La « revisitation » des classiques par l’ajout de tubes semble être une pratique courante : face à un texte « classique » et patrimonial, que l’on suppose par essence ennuyeux et peu avenant, le « tube » semble avoir pour fonction de créer des ilots sonores permettant à un public captif, peu amateur de théâtre et de texte, de se réveiller, de vibrer, voire de participer au spectacle, par le truchement d’un autre media. La re-connaissance n’est alors pas celle du texte classique, que des spectateurs et spectatrices plus âgé·es, ou différemment cultivé·es, pourraient avoir « dans l’oreille ». Elle procède selon un autre moyen : est reconnu ce qui entoure le texte, les « tubes », donc, autour desquels le texte vient s’enrouler. Texte et tubes opèrent donc comme une sorte de système de couplets et de refrain : les savants connaissent les couplets (le texte), et peuvent les accompagner de l’oreille, voire de la bouche ; les moins savants connaissent les refrains (les tubes). Le « refrain » peut ne pas être audible pour les premiers et les premières, voire leur apporter une dissonance, sonore et cognitive, qu’iels jugeront désagréable. Pour les seconds, l’adjonction d’un « air connu » permet peut-être de rendre audible le reste, et de supporter la petite musique des couplets. Dans le premier cas, le texte est interrompu par d’inopportuns ajouts, dans l’autre, il est sauvé par des irruptions bienvenues. À moins, évidemment, que ce manichéisme ne vaille pas grand-chose, comme toute vision simplement binaire : le tube peut aussi ajouter quelque chose à la science des savants, voire ne fonctionner au sens plein que pour les « savants » qui pourront déchiffrer la raison de son insertion. À rebours, le tube peut, par une sorte d’effet de halo, étouffer le texte et ne pas permettre sa compréhension, ou sa transmission. Tube-écran ou tube-clé de lecture ?
La comparaison de deux mises en scène modernes et « modernisantes » du Misanthrope de Molière est à cet égard éclairante. En 2013, ainsi, Jean-François Sivadier mettait en scène Nicolas Bouchaud dans le rôle d’Alceste. Bouchaud assurait également la « collaboration artistique » du spectacle. Créé à Rennes en janvier, ce Misanthrope était passé par le théâtre de l’Odéon en juin – c’est sur cette captation que nous fondons notre étude. Sivadier travaillait entre l’ancien et le moderne. Les acteurs étaient habillés de costumes Grand Siècle, poudrés et perruqués. Alceste se distinguait en arborant un kilt et une chevelure aussi naturelle qu’hirsute. La scénographie de Sivadier apportait en revanche une touche décorrélée du temps de la pièce. Le plateau était en effet nu, le sol recouvert de pétales noirs ; des chaises d’école délimitaient des espaces, et la « théâtralité » (de cette pièce dite classique ? de la comédie humaine qu’elle dénonce ?) était mise en évidence par l’ajout d’un rideau, l’apparition très théâtralisée de certains personnages, surgissant derrière ce même rideau, ou jaillissant des coulisses, comme une sorte de matérialisation du coup de théâtre, et la présence, à vue, d’une loge.
L’année précédente, Ivo van Hove avait également proposé une version éminemment personnelle du Misanthrope ; c’était la première fois qu’il se frottait à un « classique » français. Présenté en France, à l’Odéon également, son Menschenfeind était joué en allemand, Lars Eidinger endossant le rôle-titre – Bouchaud et Eidinger fournissant donc deux exemples de stars du théâtre jouant le personnage d’Alceste. La pièce avait été précédemment créée à la Schaubühne en septembre 2010, pour l’ouverture de saison. Der Menschenfeind proposait, dans une scénographie léchée, une version extrêmement « trash » de la pièce de Molière.
Le décor semblait en être un appartement moderne, minéral, au mobilier minimaliste, dans les teintes gris-bleu ; les personnages maniaient une technologie high-tech. Un énorme écran trônait sur le mur du fond, qui relayait les images venues d’autres espaces, ou des images ou textes vus par les personnages (portrait de Célimène, sonnet d’Oronte), comme dans un système de vidéo-projection. Le milieu de la pièce voyait ce Misanthrope se transformer en Grande Bouffe (Marco Ferreri, 1973) ou en Salò (Pier Paolo Pasolini, 1975), Alceste manifestant son mépris de la société en faisant voler en éclats les conventions du salon mondain. Devant Célimène et ses petits marquis, le misanthrope montait sur la table, se roulait dans la nourriture, insérait divers aliments dans son fondement, avant de mimer une éjaculation. Il s’était auparavant, de fait, frotté les fesses sur l’écran qui reproduisait le texte du sonnet d’Oronte, décidément bon à littéralement « mettre au cabinet » (acte I, scène 2, vers 376). Dans la version van Hove, la théâtralité était également mise en exergue, le beau salon minéral s’ouvrant, par le mur du fond, sur des entrailles qui figuraient des loges, où les personnages pouvaient se préparer à endosser leur « je » social. Dans ce (bas-)fond, coulisses ou inconscient, se déroulaient également des entrevues parfois relayées par l’écran qui occupait une grande partie du mur du fond.
