que pathétique suivant le ton de la pièce, la diffusion intégrale de « Ti amo » prépare à la composition musicale de la pièce, et peut être après coup perçue comme un commentaire critique sur elle, que tiendrait la metteuse en scène avant même son début.
Ricchi e Poveri , « Sarà perché ti amo »
Album E penso a te, 1981
Chez Vincent Macaigne, l’effet d’introduction du tube est moins évident, non seulement à cause de sa diffusion à haut volume avant même l’entrée du public en salle, qui en altère l’écoute, mais aussi parce que le morceau de Ricchi e Poveri est troué dans son unité par son mixage avec de la techno et l’hymne de l’URSS une fois en salle. Cette saturation des références qui place dans un état d’exacerbation émotionnelle ne permet pas de prêter une attention particulière aux paroles de la chanson qui sert de fil rouge à l’entrée en matière du spectacle. Celles-ci reviennent cependant en mémoire lorsque les spectateur·ries sont immergé·es dans la relation complexe de Totski et Nastassia, une fois le rideau ouvert.
Au cours d’une danse lascive derrière une vitre, Nastassia écrit au rouge à lèvres « PAPA », avec un cœur fléché, puis : « Si tu m’abandonnes, je ferai de ta vie un ENFER et tu seras obligé de te mettre à 4 pattes devant moi. Tu me dois l’amour. » En réponse, Totski prononce une tirade dans laquelle il évoque leur relation passée : celle d’un tuteur qui a abusé de sa pupille, qu’il estime encore « à [son] service », et qui souhaite désormais la marier pour épouser lui-même « une femme convenable »[30]. L’amour profondément paradoxal qu’exprime Nastassia et le ton mélancolique de Totski, qui désamorce le caractère insupportable de son attitude passée autant que celui de la situation présente qu’il paraît profondément regretter, ramènent en mémoire les paroles de la chanson, applicables à l’un comme l’autre : « Che confusione / Sara perché ti amo », « Quelle confusion (ou : Quel bordel) / C’est peut-être parce que je t’aime ». De même, le premier couplet interprété par Angela Brambatti, « Stringimi forte e stammi più vicino / Se ci sto bene / Sarà perché ti amo », « Serre-moi fort et reste plus près de moi / Si ça me va / C’est peut-être parce que je t’aime » redouble la prière initiale de Nastassia. Cette réminiscence à l’écoute de la tirade de Totski redonne plus largement sens à la longue mise en condition du public, et plus particulièrement aux sollicitations lancées par Rodolphe Poulain dans le hall du théâtre : entre deux encouragements à former une farandole, à crier ou à danser, l’acteur évoquait « l’anniversaire de sa fille chérie ». Le caractère agressif et un peu désespéré de ses tentatives pour créer une ambiance de fête et les reproches qu’il adressait au personnel du théâtre de ne pas avoir apporté de costumes pour l’occasion concouraient en réalité à façonner son rôle et à mettre en place la situation qui structure toute la première partie de l’adaptation de Macaigne, à savoir la fête d’anniversaire de Nastassia Filippovna.