Tubes-totem
Le Misanthrope de Molière est en soi une pièce avec musique – celle de l’alexandrin. Dans la mise en scène de Sivadier, la diction du vers est souvent brisée. La musique de l’alexandrin est évidemment absente dans Le Misanthrope d’Ivo van Hove, la pièce étant jouée, en France, dans sa traduction allemande. Der Menschenfeind, toutefois, dans la mesure où toute la salle n’est pas censée comprendre l’allemand, intègre une part de musique : les spectateurs et spectatrices sont amené·es à entendre un Molière joué sur une autre partition, qui intègre pour la plupart d’entre elles et eux une dimension non textuelle, et proprement sonore. À l’Odéon, les acteurs et actrices inséraient d’ailleurs parfois des phrases en français, pour raccrocher l’attention, mais aussi en anglais – en particulier lors de cet incident du spectacle vivant qui voit, le jour de la captation, un spectateur sortir, pris d’un malaise incompressible (avant, pourtant, la scène d’orgie). Les deux versions font également le choix d’une bande sonore assez présente, assurée par divers morceaux chez Sivadier (nous y reviendrons) et travaillée chez van Hove par l’ajout d’une musique originale de Daniel Freitag.
Van Hove et Sivadier font en tout cas une utilisation particulière du ou des tubes, qu’ils ne choisissent d’ailleurs pas dans un même répertoire. Alceste, on le sait, est un misanthrope, qui doit finir au désert, tant lui est insupportable la compagnie de ses pairs et leur hypocrisie. Au sens propre, il « détonne ». Il n’est pas comme eux, mais ne joue pas non plus la même musique – d’où parfois cette tendance à vociférer les répliques confiées à Alceste, en particulier dans la version Sivadier, tandis que celles de Philinte seront dites plus en douceur – les deux acteurs n’ont pas la même humeur, et ne jouent pas avec la même projection de voix, créant une partition à deux tons. Ce double régime musical est manifeste chez Sivadier. Déjà distinct des autres par sa vêture, ou par sa parlure, Alceste est, dans la mise en scène de Sivadier, identifié par une chanson-totem qui décrit son personnage avant même qu’il ouvre la bouche. Le procédé est d’autant plus habile que le seuil de la pièce est déplacé. L’ouvreur, en effet, toutes lumières allumées, enjoint au public, comme il est d’usage, d’éteindre son portable. Cette injonction est toutefois dite en alexandrins, le jeu étant de faire deviner aux spectateurs et aux spectatrices la fin de la phrase, forcément rimée et forcément en douze syllabes. Dès avant le début de la pièce, le public se voit donc remettre dans l’oreille la musique de l’alexandrin, son côté convenu (la syllabe ou le mot qui « tombe »). Le rappel du procédé permet au public d’entrer « en douceur » dans le classique, par la musique, le rappel des récitations scolaires devenant un jeu plus oulipien que mnémotechnique. La connivence s’établit entre l’acteur et le public ; on aperçoit ensuite le jeune homme (Vincent Guédon) sauter sur scène d’un bond agile pour, franchissant un quatrième mur qui n’est pas figuré par un rideau, rejoindre Nicolas Bouchaud, déjà en scène, et devenir Philinte. La pièce commence lorsque Bouchaud devient Alceste ; or il le devient en allant mettre en marche un appareil, forcément anachronique, qui commence à diffuser les premières notes d’une musique, ou plutôt un riff de guitare assez connu. Mais cet Alceste en kilt ne peut se contenter d’écouter doucement sa chanson : il tape avec force sur le bouton de l’appareil pour en monter le son (qui est en fait monté en régie, et ne sort qu’en apparence du poste), et le public peut reconnaître (ou non) le « Should I stay or should I go » des Clash.