Au-delà du couple par lequel Macaigne choisit d’aborder le roman de Dostoïevski qu’il adapte, les paroles de « Sarà perché ti amo » reviennent à plusieurs reprises en tête, alors que le metteur en scène démontre de multiples manières l’effet paradoxal que l’idiot produit sur ceux qui l’entourent. Alors qu’il prône un amour compassionnel, fait l’éloge de la beauté et de l’entraide, il suscite un violent désir de le faire taire, voire déchaîne une véritable haine chez ceux qu’ils côtoient. Rogojine le dit explicitement : « C’est bizarre à quel point tu es beau et à quel point on a envie de te souiller. Il y a quelque chose au fond de toi qu’on aimerait écraser. Pour voir ce que ça fait. Juste comme ça, juste pour savoir. » Hippolyte est plus radical encore, et lui déclare : « Je te hais. Toute ta compassion et tous tes bons sentiments ça me dégoûte. » La figure de l’idiot que Macaigne emprunte à Dostoïevski lui permet de dresser le portrait d’une société cynique, incapable d’aimer. Pour la reprise de son spectacle en 2014, il fait suivre l’insulte « Idiot ! » du sous-titre « parce que nous aurions dû nous aimer ». L’emploi du conditionnel passé annonce d’emblée un échec – non pas tant à aimer, qu’à donner et recevoir l’amour. Dans son adaptation du roman de Dostoïevski, tous les personnages se trouvent en effet frappés d’une espèce d’idiotie au moment d’exprimer leurs sentiments, idiotie qui explique le caractère profondément destructeur de leurs paroles et de leurs actions. La contradiction est tout particulièrement exprimée par une tirade d’Hippolyte, qui, après avoir souillé le prince et conspué la société, déclare son amour aux autres personnages sur un mode lyrique, en admettant son caractère paradoxal par l’anaphore de la formule concessive « même si » :
REGARDEZ-MOI, PARCE QUE MÊME SI JE VOUS CRIE DESSUS, MÊME SI J’AI SOUVENT HURLÉ ET PIRE RÂLÉ À TOUT BOUT DE CHAMP, MÊME SI PARFOIS J’AI ÉTÉ ÉGOÏSTE, ÉGOÏSTE À EN MOURIR, ET MÊME SI JAMAIS JE N’AI SU VOUS AIMER NI DIRE QUOI QUE SOIT DE BON OU DE RÉCONFORTANT QUAND IL AURAIT FALLU ÊTRE BON ET RÉCONFORTANT, […] MÊME SI JE N’AI PAS ÉTÉ L’AMI QU’IL AURAIT FALLU ÊTRE, ET QUE SOUVENT J’AI PRÉFÉRÉ ME PLAINDRE PLUTÔT QUE DE VOUS ÉCOUTER, MÊME SI SOUVENT MA HAINE A ÉTÉ PLUS FORTE ET PLUS PUISSANTE ET PLUS CRÉATRICE QUE TOUT MON AMOUR […] JE VOUS AI AIMÉS, MON DIEU COMME JE VOUS AI AIMÉS, VOUS TOUS LÀ DEVANT MOI […].
Cet amour déclaré in extremis par celui-là même qui paraissait vouer une haine sans nuance à tous les autres personnages, et tout particulièrement à l’idiot, convoque à nouveau le souvenir des paroles de Ricchi e Poveri : « Se il monde è matto / Che cosa c’è di strano / Matto per matto / Almeno noi ci amiamo » ; « Si le monde est fou / Qu’est-ce qu’il y a d’étrange / Fou pour fou / Au moins nous on s’aime ». Ou encore : « E se l’amore non c’é / Ma dimmi dove siamo / Che confusione / Sarà perche ti amo » ; « Et si l’amour n’est pas là / Mais dis-moi où sommes-nous ? / Quel bordel / C’est peut-être parce que je t’aime ». Redoublée par le souvenir de la chanson de Ricchi e Poveri, cette tirade retentit puissamment et semble vouloir substituer à l’amour compassionnel pur de l’idiot, inatteignable et contre-productif, un amour imparfait, qui peut justifier les comportements les plus injustifiables, qui peut se révéler dévastateur, mais qui a la vertu de manifester un élan de vie qui a toujours plus de valeur que le cynisme et la résignation qui gangrènent notre société selon Macaigne.