The Clash, « Should I stay or should I go » – extrait
Album Combat Rock, 1982
Le tube punk est l’occasion pour Bouchaud-Alceste de se livrer à une danse frénétique ; le personnage lance même des chaises, se prenant sans doute pour une rock star en concert, le tout sous le regard d’un Philinte résigné. La chanson est interrompue au refrain par la première réplique du personnage : « Qu’est-ce donc ? Qu’avez-vous ? »
Cette « entrée », même si Bouchaud ne fait pas à proprement parler d’entrée, donne le ton. D’un point de vue dramatique, l’interrogation de Philinte fait parfaitement sens : l’ouverture in medias res voulue par Molière est explicitée par la scène sans texte, mais sonore, à laquelle le personnage et le public assistent. Mais enfin, oui, pourquoi donc Alceste écouterait-il, aussi fort, les Clash, en balançant des chaises, tel un Mick Jones sous acide ? Qu’est ce qui, proprement, lui prend ? Le heurt de la musique des Clash et de l’alexandrin crée immédiatement une autre dissonance, d’autant que l’alexandrin était venu, avec douceur, « cueillir » le public. « Scène sans texte, mais sonore » : encore conviendrait-il de s’interroger sur cela. La voix du leader des Clash est connue, et souvent reconnaissable – la chanson a été utilisée dans nombre de publicités : le public, spontanément, et sans doute inconsciemment, pense sans doute « punk », faisant d’Alceste un anar du Grand Siècle. Les fans des Clash sauront aussi que la chanson a été écrite à propos d’une rupture – celle de Mick Jones et d’Elle Foley –, mais qu’elle est parfois aussi interprétée comme l’adieu du chanteur à son groupe. De façon sans doute aussi inconsciente toutefois, le nom du groupe, The Clash, amène peut-être également à un raccourci facile : Alceste est décidément l’homme des … « clashs », ce qu’il sera d’ailleurs. Enfin, les paroles de la chanson, pour qui sait les décrypter, fournissent également une clé d’interprétation : Alceste, en effet, se demande s’il doit partir ou rester, et ce, dès le début de la pièce. Chez Molière, il n’en est encore qu’à s’indigner des impostures qu’il voit autour de lui ; chez Sivadier, la tentation du désert est déjà là. En un mot comme en mille, le tube est une sorte de métonymie sonore du « brusque chagrin » (acte I, scène 1, vers 6) qui saisit le personnage, chagrin qui se vit sur le mode de la fureur, si l’on en croit le style de tube choisi, et le volume avec lequel il fait irruption dans la pièce, et dans la salle.
Chez van Hove, Alceste a aussi droit à son tube-totem, diffusé dès le début de la pièce, de façon extrêmement fine. Par tube-totem, donc, on entend un tube qui sert d’emblème, de marque à un personnage, comme un accessoire qui le définit. Dans les mises en scène modernes, « l’homme aux rubans verts » qu’est Alceste ne peut plus être figuré ainsi, car cela ne dira plus rien au public ; un tube (sonore, reconnaissable) vient remplacer cet indice visuel devenu non interprétable. Une musique de fond, plutôt légère, un homme sifflant une mélodie, accompagne l’ouverture de la pièce. Lorsque la lumière se fait, le public découvre ce qu’il imagine être Alceste, isolé sur un banc, penché. La montée de la lumière correspond au decrescendo de la musique initiale, permettant le rituel d’entrée dans la pièce. Divers stimuli attirent l’œil et l’oreille du spectateur et de la spectatrice : l’entrée de Philinte, à l’opposé de l’endroit où Alceste est assis, mais aussi la montée graduelle d’une autre musique, qui n’est pas celle du « générique », et qui est d’abord presque inaudible, ou en tout cas difficile à reconnaître. Il faut sans doute un certain temps pour comprendre que la musique, un peu assourdie, provient du portable d’Alceste, qui regarde et écoute une vidéo. Le « tube », repris sans doute par les enceintes du théâtre, se laisse alors identifier : il s’agit de « Honesty » de Billy Joel.
Billy Joel, « Honesty » – extrait
Album 52nd Street, 1979
Repris dans The Essential Billy Joel, 2001
Les premiers échanges entre Philinte et Alceste se font entendre alors que la musique joue toujours. Alceste interrompt une première fois son écoute, de façon brutale, à la première mention du mot « amis » (« Freunde »). À plusieurs reprises, le personnage reprend son visionnage et son écoute, comme s’il voulait s’isoler dans sa chanson-totem, avant de s’interrompre à nouveau, et de renoncer, au bout d’une minute et demie, à l’écouter.
Il y a, chez van Hove, une interaction très fine entre la musique et les répliques, au point que le texte de la chanson devient presque une autre bande de répliques – une première bande étant l’allemand, qui traduit le français de Molière, une seconde bande étant les paroles, en anglais, du tube de Billy Joel. Les premières paroles de la chanson, en effet, sont difficiles à entendre (« If you search for tenderness / It isn’t hard to find / You can have the love you need to live »). La suite, toutefois, est plus audible, le son montant : « But if you look for truthfulness / You might just as well be blind » : l’entrée de Philinte se fait sur ces paroles, qui vont trouver un écho dans l’échange entre les deux personnages : « It always seems to be so hard to give » semble une traduction moderne de « Moi, votre ami ? Rayez cela de vos papiers » (vers 8). C’est d’ailleurs sur le premier « honesty » qu’Alceste interrompt la chanson, coupant la suite : « Honesty is such a lonely word / Everyone is so untrue / Honesty is hardly ever heard / And mostly what I need from you ». Ce « honesty » résonne pour le public, qui peut ne pas parler anglais, et lit déjà la pièce en surtitrage : c’est un mot transparent, qui, isolé ainsi, s’applique à Alceste comme un slogan. Alceste est l’honnête homme, ou plutôt il est honnête jusqu’à l’absurde. Chez Sivadier, avec les Clash, Alceste travaillait sa sortie du monde et sa différence, folle et radicale. Chez van Hove, le personnage intériorise son doute : pense-t-il à Célimène, ou à Philinte ? Les paroles de « Honesty », en tout cas, accompagnent idéalement l’échange. Alceste, sans encore le dire, indique à Philinte qu’il a besoin d’honnêteté, de lui (« and mostly what I need from you »), ce que Molière exprime ainsi : « Je veux qu’on soit sincère, et qu’en homme d’honneur / On ne lâche aucun mot qui ne parte du cœur » (vers 35-36). De fait, sans doute le texte anglais est-il aussi un surtitrage de la version allemande.
Chez van Hove, de fait, le tube de Billy Joel est la chanson-totem d’Alceste, celle qui le définit, celle qu’il doit écouter pour se rappeler qui il est, celle qui le dépeint, le révèle, comme elle le fait pour le public. C’est un tube-mantra, un tube-doudou, pour son personnage, qui semble y trouver non une extériorisation histrionique, comme chez Sivadier-Bouchaud, mais une sorte de règle, de doctrine, ou de consolation. Le paradoxe est que le personnage d’Alceste, chez Sivadier, une fois passé son éclat punk liminaire, va rester sur la même note, tandis que chez van Hove, le « Honesty » initial, ballade douce et mélancolique, ne va pas réussir à contenir le personnage, dont la fureur viscérale et scatologique va devoir trouver d’autres exutoires, physiques et non musicaux. Sans doute « Honesty » est-il la chanson à laquelle Alceste s’accroche, comme si Billy Joel pouvait éclairer son chemin – mais Molière n’écoutait pas Billy Joel.
Boucles de tubes : irruption et répétition
La chanson de Billy Joel fait d’ailleurs un retour dans la pièce de van Hove. Elle reprend, de façon discrète, lors de l’entrée d’Oronte, soit au début de la scène 2, une dizaine de minutes après le début de la pièce. Là encore, la justification de son irruption, ou de sa répétition, est aisément trouvée : Oronte n’a à la bouche que le terme d’amitié, que, par honnêteté, Alceste repousse, avec une certaine gêne. Il s’agit là d’un rappel très court, d’une sorte d’indice sonore très discret, qui remet dans l’oreille la devise du personnage. « Honesty » sert donc bien la dramaturgie du spectacle. Le tube fait irruption une troisième fois, de façon sans doute plus surprenante.
Le Misanthrope intègre en effet dans son texte original une « chanson » que les metteurs en scène désormais sont libres d’interpréter, ou de moderniser : devant critiquer le sonnet d’Oronte, à l’acte I, scène 2, Alceste ne se contente pas en effet d’affirmer qu’il est outrageusement mauvais, et mérite d’être mis « au cabinet » (vers 376). Il prend l’exemple d’une « vieille chanson » (vers 392), d’un style justement non moderne, certes « grossier » (vers 390), mais plein de vérité. Le texte en est récité (chanté ?) par Alceste : il s’agit d’une chanson d’amour, qui insiste sur le fait que tous les biens offerts par le roi Henri n’auraient que peu de valeur face à la puissance de l’amour que le « je lyrique » voue à « sa mie ». La chanson existe : elle a été composée en 1550 par Antoine de Bourbon ou Ronsard – un siècle donc avant la création de la pièce.
« Si le roi m’avait donné » – extrait
Tassis Christoyannis (baryton) et Jeff Cohen (piano)
Album Fernand de la Tombelle. Mélodies, 2017
La chanson, au temps de Molière, est sans doute un air connu : on suppose que l’acteur pouvait la chanter, ce qui créait un effet de reconnaissance chez ses spectateurs et spectatrices. En ce sens, on serait fondé à se demander s’il s’agit d’un « tube » du temps de Molière et/ou d’Alceste. Toutefois, le personnage la qualifie de « vieille chanson ». Si tube il y a, c’est un tube « vintage », peut-être précisément comme ces chansons des années 1970 utilisées pour caractériser Alceste, dans les années 2010 – 40 ans d’écart remplaçant les 100 ans du temps de Molière. Le texte de la chanson fait en tout cas évidemment écho à Alceste lui-même, désireux de crier son amour vrai à Célimène, sans tournure de style alambiquée. L’absence d’« afféterie » semble pour Alceste résider dans le texte, qui clame un amour sincère. Le style « grossier », populaire, est peut-être un autre indicateur de la radicalité du personnage. Qu’en est-il en 2012 et 2013, où une chanson de 1550 n’est plus « reconnue », et ne provoquerait donc pas le même effet d’identification ou de rejet par rapport à Alceste et aux goûts qu’il affirme ? Sur quel air doit-elle être chantée ? Celui de la chanson originale ? On pourrait se dire que la chanson « Si le roi m’avait donné », dans sa version originale, produit, en 2012-2013 comme en 1667, le même effet de rupture : sa prosodie est différente de celle de l’alexandrin de la conversation des personnages. En outre, la langue de Molière est située dans le temps, de même que, désormais, la musique de l’alexandrin, bien différente de la prosodie de nos conversations. La « musique » de la pièce est de fait datée ; doit-on « updater » la chanson ?