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Eros Ramazzotti, « Se bastesse una canzone »
Album In ogni senso, 1990
Repris dans Le Sens de la fête d’Éric Toleddano et Olivier Nacache, 2017
Dans Le Sens de la fête d’Éric Toleddano et Olivier Nacache (2017), une scène réunit Vincent Macaigne et Judith Chemla, anciens amants qui se retrouvent à l’occasion du mariage de cette dernière. L’émotion suscitée par leurs retrouvailles muettes – qui évoquent à beaucoup d’égards l’entrée en matière d’Exit – est soutenue par l’interprétation d’une chanson de variété italienne par Gilles Lellouche, chanteur et animateur de l’événement. La scène prend cependant un tout autre tour lorsque la caméra se focalise sur l’interprétation que livre Gilles Lellouche de la chanson « Se bastesse una canzone » d’Eros Ramazzotti. Le chanteur surligne malgré lui le caractère comiquement sentimental de la chanson et refuse d’être interrompu par le marié, Benjamin Lavernhe, exaspéré. Quand il a enfin terminé, le marié lui révèle qu’il sait qu’il a pratiqué une grossière glossolalie, car il parle couramment l’italien. Les quelques minutes de ce film semblent ressaisir une partie des qualités particulières de la variété italienne, convoquée au seuil des spectacles d’Anne-Sophie Pauchet et Vincent Macaigne : la puissance émotionnelle dont elle est chargée, intimement et collectivement, la glossolalie à laquelle elle invite, ainsi que le caractère un peu kitsch de cette musique, qui peut se charger d’une valeur critique.
Notes
[1] Spectacle créé le 4 mars 2009 au Théâtre National de Chaillot et recréé le 11 septembre 2014 au Théâtre Vidy-Lausanne sous le titre Idiot ! Parce que nous aurions dû nous aimer.
[2] Spectacle créé le 2 avril 2019 au Rayon Vert (Saint-Valery-en Caux).
[3] La pop souffre selon Agnès Gayraud d’« hypermnésie » : « Ce n’est pas dans la musique pop que le monde se regarde aujourd’hui : on n’y voit plus que le monde d’hier, ou ce qui en a été détruit » (Dialectique de la pop, Paris, La Découverte/Cité de la musique-Philharmonie de Paris, coll. La rue musicale. Culture sonore, 2018, p. 14-15).
[4] Peter Szendy, Tubes. La philosophie dans le jukebox, Paris, Minuit, coll. Paradoxe, 2008. Voir, dans ce même chantier, Peter Szendy, « ‘‘Dans l’inthymnité des tubes’’ », entretien réalisé par Floriane Toussaint, thaêtre [en ligne], Chantier #9 : Tubes en scène ! L’irruption du tube sur les scènes théâtrales contemporaines (coord. Agnès Curel, Corinne François-Denève et Floriane Toussaint), mis en ligne le 15 janvier 2025.
[5] On peut citer les plus récentes : Au moins j’aurai laissé un beau cadavre (2011), En manque (2016), Je suis un pays et Voilà ce que jamais je ne te dirai (2017), et Avant la terreur (2023).
[6] L’analyse se fonde sur mon souvenir du spectacle dans sa deuxième version, vu en novembre 2014 au Théâtre Nanterre-Amandiers, ainsi que sur la captation élaborée par le Théâtre Vidy-Lausanne, quelques semaines auparavant.
[7] L’analyse se fonde sur mon souvenir du spectacle, vu en mars 2022 à la Comédie de Caen.
[8] Fausto Paravidino, Exit, trad. Pietro Pizzuti, Paris, L’Arche, 2014, p. 6.
[9] Walter Benjamin, Paris, capitale du XIXe siècle, Le Livre des Passages, trad. Jean Lacoste, Paris, Éditions du Cerf, 2006, p. 513.
[10] Nathalie Barberger, chap. « Le sortilège des seuils », Pensées de passage [en ligne], Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2011..
[11] Voir Walter Benjamin, Enfance berlinoise vers 1900, dans Sens unique précédé de Enfance berlinoise et suivi de Paysages urbains, trad. Jean Lacoste, Paris, Maurice Nadeau, coll. Les Lettres nouvelles, 2e éd. revue, 1988.
[12] « Nous sommes devenus très pauvres en expériences de seuil. L’endormissement est peut-être la seule qui nous soit restée (mais avec le réveil aussi). » (Walter Benjamin, Paris, capitale du XIXe siècle, op. cit., p. 512).
[13] Vincent Macaigne, « Je me fais souvent refouler de club », entretien avec Violaine Schütz, Libération, 16 oct. 2015.