Or van Hove, pour ce moment, choisit de réutiliser le tube de Billy Joel. Dans la pièce de Molière, le moment du sonnet est un moment intrigant : homme qui fait foi d’être sincère, Alceste ne donne tout d’abord pas son jugement, ou en tout cas ne l’exprime pas immédiatement, louvoie. Explosant finalement, Alceste passe par le détour d’une chanson pour dégrader le sonnet d’Oronte. Chez van Hove, ce refus de se prononcer est dit par le texte de Molière, mais le jugement de goût est exprimé de façon paraverbale avant qu’Alceste n’invoque la « vieille chanson », rendant explicite le sous-texte. Alceste manifeste son dégoût pour le sonnet en le souillant, en y frottant ses fesses. Alceste commence à régresser, ou à refuser ce langage qui est également une hypocrisie et une imposture. Van Hove, peut-être parce qu’il n’est pas français, qu’il fait jouer sa pièce en traduction, n’utilise évidemment pas « Si le roi m’avait donné », et encore moins une traduction littérale de la chanson. Il n’utilise pas non plus ce qui aurait pu en être un équivalent germanique – il choisit de reprendre, précisément, une autre « vieille chanson »… « Honesty ». Vieille chanson, sans doute pour le public. Mais c’est aussi le cas dans l’économie de la pièce : c’est une chanson que l’on a déjà écoutée. Cette répétition confère un autre sens, d’ailleurs, à l’écoute attentive et introspective du tube par le personnage, au seuil de la pièce : Alceste écoutait avec mélancolie une « vieille » chanson qui n’a plus de sens que pour lui. L’irruption de « Honesty » à ce moment de la pièce, jure d’ailleurs avec son écoute précédente : auparavant, c’était la version chantée par Billy Joel que le personnage, et la salle, écoutaient. Pour le moment du sonnet, c’est Lars Eidinger qui prend en charge la chanson : il la chante a cappella, commençant en douceur, comme dans l’original, puis se mettant à vociférer le texte avec fureur. L’adaptation en allemand est ici très fine également : plutôt que de traduire des rythmes et des inspirations différentes, le sonnet d’Oronte sonnant faux par rapport à la vieille chanson, « Honesty » est un rappel du mantra d’Alceste, qu’il répète jusqu’à l’éructation, jusqu’à la furie. Dans la pièce de Molière, le texte de la chanson ne valait que parce qu’il était simple et opposé aux afféteries de style du sonnet d’Oronte. Il pouvait, certes, faire penser à un message subliminal d’Alceste à Célimène, en ce sens qu’il s’agit d’une chanson d’amour, et que toute la pièce tourne autour d’une déclaration d’amour du personnage masculin au personnage féminin. La musique de la « vieille chanson » est également « simple ». Dans la mise en scène d’Ivo van Hove, « Honesty » ne donne pas un modèle musical : ce n’est pas la mélodie qui est importante, d’autant qu’elle est malmenée, extirpée du modèle « tubesque » typique des années 1970, mais c’est le texte, rendu dissonant et presque a-musical, qui sert de contre-exemple, ou de contrepoint. En un mot, le tube, entendu une première fois dans sa version originale, musicale à souhait, mais qui donne à entendre un texte dont on devine la portée est, à sa troisième reprise, parlé-chanté, laissant exploser un autre texte que celui de Molière : la chanson de Billy Joel est un mantra qui sert au début à « fixer » un type. Le processus de reprise, et les variations qui l’accompagnent, permettent de renseigner le public sur les changements dans la psychologique du personnage. L’usage du tube est une scansion qui accompagne l’action de la pièce, et en l’occurrence l’avancée de la maladie d’Alceste, atrabilaire dont la « bile » finit par remonter en public. D’abord écouté doucement, pour soi, le tube devient pour Alceste, en public, un moyen d’exprimer de façon sonore son sentiment face au monde : éructé, il devient le symbole d’un point de rupture dans la psyché du personnage.
Chez Sivadier, la « vieille chanson » est exploitée autrement. Ainsi, c’est bien « Si le roi m’avait donné » qu’utilise le metteur en scène. La première fois qu’il la chante, Bouchaud l’interprète de façon posée : on a l’impression d’une mélodie de chanson populaire du temps de Molière, que l’on ne peut précisément dater ou situer. La seconde mention de la chanson se fait toutefois sur le mode de la reprise « punk », ce qui transpire aussi dans le langage paraverbal de Bouchaud : le « au gué » de Molière devient par glissement une sorte de « oh yeaaah », Alceste singeant Johnny et la « rock’n roll attitude », pied posé dans le sol, déhanchement provocateur, ce qui déclenche le rire du public. Vieille chanson, mais interprétation iconoclaste : Alceste est bien ce détonnant, ou ce détonateur, qui pousse à bout Oronte. Le kitsch de son interprétation n’est en rien un message esthétique, comme chez Molière, mais une charge satirique, ou une caricature comique.
Dans les deux cas, de fait, ce n’est pas le texte ou le « style » de la vieille chanson que les metteurs en scène mettent en avant ; ils y ajoutent autre chose. La musique de « la vieille chanson » de Molière est par trop vieille, elle ne dit plus rien, donc le message d’Alceste et de Molière se perd. Il faut le faire entendre autrement, ailleurs, soit par un tube à texte qui exprime une philosophie, soit par une façon de chanter qui pose le personnage. Ainsi, l’esthétique passe au psychologique, la musique et le style ne se font plus entendre là où Molière les avait mis. On touche là à la réactualisation des classiques : la vieille chanson de Molière ne peut passer que par des tubes moins vieux, ou une façon de chanter qui l’actualise. Peut-être d’ailleurs l’irruption des tubes dans les deux spectacles prend-elle sa naissance dans cette « vieille chanson » dont les deux metteurs en scène font un nœud dramaturgique primordial.
Comédie-ballet-rock ?
Nous l’avons dit, les deux mises en scène sont résolument « sonores » et donnent à entendre de nombreuses musiques. Là où, toutefois, van Hove utilise une musique originale de son compositeur Daniel Freitag, le tube de Billy Joel, décliné trois fois et de deux façons différentes, et également un autre tube pour son finale (nous y reviendrons), Sivadier utilise la chanson des Clash pour situer son personnage, avant d’entrecouper son spectacle d’autres « tubes » cette fois empruntés au « classique » ; l’effet de rupture entre le punk et les autres morceaux dits « classiques » (d’ailleurs dans un sens très large) est évident et extrêmement audible.
Chez Sivadier, en effet, la chanson des Clash est reprise de façon très discrète avant l’acte V, lorsque, après une entrevue avec Célimène où il s’est à nouveau « emporté », Alceste, fantomatique, empêtré dans un rideau qui lui fait un linceul, se met à danser, fantoche qui n’a plus rien d’un punk. La répétition, ici, marque une dégradation de l’état du personnage ; comme chez van Hove, la reprise du tube-totem chronique les humeurs du personnage atrabilaire. Un tube d’un autre genre avait précédé cette scène, accompagnant l’arrivée de Du Bois : « L’orage » de Vivaldi (presto de L’Eté, opus 8, n° 2), pour figurer l’apparition d’une tempête dans la vie d’Alceste, sans doute figurée par l’« homme noir d’habit et de mine », porteur d’un « papier » (vers 1449-1450) qu’évoque Du Bois : le tube, ici, illustre et explique la menace qui pèse sur le personnage, toujours quelque peu mystérieuse dans le texte de Molière (le procès d’Alceste).
Antonio Vivaldi, Les Quatre Saisons : presto de L’Eté, opus 8, n° 2 – extrait
Enregistrement de 1989 avec l’Orchestre de chambre de Prague
Avec Libor Hlaváček (chef d’orchestre) et Josef Suk (violin)
Une autre danse avait présidé à la scène 3 de l’acte V : Arsinoé avait invité Alceste à la rejoindre sur une douce musique de clavecin. D’abord obéissant, Alceste s’était mis à danser de façon furieuse, la scène prenant une tournure burlesque, façon cinéma muet. Alceste n’est ni l’homme des menuets ni celui des demi-mesures : Sivadier utilise le hiatus musical pour souligner l’inadaptation de son personnage à la petite musique de son temps. Les « tubes » « classiques » se succèdent : l’arrivée tant attendue de Célimène, ainsi, se fait au son des Indes Galantes de Rameau, et de la « danse du grand calumet de la paix » – qui, à l’époque du spectacle, n’avait pas encore été « hypée » par la mise en scène de Clément Cogitore.
Jean-Philippe Rameau, Les Indes galantes – extrait
Nouvelle entrée (Les Sauvages), Scène 6
Danse du Grand Calumet de la Paix (Danse des Sauvages)
William Christie et Les Arts Florissants, 1991
Cette « danse des sauvages » sert d’interlude entre l’acte I et l’acte II, posant de façon ironique l’entrée dans le salon mondain de Célimène. De même, des percussions, des tambours rythment parfois la pièce, figurant la guerre qu’Alceste livre à cette société, variation punk du style classique. L’apparition d’Éliante, Philinte, Acaste et Clitandre, surgissant théâtralement derrière un rideau, se fait au son du « Te Deum » de Charpentier. Le « Te Deum » a été utilisé comme générique pour la retransmission d’émissions de prestige.
Marc‐Antoine Charpentier, Te Deum, H.146 : Prélude – extrait
William Christie et Les Arts Florissants, 1991
Pour un public profane, ce son connote inconsciemment, plutôt qu’une louange à Dieu, un événement médiatique, musical ou mondain ; or, en un sens, c’est ce qu’est le salon de Célimène, qui accueille des concours de poésie. Son salon est à la fois le couronnement de la Reine et l’Eurovision – deux événements qui ont été ouverts par ce fameux « Te Deum ». La même musique retentit à l’acte V, scène dernière, à l’apparition d’Acaste, Clitandre et Arsinoé, cette fois sans doute pour figurer un « coup de théâtre » extrêmement médiatisé. Sur la musique, en sourdine, les deux marquis continuent de danser, jusqu’à la révélation des lettres qui montrent la duplicité de Célimène. Ce « Te Deum » figure à la fois, sans doute, la Cour et ses pompes, et il est, paradoxalement, une bénédiction, ou une intervention divine pour Alceste, qui voit Célimène confrontée à son manque d’honnêteté.