[14] Vincent Macaigne, « Note de travail par Vincent Macaigne », texte reproduit dans le dossier de presse établi par le Théâtre Vidy-Lausanne au moment de la recréation du spectacle en 2014, p. 4.
[15] Ibid.
[16] Agnès Gayraud, Dialectique de la pop, op. cit., p. 91.
[17] Le spectacle Je suis un pays (2017) était même déconseillé aux femmes enceintes et aux personnes épileptiques, du fait de ce volume sonore excessif qui produisait de fortes vibrations et de l’usage de lumières stroboscopiques.
[18] Jacopo Tomatis considère « l’arrangement classique “kitsch” » comme l’un des traits caractéristiques de la chanson « à l’italienne », avec le rôle central de la mélodie, la structure en crescendo ou encore le thème de l’amour (voir « C’est quoi la “chanson à l’italienne”, aujourd’hui ? », dans Perle Abbrugiati, Stéphane Chaudier, Stéphane Hirschi, Jean-Marie Jacono, Joël July et Céline Pruvost (dir.), Cartographier la chanson contemporaine. Actes de la première Biennale internationale d’études sur la chanson, Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence, coll. Chants Sons, 2019).
[19] Agnès Gayraud, Dialectique de la pop, op. cit., p. 313.
[20] Fausto Paravidino, Exit, op. cit., p. 6.
[21] Ibid., p. 7.
[22] William Bourgine, interrogé par Clémence Rocher pour son mémoire de recherche : Vincent Macaigne : un théâtre spectaculaire et intime, mémoire réalisé sous la direction de Guillaume Pinçon à l’Université de Picardie-Jules-Verne, 2016.
[23] Stéphen di Tordo a immortalisé le moment dans sa vidéo « Macaignez-moi ! » (2014), disponible sur le site Vimeo.
[24] Fausto Paravidino, Exit, op. cit., p. 15.
[25] Ibid., p. 20.
[26] Ibid., p. 17.
[27] Ibid., p. 28.
[28] Ibid., p. 35.
[29] Ibid., p. 45 (le verbe est souligné par l’auteur).
[30] Les citations du spectacle sont issues d’une version du manuscrit datant de 2009 confiée par Pauline Lorillard, ou sont la retranscription de la captation du spectacle effectuée lors de sa recréation en 2014 au Théâtre Vidy-Lausanne.
L’autrice
Agrégée de lettres modernes et docteure en études théâtrales, Floriane Toussaint est maîtresse de conférences en arts du spectacle à l’Université de Reims Champagne-Ardenne et membre du Centre de Recherche Interdisciplinaire sur les Modèles Esthétiques et Littéraires (CRIMEL). Elle est l’autrice d’un ouvrage consacré aux adaptations des romans de Dostoïevski sur la scène moderne et contemporaine (Classiques Garnier, 2024) et d’articles portant sur les questions d’hybridation entre théâtre et littérature. Ses travaux de recherche en cours portent sur les dramaturgies textuelles et scéniques contemporaines et sur les questions esthétiques et de jeu qu’elles soulèvent. Elle a également fait paraître trois traductions chez Actualités Éditions et travaille à la diffusion des dramaturgies cubaines contemporaines en France. Par ailleurs, elle pratique la dramaturgie auprès de plusieurs metteuses en scène ainsi que la critique, en tant que membre du Syndicat professionnel de la Critique.
Pour citer ce document
Floriane Toussaint, « La variété italienne comme seuil dramaturgique chez Vincent Macaigne et Anne-Sophie Pauchet », thaêtre [en ligne], Chantier #9 : Tubes en scène ! L’irruption du tube sur les scènes théâtrales contemporaines (coord. Agnès Curel, Corinne François-Denève et Floriane Toussaint), mis en ligne le 15 janvier 2025.
URL : https://www.thaetre.com/2025/01/15/la-variete-italienne-comme-seuil-dramaturgique/
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La variété italienne comme seuil dramaturgique chez Vincent Macaigne et Anne-Sophie Pauchet