À ces tubes se superposent d’autres « musiques » : de même qu’Alceste chante façon punk « Si le roi m’avait donné », l’alexandrin est parfois soumis à des modulations musicales. Éliante, ainsi, debout sur une chaise, se met presque à chanter ses répliques, à partir de « L’amour, pour l’ordinaire, est peu fait à ces lois / et l’on voit les amants vanter toujours leur choix » (acte II, scène 4, vers 711).
Les diérèses sont exagérées, opératiques : on semble ici entendre les afféteries musicales qu’Alceste reprochait au sonnet d’Oronte (qui les pratiquait moins dans son texte que dans la musique de celui-ci). Les dernières répliques (« C’est ainsi qu’un amant dont l’ardeur est extrême / aime jusqu’aux défauts des personnes qu’il aime » (vers 729-730) sont dites avec des trémolos qui tirent vers le style andalou, et provoquent le rire. L’irruption d’Alceste « et moi, je soutiens, moi » (vers 731), interrompt cette mélopée baroque pour revenir au tube préféré du personnage, ou à sa scie – son obsession solipsiste. De la même façon, la scène entre Clitandre et Acaste (acte III, scène 1), habillés en dandys, est fondée sur une musique née du texte : l’alexandrin est ici brisé, disloqué, parodique, les « p » étant exagérément projetés. Les petits marquis rappent leur joute, d’autant qu’ils s’y sont préparés, sous les yeux de Célimène, en se livrant à des poses plastiques et des étirements plus ou moins grotesques, cris gutturaux à l’appui. Il s’agit bien en effet de faire du bruit, des « ah », voire du « fracas », comme le dit Molière dans le texte (vers 795). La « battle » se joue sur le fond musical de la Platée de Rameau, les deux marquis se battant avant que Célimène, précédée par une musique au clavecin, ne fasse son entrée.
Dans la scène finale, de même, Arsinoé chante presque, tandis qu’Oronte surjoue son « quoi » et qu’Alceste, désormais désillusionné, dit ses vers de façon plate. À Alceste, le moderne, aux autres, le « classique », au sens très large. Alceste n’est décidément pas à son aise dans ce monde de robes à panier, de perruques et de clavecin. Au temps de Molière, Alceste pouvait apparaître comme l’homme de « la vieille chanson », un homme surgi du passé, incapable de comprendre les valeurs de son temps, conservateur. La mise en scène de Sivadier en fait un homme « moderne », en opposant son style et sa vêture à ceux de ses congénères. Pour le public, il chante toutefois des « vieux » tubes, et son costume ne l’inscrit pas dans un temps ou un lieu précis : son kilt et ses danses font de lui un excentrique.
On notera, d’ailleurs, que Platée date de 1745, le « Te deum » de 1688-1698, Les Indes Galantes de 1735, Les Quatre Saisons de 1725 : aucune des musiques utilisées n’est strictement moliéresque mais chaque morceau ne devient « classique », ou n’est vu comme contemporain du temps de Molière que parce que la distance temporelle écrase les échelles. Vivaldi paraît plus proche de Molière que Billy Joel ou les Clash ne le sont pour le public de 2012 ou de 2013, qui peut ne pas reconnaître les chansons. De fait, le public reconnaît-il davantage Vivaldi ou « Honesty » ?
Finales
Les Clash pour Sivadier, « Honesty » pour van Hove : si en France, tout finit par des chansons, comment finir la fable d’Alceste le misanthrope ?
De la même façon que les tubes étaient des « seuils » d’entrée dans le personnage, des tubes vont être utilisés pour sa sortie. On sait que la pièce de Molière se termine sur le désir du personnage de rejoindre « un endroit écarté » (vers 1805), tandis que Philinte, qui a le mot de la fin, assure Éliante de son désir de « rompre » ce « dessein que son cœur se propose » (vers 1808-1809). Chez van Hove comme chez Sivadier toutefois, le personnage du misanthrope reste en scène. Chez le premier, la rupture entre Célimène et Alceste est figurée par un fluide : Alceste arrose d’eau le portrait de Célimène, diffusé sur l’écran, souillant une image qu’il admirait et faisait admirer au public au début de la pièce, après avoir tenté d’écouter « Honesty » en entier. Chez van Hove, une musique originale, en sourdine, accompagne les adieux de Célimène et d’Alceste, qui culminent sur le « déteste » de ce dernier (vers 1779). La pièce de van Hove se termine sur un éclatant finale, choral et tonitruant. Alceste reste en scène, tandis que résonne le tube « Accross the Universe », version David Bowie (1975).
David Bowie, « Accross the Universe » – extrait
Album Young Americans, 1975
Version remasterisée
« Nothing’s gonna change my world » : « mon monde ne changera pas. » Alceste reste, et son monde ne changera pas : est-ce à dire qu’il a abdiqué le mantra « Honesty » de Billy Joel ? « Pools of sorrow, waves of joy » (« piscines de chagrin, vagues de joie »), dit le texte original, qui aurait été composé par Lennon après une dispute avec sa femme. Le « clash », chez van Hove, intervient bien à la fin. Célimène et Alceste se quittent-ils ? Alceste ne va-t-il pas au désert ? Alceste, en tout cas, reste en scène, et la chanson accompagne les applaudissements. Est-ce à dire que le public se résigne à voir que rien ne change, Le Misanthrope, de toute façon, se rejouant sans cesse ? Ou la joie qui se dégage de la chanson, malgré tout, apporte-t-elle une fin consolatoire qui permet d’unir personnages, acteur·rices et public dans les saluts ? La comédie est terminée, la comédie humaine peut reprendre ?
Chez Sivadier, Alceste reste également en scène, mais débarrasse le plateau, cherchant à dessiner un chemin au milieu de la matière noire qui recouvre l’espace. Il tourne en rond, poussant devant lui son râteau, traçant son sillon de façon obsessionnelle, mais ne sortant pas de son cercle, ni de scène. Ce ne sont plus les Clash qui l’accompagnent, ni une danse punk et incarnée. Il semble ramené non au désert mais à l’asile, jardinier atrabilaire. Au loin des tambours, des soupirs, puis le noir. Mais avant, tandis que tonnerre et éclairs se déchainent, une dernière chanson s’est fait entendre : la tempête sous le crâne d’Alceste se fait au son de l’Atys de Quinault, musique de Lully.
Alceste écoute le chœur des songes funestes, qui lui promettent « une vengeance cruelle » et « un affreux trépas ». Nul ne sait si le « tube » de Lully, vieille chanson, provoque un effet de reconnaissance : sa musique, toutefois, est aisément associable à Molière, aux personnages de son temps, qui triomphent donc du moderne Alceste. On pourrait également penser que Le Misanthrope est une comédie ballet. C’est donc Quinault qui, ici, achève le texte de Molière, et scelle la destinée d’Alceste, soulignant le sens, absolument sombre, de la lecture de Sivadier.
Tubes-totems d’un personnage, tubes doudous, mantras, qui expliquent une psychologie ; tubes en finale, qui disent une fin et un destin (plus ouvert chez van Hove), tubes repris avec variations, ou tubes illustratifs ; tubes qui font classiques et tubes qui font clash : les deux mises en scène proposent des usages du tube complémentaires et éclairants. « Au gué », ou « oh yeah », punk ou clavecin, avec ou sans alexandrins, la dissonance d’Alceste passe par l’usage de musiques (re)connues comme décalées par le public. Le personnage du Misanthrope se prête particulièrement bien à une dramaturgie par les tubes, forcément irruptifs, puisque, mise à part la « vieille chanson », rien ne les appelle. Car enfin, qu’attendre d’autre d’une pièce qui place en avant l’ouïe, ou l’écoute juste ? Alceste, atrabilaire, ne clame-t-il pas son désir de voir cesser le bruit stérile des conversations ? Mais ne prête-t-il pas une oreille par trop attentive aux rumeurs, en particulier sur Célimène ? Enfin, son humeur ne lui bouche-t-elle pas littéralement les oreilles ? Dans la première scène, en effet, Philinte tente de provoquer un dialogue, assaille Alceste de questions, et lui assène : « Mais on entend les gens au moins sans se fâcher » (vers 4). À quoi Alceste répond : « Moi je veux me fâcher, et ne veux point entendre » (vers 5). Alceste, décidément, est sourd aux autres, qu’il refuse d’entendre et ne peut que se réfugier dans l’écoute de sa musique.
L’autrice
Corinne François-Denève est professeure des universités en littérature comparée à l’Université de Haute-Alsace. Après une thèse sur le « roman de l’actrice », elle se spécialise en études actorales (Vivien Leigh, Greta Garbo…). Elle traduit du suédois et du norvégien les œuvres du « matrimoine » (La Comédienne d’Anne Charlotte Leffler, suivi de La Juliette de Roméo de Victoria Benedictsson, L’Avant-Scène Théâtre, 2015, Sauvé d’Alfhild Agrell, L’Avant-Scène Théâtre, 2016, Théâtre complet d’Anne Charlotte Leffler, Classiques Garnier, 2016, La Lioncelle de Frida Stéenhoff, suivi de L’Ensorcelée de Victoria Benedictsson, Classiques Garnier, 2022, Le Gant de Bjørnstjerne Bjørnson L’Avant-Scène Théâtre, 2023). Elle est également directrice de compagnie, dramaturge et critique.
Pour citer ce document
Corinne François-Denève, « ‘‘Si le roi m’avait donné’’… un tube. Irruption et disruption dans les Misanthrope d’Ivo van Hove et de Jean-François Sivadier », thaêtre [en ligne], Chantier #9 : Tubes en scène ! L’irruption du tube sur les scènes théâtrales contemporaines (coord. Agnès Curel, Corinne François-Denève et Floriane Toussaint), mis en ligne le 15 janvier 2025.
URL : https://www.thaetre.com/2025/01/15/si-le-roi-mavait-donne-un-tube/
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« ‘‘Si le roi m’avait donné’’… un tube »